Renié et vomi par la presse, méconnu du gotha du football camerounais et par-dessus tout, imposé dans la tanière, le nouvel entraîneur sélectionneur de l’équipe nationale fanion est attendu au tournant. Outre redonner au Onze national une ossature à la dimension de son aura, le nouveau sorcier blanc devra également implémenter la méthode Broos, bien plus élaborée et efficace que celle de son prédécesseur, incapable de remettre les fauves sur la voie de la refondation, deux ans après sa nomination.
Il doit avoir conscience que c’est dans un champ de mines qu’il vient d’être catapulté. Accueilli dans un concert de contestation, de reniement total et présenté par la presse comme un technicien looser en mal de palmarès, il débarque dans un environnement où les dresseurs de fauves n’ont pas généralement droit à l’erreur. Accueilli comme des sorciers aux grands remèdes, ils sont pour la plupart sortis par la petite porte sous les huées du public et l’intransigeance sans précédent de leurs employeurs. Conscient donc des enjeux qui l’attendent, le technicien Belge a déjà le pied à l’étrier. Lui qui jure d’être un homme de défis. « Dès que j’ai été choisi, j’ai commencé à travailler. Il y’a des réunions avec les membres du staff. La réunion avec Alexandre Belinga est très importante, car c’est l’homme le plus important de mon staff, sur qui je compte d’ailleurs beaucoup. Plus tard, on fera un inventaire des joueurs locaux. Ici, c’est comme en Belgique : on a eu des périodes avec de grands joueurs et à tout à coup, on est tombé dans un trou parce que la relève n’était pas là. Je suis conscient qu’il y’a un réservoir de joueurs qui peuvent être dans les Lions. Mais on doit les détecter. Surtout que le monde vieillit. C’est à cela que je vais travailler dans les prochains mois. Mais, on va d’abord se concentrer sur les deux matchs contre l’Afrique du Sud », confiait-il quelques minutes après avoir paraphé son contrat le 18 février dernier.
Récupération politique
Aujourd’hui, la question pourrait se résumer simplement : l’équipe nationale fanion dont le prestige a pris un sacré coup depuis plus d’une dizaine d’années est-elle capable d’un sursaut ? Avec Broos aux commandes, peut-elle avoir l’humilité de se remettre en question, de reculer pour mieux rebondir ? L’heure s’y prête. Mais à condition que tous les acteurs acceptent de jouer chacun sa partition, et de s’investir avec abnégation dans l’œuvre incontournable de la refondation. Le sélectionneur en premier. Le défi de l’instant n’est pas, comme on en a eu l’habitude, de gagner un match capital, ou de se qualifier pour une Coupe d’Afrique des nations ou une Coupe du monde pour distraire le peuple avide de victoires et l’Etat devenu le champion de la récupération politique. L’enjeu est autrement plus déterminant : il s’agit de doter le Onze national de nouvelles bases, de nouveaux arguments pour garantir les victoires de demain. Au chapitre des urgences, la mise sur pied d’un véritable fond de jeu pour une équipe sans aucune inspiration depuis belle lurette. Eviter le tâtonnement et la navigation à vue, des exercices chers à Volker Finke.
Assainissement de l’environnement
Jouer et gagner, oui, mais avec la manière parce que le football est avant tout un spectacle. Le système de jeu des quadruples champions d’Afrique doit avoir une couleur, une âme. C’est au sélectionneur de trouver la bonne formule. Cela va sans dire qu’il faut bien trouver des joueurs performants pour bâtir une équipe conquérante, avec un banc de touche de qualité. Ce n’est certainement pas le talent qui manque. Et même avec des joueurs moyens, on peut construire un groupe solide tant que le fameux « fighting spirit » est assimilé par tous. La Ligue 1 et ses nombreuses pépites peuvent servir de vivier. Cette refondation passe aussi, on ne le répétera jamais assez, par l’assainissement d’un environnement qu’on croyait plus aseptisé. La Fécafoot et le Minsep doivent montrer leur détermination à rendre les choses plus professionnelles. La discipline et le patriotisme doivent régner en maître dans la tanière. Il faudra cependant du temps pour en juger. Fort heureusement, le nouveau patron de l’encadrement technique des Lions dit avoir les moyens de sa politique. «Je suis habitué à travailler sous la pression. Quand vous avez entrainé Anderlecht où chaque année, on vous demande de remporter le championnat, la coupe et d’aller loin en ligue des champions, vous comprenez ce que c’est ».
Christou DOUBENA