On l’a dit et redit : depuis plus d’une décennie, l’équipe nationale fanion va de crise en crise. Tout se passe comme si d’une compétition à l’autre, il existait un fil conducteur permettant de fédérer les dérapages, les mauvais comportements des uns et des autres autour des coalitions de nature administrative, technique, médiatique, mystique ou autre pour constituer, au gré des circonstances, des espaces de défiance ou de non-droit dans lesquels s’engouffrent tous les apprentis sorciers.
C’est triste de constater que les problèmes de l’équipe nationale et du football camerounais en général ne sont pas nouveaux. Lors de la Coupe du monde 2010, beaucoup de choses ont été décriées dans l’environnement immédiat des Lions et dans la tanière. On se rappelle la sortie musclée du Ministre des sports d’alors devant les députés de l’Assemblée nationale, dénonçant « les haines, les jalousies, les égos surdimensionnés, des luttes spirituelles ou ésotériques dont les ficelles sont tirés par les acteurs externes ». Passée l’émotion, rien n’avait bougé dans le fond. Alors que l’actuel Ministre des sports est attendu à son tour devant le même aréopage après la débâcle du Brésil, on peut se demander qu’est ce qui va vraiment changer par rapport aux vielles habitudes, au-delà d’un art consommé de brouiller les pistes. »
Après la foireuse expédition de 2010 où le Cameroun termina à l’avant-dernière place sur les 32 équipes, quelques mesurettes furent prises, sans doute pour calmer le courroux d’une opinion profondément déçue et meurtrie. Un diagnostic plus ou moins bâclé du mal avait été opéré mais on refusa les mesures fortes, préférant à la place des solutions faciles comme le bannissement de certains joueurs qui n’étaient pas forcément les plus à blâmer. Malgré toutes les tares dénoncées sur les plans de la discipline, du vivre ensemble, du patriotisme, il fut fait volontairement l’économie d’une autopsie complète sous prétexte de préparer les échéances suivantes. Mais la réalité nous a vite rattrapés. Le Cameroun n’était présent ni à la CAN 2012, ni à celle de 2013. La qualification in extremis à la Coupe du monde 2014 a exposé en mondovision les multiples lacunes d’une formation au management chaotique, plus adepte des faits divers, de la polémique, des sorties inopportunes que de l’efficacité.
Ceux qui ressassent sans fin l’épopée de 1990 que le chemin des Lions depuis lors est comme un long jour sans pain. Depuis lors, ils n’ont plus jamais franchi le premier tour d’un mondial. Leur dernière victoire étriquée (1-0) remonte en 2002 face à l’Arabie Saoudite. Depuis le revers 2-0 contre la RFA le 11 juin 2002 (Corée/Japon) les lions restent sur une série de sept défaites consécutives en coupe du monde. C’est la pire performance de tous les temps pour une équipe africaine dans cette compétition. Par ailleurs, après son match nul obtenu (2-2) le 19 juin 1994 aux USA face à la Suède, le Cameroun n’a plus jamais marqué plus d’un but dans une rencontre de phase finale.
Malgré ce bilan calamiteux, on est coutumier du fait qu’à chaque déculottée, on trouve toujours des circonstances atténuantes. Après le fiasco sud-africain, le discours stéréotypé était du genre : « il faut tourner la page et commencer à préparer les échéances futures ». Malheureusement, cette pirouette n’a pas permis notre qualification aux CAN de 2012 et de 2013. La préparation de la CAN 2015 que certains montent déjà en épingle pour masquer leurs carences n’aura pas plus de bonheur en l’absence d’une autopsie en profondeur de ce qui s’est passé, non seulement au Brésil, mais aussi en 2010 en Afrique du Sud.
On a eu jusqu’ici le tort de penser que la solution aux problèmes des Lions et du football camerounais en général se résume à une question d’hommes. Tout ou presque a été tenté dans ce sens : mutation à la tête de l’instance fédérale, changement au niveau du capitanat, ballet ininterrompu des entraîneurs-sélectionneurs, etc. Sans qu’aucun des remèdes administrés ne produise es effets escomptés.
Si une situation va de mal en pis malgré l’acharnement thérapeutique, cela suppose que le mal est plus profond et la thérapie inadaptée. Il faut donc sortir du constat factuel pour regarder du côté des racines profondes.
Pour ceux qui ne mesurent pas assez la gravité du mal, l’histoire tragique du « Titanic » nous apprend que lorsque l’insouciance de la vie à bord avait atteint son paroxysme au moment même où le célèbre paquebot était sur le point de chavirer. Doit-on penser que le dilettantisme des joueurs et dirigeants est le chant du cygne ? Difficile à trancher, sauf à dire que Brésil 2014 offre une occasion à ne pas manquer pour nettoyer en profondeur le football camerounais de tous les parasites qui l’empêchent de prendre son envol. Un diagnostic plus ou moins exhaustif indique d’emblée quelques points durs sur lesquels s’appuyer pour une refondation durable.
Jean Marie Nkeze