L’un des piliers de l’équipe nationale depuis 1996, écarté des effectifs depuis deux ans, dénonce les fossoyeurs des Lions: Bidoung, Nguidjol, Schäfer et… Song!
Douala, le 9 JAnvier 2004 – A 15 jours du démarrage de la Can 2004 en Tunisie, les Lions Indomptables sont au centre de nombreuses controverses. Parmi celles-ci, la présélection des joueurs pour la préparation de la CAN est on bonne place. A la suite de l’article intitulé L’affaire Mboma paru à la page 5 du Messager no 1608 du 7 janvier dernier, traitant de la dictature de Bidoung Mpkwatt, le ministre de la Jeunesse et des sports sur les choix du technicien allemand des Lions Indomptables, et des combines et autres chantages sur la sélection des joueurs, Pierre Wome Nlend accorde une interview à notre confrère Mutations réalisée à Paris. On retient des propos du lion de l’Espanyol de Barcelone, que le ministre Pierre Ismaël Bidoung Mpkpatt règne avec arrogance sur l’équipe nationale, face a un entraîneur complètement à plat ventre et, fait impensable il y a quelques années – au nez et la barbe souvent complice des dirigeants de la fédération camerounaise de football. A coté de ce ministre dont on ne connaît pas un passé de sportif, vivent des hommes de main aux pouvoirs de décision et de nuisance insoupçonnés, qui n’ont de réplique au sein des joueurs qu’un capitaine porte parole des… dirigeants.
Si Pierre Wome semble ne pas en vouloir à Winfried Schäfer, le sélectionneur, il ne le défend pas, cependant. Bien plus, il dévoile le caractère amorphe d’un entraîneur qui ne jouirait plus légitimement et légalement de ses pouvoirs de sélectionneur. Illustrations pathétiques en avril dernier, il veut bien retenir le solide défenseur et milieu défensif parmi les futurs héros de la Coupe des confédérations en France, mais il prend soin de conseiller au joueur d’aller d’abord se plier devant Bidoung qui ne veut pas de lui. Arrivé au Cameroun, Wome n’a jamais été reçu par l’impotent ministre depuis lors, il n’entend plus parler le coach allemand, jusqu’à la fin du mois de décembre, quand il apprend qu’il est convoqué. Lorsqu’il appelle son coach, ce dernier lui révèle qu’on lui a demandé… de ne sélectionner que ceux qui étaient à la Coupe des confédérations. Sans honte, Schäfer avoue ainsi à son poulain que la sélection n’est pas faite par lui. A la différence d’un Claude Leroy ou d’un Pierre Lechantre, le technicien allemand -dont on commence à soupçonner aussi de brillantes incompétences- baisse la culotte devant un ministre encombrant. L’attitude de Schäfer est aux antipodes de celle de Lechantre -véritable catalyseur du renouveau des Lions après France 98, mais chassé comme un malpropre, après un palmarès éloquent.
Bidoung, le manipulateur?
Emmuré dans son bureau, Pierre Bidoung reproche à Pierre Wome son engagement dans la grève des lions à Paris, quelques jours avant le début de la Coupe du monde Corée/Japon 2002. Il garderait la même dent dure contre Patrick Mboma, que l’état major des lions ridiculise par convocations et contre convocations. Et c’est là où l’interview de Wome vient édifier les observateurs. Depuis la retraite de Bell Joseph Antoine, jamais on n’avait entendu une critique aussi rigoureuse et dépouillée de circonlocutions, venant d’un lion indomptable. Bell ne confiait-il pas à un confrère, au sujet de la grève des lions “la différence entre eux et moi, c’est que moi je dénonçais toujours avant. Je n’attendais pas la défaite pour parler” ? Les footballeurs de l’équipe du Cameroun sont effectivement restés trop longtemps silencieux. Car, à lire Pierre Wome, les tares que dénonçait Antoine Bell existent toujours. Dans l’ombre, au ministère de la Jeunesse et des sports, des cadres sévissent sur l’organisation et le fonctionnement de l’équipe nationale, Le doigt de Wome est pointe sur un certain André Nguidjol, de la Cellule provisoire de gestion administrative (ancienne direction administrative) des lions. Il serait responsable de la non sélection d’Alioum Boukar, qui se sent jeté comme une orange pressée, maintenant que le Cameroun peut compter sur un autre gardien talentueux, en la personne de Idriss Carlos Kameni. Pour Alioum Boukar, Wome accuse ces requins qui favorisent la sélection de jeunes gardiens sans talent particulier, qu’ils veulent placer sur le marché professionnel.
Il est vrai qu’on a vu Aimé Jacquet gagner la Coupe du monde, après avoir fermé les portes de la sélection à un Eric Cantona au sommet de son art, mais Patrick Mboma, Pierre Wome, Alïoum Boukar, Lauren Etamè et Marc Vivien Foé c’est beaucoup d’absents pour l’équipe nationale du Cameroun. L’interview du lion recalé provoque tout de même des inquiétudes sur cette équipe et suscite des interrogations. Joint par Le Messager, de hauts responsables de la Fécafoot et du Minjes qui ont requis l’anonymat ont avoué que les griefs formulés par Pierre Wome Nlend ne sont pas dénués de fondement. Le ministre Bidoung Mpkwatt a effectivement prescrit de ne plus sélectionner certains Lions sous le prétexte « l’indiscipline », confirme l’un d’entre eux.
De quel pouvoir dispose Bidoung Mpkwatt pour mettre au pas, fédération, joueurs et entraîneur ? utiliserait-il le désormais puissant réseau de « la cuisine » du palais présidentiel pour soumettre tout le monde ? Une révélation de Pierre Wome peut l’indiquer. « Après la coupe du monde des responsables de la Fécafoot m’ont dit qu’il fallait que j’adresse des excuses au ministre de la Jeunesse et des sports et à la Fecafoot. Or, il s’agissait d’un piège. Les deux numéros de fax qu’ils m’ont donnés n’allaient pas au Minjes et encore moins à la Fécafoot. En fait, il s’agissait d’un numéro de fax de la présidence et l’autre était celui des services du Premier ministre. Je vais l’apprendre plus tard. Puisqu’on m’expliquera là-bas que j’ai avoué que ce qui est arrivé à la Coupe du monde n’était pas de la faute du ministre, mais de celle des joueurs. Et mon fax servait de preuve ». Pour sauver sa tete après l’échec Corée/Japon 2002, le beau-frère du président a peut-être utilisé les réseaux familiaux pour noyer certaines figures emblématiques des Lions.
De plus en plus enfoncé dans une attitude mobutienne (au Minjes, il se fait désigner absolument par le titre “Excellence”), Bidoung Mpkatt est un cas de schizophrénie qui peut menacer la grande famille des lions. Tenez par exemple lors de la Coupe des confédérations, c’est avec beaucoup de mépris qu’il regardait d’anciens glorieux lions (dont François Omam Biyick) venus encourager leurs jeunes compatriotes il y a quelques jours, sur les ondes de la Crtv, on entendait encore le Mobutu des sports critiquer la sélection effectuée par Jean-Paul Akono, avant le match Cameroun—Côte d’lvoire comptant pour les éliminatoires des prochains Jeux olympiques. Pour cet ancien comédien au talent approximatif, l’immixtion dans les affaires techniques du football est une impardonnable imposture. Quant à Pierre Wome, qui dit qu’en 2002, il a simplement exprimé tout haut ce que tous les joueurs pensaient, en l’absence d’une prise de responsabilité par le capitaine Song, il n’a pas à se lamenter, il doit assumer. C’est aussi cela, le salaire de l’engagement !
Venant MBOUA et Honoré FOIMOUKOM, Le Messager