Le projet de loi n°1033/PJL/AN déposé à l’Assemblée nationale en cours de session en ce moment tendant à réviser la loi n°2011/018 du 15 juillet 2011 fait les gorges chaudes au sien des acteurs du sport. Les membres du bureau exécutif de l’Acfac (association des clubs de football amateurs du Cameroun) ont donné un point de presse hier à Yaoundé pour expliquer pourquoi les députés de la nation ne devraient pas adopter ce projet de loi soumis à leur examen.
« Nous estimons que cette loi qui a été votée en 2011, n’a jamais fait l’objet d’une contestation. Nous prenons tout le monde à témoin. Elle a régulièrement régulé l’activité sportive, jusqu’au moment où, aujourd’hui, une seule fédération parmi tant d’autres au Cameroun, pour ses problèmes internes, on estime qu’il faille revoir cette loi. Nous pensons que ce changement ne saurait être opportun. Il faudrait que nous continuions de vivre sous le prisme de cette loi qui est en vigueur (loi de 2011, ndlr) et qui ne nous a jamais posé de problème. Les acteurs principaux que nous sommes n’avons pas été associés à la démarche qui a conduit à l’écriture de cette loi », a indiqué Henri Balla Ongolo, le président de l’Acfac. Avant de passer la parole à Abdouraman Hamadou, le président d’Etoile Filante de Garoua, pour davantage éclairer les journalistes sur les incongruités de ce projet de loi.
Abdouraman Hamidou a tenu à faire des remarques sur la forme : « on voit clairement sur la forme qu’une loi a été élaborée uniquement pour régler des questions particulières. On n’est plus dans les institutions de la République, parce que les valeurs de la République sont là pour protéger tout le monde. Le deuxième problème est qu’on voit bien que c’est sous la menace, puisque nous avons eu une lettre. Au moment où j’enregistrais ma vidéo, on n’était pas au courant qu’il y avait une lettre comme ça de la Fifa, qui s’est décidée d’écrire le 20 juin 2018, alors qu’elle a donné l’injonction au gouvernement camerounais le 27 février. C’est le 20 juin que la Fifa a daigné écrire, pas au gouvernement, mais au Comité de normalisation pour exiger le changement de la loi ». En citant un des aspects qui gêne ceux qui ne sont pas acteurs du football. « Et on voit bien que cette raison ne tient pas, parce qu’on parle de la volonté des deux parties pour saisir la CCA (Chambre de conciliation et d’arbitrage, ndlr) ; alors que cette CCA a été mise en place sous l’initiative du CIO. Schématisons un peu cela comme ceci : est-ce que si vous attrapez votre voleur, vous devez vous entendre avec lui avant d’aller au tribunal ? Si quelqu’un vous prive de vos droits, vous devez encore négocier avec lui pour aller au tribunal. Alors, il n’y aura jamais de tribunal. Le but pour la Fifa, c’est d’empêcher la CCA d’agir comme elle a toujours fonctionné. C’est grâce à la CCA
qu’on a pu enlever des gens à la fédération qui n’avait rien à voir avec notre football et qui étaient là pour servir d’autres intérêts », a-t-il regretté.
Deux articles se contredisent
Dans le fond, il y a des dispositions inscrites à dessein dans le projet de loi en examen. « Les articles 7 et 8 qui se contredisent. L’article 7 donne le pouvoir aux fédérations d’élaborer librement leurs Statuts alors que l’article 8 donne le pouvoir au ministre des Sports d’imposer à ces fédérations un modèle type de Statut. Connaissant la réglementation internationale en la matière, surtout au niveau des fédérations internationales, c’est une source de conflits inimaginables ; ça va générer tellement de conflits. Le ministre n’a pas besoin d’élaborer un Statut type et de l’imposer aux fédérations. Chacune doit élaborer ses Statuts librement dans le respect de la loi et de dispositions légales et régle- mentaires du Cameroun. Maintenant, s’il y a violation de la loi, le ministère peut interve- nir pour dire simplement que la loi dispose comme ceci », relève Abdouraman Hamadou.
Il y a l’article 40, alinéa 2 qui concerne la forme que doivent prendre les clubs professionnels. La loi de 2011 en vigueur donne la possibilité. Et là, on avait amené quelqu’un de la Cour Suprême d’interpréter et qui avait amené la Ligue de football professionnel à imposer les sociétés. Alors que la loi disait : peu prendre la forme des SARL, SA et autres. Vous pouvez ou vous ne pouvez pas. Maintenant, on dit : doit.
« L’article 42 alinéa 2 parle des corps de métiers. Cette notion a été introduite pour la première fois au niveau des ligues et ce n’est pas anodin. Les corps de métiers sont des syndicats. Le Synafoc (Syndicat national des footballeurs du Cameroun, ndlr), par exemple, n’a pas le droit de participer à la vie de la fédération. Les statuts de leurs fédérations internationales interdit cela. Mais, au Cameroun, ils ont même siégé au sein de l’exécutif de la Fécafoot. C’est contraire à leurs objectifs. Les corps de métiers sont là pour protéger les intérêts des corporations, les gens qui adhèrent à ces associations. Les gens sont libres d’y adhérer. Il y a des joueurs qui ne sont pas membres du Synafoc, qui règlent leurs problèmes avec des agents qui sont au Cameroun (…)Tel que c’est parti, ces gens peuvent gagner sur 58 départements, au moins 50. Vous comprenez qu’avec ce projet de loi, c’est le sort des élections qui se joue. Après tout on va vous dire que c’est la loi, dès que ça passe, même si ça n’a pas de sens. Aucun corps de métier n’a de démembrement dans les départements et les régions », dénonce le président d’Etoile Filante de Garoua. Lui qui évoque aussi les articles 94, 95 et 96 qui sont des dénis de justice. « On créé un environnement d’insécurité juridique, puisque vous n’avez aucune possibilité de faire quoi que ce soit. Ça veut dire que vous êtes obligés de vous débrouiller à l’intérieur de la fédération. On va fermer les portes au niveau de toutes les fédérations. On aura des dirigeants fédéraux qui sont de vrais tyrans et qui vont faire ce qu’ils veulent. On est en train de faire une loi pour nous réprimer », crie-t-il.
Akoué Epié Domingo, le trésorier de l’Acfac, pour insister que la Fifa demande au Cameroun d’appliquer ce qu’elle ne fait pas en son sein, comme la participation des corps de métiers dans un processus électoral. Les corps de métiers ne votent pas à la Fifa. L’Acfac tient à sensibiliser les députés pour indiquer que la loi n°2011/018 du 15 juillet 2011 n’a jamais posé de problème et qu’il y a inopportunité de la réviser.
Achille Chountsa