La joie des supporters n’a été que de courte durée après la victoire (1-0) des Lions indomptables obtenue le 8 septembre 2013 à Yaoundé, sur la sélection nationale de Libye. Malgré la qualification pour le 3e tour des éliminatoires du Mondial 2014, Samuel Eto’o, à la surprise générale, a annoncé à ses coéquipiers réunis dans les vestiaires, son départ de la sélection. Le capitaine des Lions indomptables a annoncé la fin de sa carrière internationale, à laquelle personne ne croit, en commençant par lui-même.
Voici les raisons qui militent pour un retour certain du phénomène Eto’o Fils dans la tanière.
1- L’annonce de sa déclaration est discrète et sans trace
«Merci les gars. Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi. C’est grâce à vous, à tout ce que nous avons fait ensemble, que je suis là où je suis. Je vous laisse, je pars. Vous avez choisi Nicolas Nkoulou comme capitaine. Encouragez-le et soutenez-le. Dans toutes les familles, il y a des problèmes, il y a des moments difficiles. Le plus important, c’est de pouvoir gérer. Restez soudés. L’avenir est devant vous. Vous savez, autour de nous, ça bavarde trop. Il faut éviter d’écouter les ragots. Je vous laisse et je suis convaincu qu’il y a une formidable équipe du Cameroun qui est en train de grandir. Que Dieu vous protège et je vous souhaite bonne chance», serait le verbatim de sa déclaration, selon des personnes présentes dans les vestiaires dimanche à l’issue du match contre la Libye.
Aucun membre de l’encadrement technique, ni responsable du ministère des Sports et de l’Education physique (Minsep) ou de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) encore moins ses coéquipiers ou les supporters complètement désemparés, n’avaient imaginé un tel scénario. Cependant, malgré la vive émotion suscitée au sein de l’opinion publique nationale et internationale, et dans la presse, cette déclaration ne revêt aucun caractère officiel.
Elle reste discrète et sans trace. Le joueur n’a signé aucun communiqué indiquait qu’il mettait fin à sa carrière avec l’équipe nationale; il n’a pas non plus organisé de conférence ou de point de presse, et pis encore, il n’a accordé aucune interview à la presse pour s’expliquer. Jamais une star de renommée mondiale de sa trempe n’est sortie de scène sans une annonce officielle devant les médias du monde entier. En réalité, ce Lion, malin comme un renard, n’a pas voulu insulter l’avenir.
2- Son départ est davantage un S.O.S
Cette décision est moins la conséquence d’une baisse de performance ou physique qu’un cri de détresse lancé suite aux difficultés avec l’encadrement technique ces dernières semaines. Il est évident qu’Eto’o, loin de vouloir quitter ses camarades à quelques mois de la Coupe du monde de football, veut exprimer sa frustration et son mécontentement à la suite d’une incompatibilité d’humeur née de ses désaccords tactiques avec le sélectionneur Volker Finke avant le match crucial contre la Libye. Pour cette rencontre, Samuel Eto’o avait souhaité voir ses amis, Idriss Carlos Kameni évoluer dans les buts, Benoît Angbwa comme latéral droit et Achille Webo à ses côtés au niveau de la ligne d’attaque. Ce que le coach a botté en touche. C’est la première fois qu’un entraîneur oppose une fin de non-recevoir à ses demandes jugées souvent comme des caprices de stars.
Pour manifester son mécontentement, le capitaine camerounais ne s’était quasiment pas entraîné vendredi, deux jours avant la rencontre avec la Lybie, prétextant des problèmes aux adducteurs, mais a finalement consenti à jouer dimanche après moult tractations avec les autorités. Eto’o a donc décidé de mettre davantage de pression sur les responsables camerounais, conscient du fait qu’une telle décision tombe mal pour ses amoureux qui souhaitent le voir contribuer à la qualification pour le Mondial 2014.
A ce niveau, l’attaquant des Lions indomptables peut être écouté et entendu. Il garde de bons rapports avec le palais d’Etoudi qui seul peut faire changer les choses. Le président de la République qui, plus d’une fois, est intervenu directement ou indirectement pour régler des problèmes de l’équipe nationale (c’est Paul Biya qui a commandé la sélection de Roger Milla pour la Mondial 90 en Italie, il serait personnellement intervenu pour le recrutement du coach français Paul Le Guen et récemment pour la levée de la suspension du Cameroun par la Fifa), va prendre des mesures appropriées pour mettre fin le plus tôt possible à cette situation. S’il ne le fait pas directement, il devra alors supporter la pression de son épouse et de ses enfants, grands fans du buteur hors pair.
Face à toute cette agitation, le technicien allemand n’a pas voulu en dire davantage. «Samuel Eto’o est un très grand joueur et certainement l’un des meilleurs footballeurs de la planète. Je crois que c’est à lui-même de vous expliquer pourquoi il prend telle ou telle décision», a déclaré Volker Finke pendant la conférence de presse d’après match. Conscient qu’il est lié à cette décision, Volker Finke ne veut prendre aucun risque de choquer.
3- Eto’o reste un compétiteur, un tueur-né
Même âgé de 32 ans, la perspective de jouer une nouvelle Coupe du monde reste un challenge extrêmement important pour Samuel Eto’o. Ce d’autant plus que ses trois premières participations (1998, 2002 et 2010) n’ont pas été particulièrement brillantes avec des éliminations au premier tour. En 2010, son image avait été écornée par des commentateurs sportifs qui voyaient en lui le principal responsable de la guerre des clans et des batailles de leadership qui minaient la sélection camerounaise. Une participation au Brésil représente donc à la fois un certain prestige et une occasion idéale pour laver l’affront subit par le Cameroun en Afrique du Sud et pour le joueur, de sortir définitivement par la grande porte.
Au vu des potentiels adversaires du Cameroun pour le 3e tour (Côte d’Ivoire, Nigeria, Tunisie, Algérie et Ghana), le coach Volker Finke aura à cœur de bâtir une équipe conquérante, question de prendre une bonne avance au match aller prévu à Yaoundé en octobre prochain. Pour cette rencontre qui s’annonce difficile face à des équipes bien organisées sur le plan tactique et technique, Eto’o reste l’arme idéale pour l’attaque des Lions indomptables. Face au Togo, en mars, lors de la troisième journée, la solution était venue de lui en fin de partie, au moment où la victoire semblait échapper au Cameroun.
Détenteur de quatre Ballons d’or africains (2003, 2004, 2005 et 2010), Samuel Eto’o est par ailleurs le meilleur buteur de la sélection camerounaise avec 55 buts marqués en 116 sélections depuis 1997 et meilleur marqueur des phases finales de la coupe d’Afrique des nations avec 18 buts. Il a en outre remporté 2 Can en 2000 et 2002, une médaille d’or Olympique en 2000 et plusieurs trophées avec ses clubs respectifs: Fc Barcelone, Inter Milan et Réal Madrid.
4- Les faux départs, on connaît
Ce n’est pas la première fois qu’un joueur annonce sa retraite avant de se faire marche arrière. Depuis 2012, Samuel Eto’o, critiquant «la navigation à vue et l’amateurisme» des autorités camerounaises, à la suite de sa suspension de huit mois, avait décidé de ne plus répondre aux convocations de l’équipe nationale. Mais, dans une posture de patriote et motivé par les « appels du peuple », il avait accepté de revenir en sélection nationale pour le match contre les Requins bleus du Cap-Vert, qualificatif pour la Coupe d’Afrique des nations Afrique du Sud 2013. Il avait également répondu favorablement à l’appel de cœur du Minsep et de la Fecafoot alors qu’il menaçait de ne pas prendre part à la phase finale du Mondial 2010 en raison des critiques émises à son égard par Roger Milla. Le gouvernement avait alors dû publier un communiqué pour réprouver le vieux Lion.
Roger Milla, lui-même, ancien attaquant des Lions indomptables sacré meilleur joueur africain du siècle selon le quotidien sportif français L’équipe en 2001 avait interrompu sa retraite pour aller disputer la Coupe du monde italienne de 1990, où il conduisit le Cameroun en quart de finale grâce à ses quatre buts.
Enfin, Zinedine Zidane avait cédé à la pression populaire et le lobbying des autorités de son pays pour revenir en équipe de France à la veille de la Coupe du monde 2006 en Allemagne. Il avait même fait cédé ses dirigeants, en obtenant d’autres largesses, comme les retours des joueurs emblématiques de la génération championne du monde en 1998: le gardien de but Fabien Barthez, le milieu de terrain Claude Makélélé ainsi que le défenseur Lilian Thuram.
Toutes ces raisons et arguments sportifs ou extra sportifs militent pour un retour certain du phénomène Eto’o Fils dans la tanière.
Par Jean Robert Fouda