Alors que la phase éliminatoire de la Coupe d’Afrique des nations 2015 avance à grands pas, l’attention de l’opinion publique camerounaise est à nouveau attirée sur la trajectoire des Lions indomptables. Il est de plus en plus question de savoir quel visage présentera l’équipe nationale du Cameroun au moment d’aborder cette autre nouvelle compétition. Oubliée la calamiteuse expédition brésilienne ? Apparemment, elle semble dissimulée derrière un écran de fumée, du moment où l’enquête sur la débâcle au Brésil instruite en haut lieu n’a pas toujours délivré publiquement son verdict, laissant croire par conséquent que le dossier a été enterré pour passer à autre chose.
Pas si sûr pour autant. En effet, une bonne frange de l’opinion continue à piaffer d’impatience, regrettant visiblement le refus apparent de solder les comptes dans la tanière et en dehors pour repartir sur des nouvelles bases. Dans ce contexte, la rencontre du 6 septembre 2014 contre la RDC apparait aux yeux de certains comme une parenthèse quelque peu insolite sans commune mesure avec l’ordre des priorités qui aurait plutôt commandé de revoir de fonds en combles les fondations de l’équipe nationale pour un nouveau départ sur des bases plus saines.
Pour autant, c’est le démarrage des éliminatoires de la CAN 2015 qui semble préoccuper pour le moment les officiels du Ministère du sport comme de la Fédération camerounaise de football. Selon des sources dignes de foi, le sélectionneur Volker Finke (dont le maintien n’a pas encore été confirmé) ratisse large du côté de l’Occident pour constituer une nouvelle cuvée. Une liste composée d’anciennes et nouvelles figures aurait été déjà transmise au Comité de normalisation de la Fécafoot qui a déjà fort à faire avec l’épineux dossier de la validation des textes d’ici le 23 août dans la perspective de la préparation des nouvelles élections en vue du renouvellement des instances dirigeantes. Des sources dignes de foi laissent entendre que quelques « fortes têtes » auraient été écartées de la nouvelle sélection, soit pour rendement médiocre, soit pour indiscipline, soit pour limite d’âge. Certains noms sont avancés comme Charles Itanje, Achille Webo, Landry Nguemo, Assou-Ekotto ou Cédric Feudjou, Allan Nyom ou Alexandre Song. D’autres, nom moins coupables auraient été maintenus sans raison objective.
Pour l’instant, personne n’a confirmé ou infirmé les informations distillées ici et là. Le plus étrange dans l’affaire c’est qu’on ne maitrise pas les clés de la convocation de tel ou tel joueur alors même qu’o n n’a pas encore tiré toutes les leçons du comportement scandaleux de l’ensemble de l’équipe à la veille du départ pour la Coupe du monde 2014 au Brésil ainsi que des nombreux gestes condamnables lors de ladite compétition.
La situation qui prévaut au sein de l’équipe nationale fanion et en dehors depuis la fin de la Coupe du monde semble se résumer à un constat : on prend (presque) les mêmes et on recommence, quitte à piétiner un peu plus l’orgueil national et les symboles qui incarnent notre souveraineté. L’apparente sérénité affichée, qui recouvre en réalité des cendres très chaudes, est à mille lieux du scénario vécu sous d’autres cieux.
Aux lendemains de la récente coupe du monde, plusieurs bouleversements sont intervenus dans l’encadrement technique, la sélection nationale et le staff administratif pour motifs divers ; la principale justification étant liée à la prestation en coupe du monde. Dans des pays aussi divers que le Brésil avec Dunga, l’Italie avec Conte, le Ghana ou la Côte d’Ivoire avec Hervé Renard, etc. Autant de nouvelles figures arrivées à la tête des sélections nationales suite à la démission ou au limogeage de leurs prédécesseurs. Ici et là, des joueurs emblématiques à l’instar de l’Ivoirien Didier Drogba, du Français Ribéry, du capitaine anglais Steven Gerrard, de l’Allemand Miroslav Klose. Au Brésil, Fred et Rivaldo ont annoncé leur départ, entre autres.
Au Cameroun c’est toujours le calme plat, du côté des joueurs, des entraîneurs comme de la tutelle administrative, personne n’ose sortir la tête de l’ eau pour se singulariser tant soit peu. A aucun niveau (Ministère, Fédération, DTN, entraîneurs, joueurs), personne n’a eu jusqu’ici le courage de faire ne serait-ce qu’un mea culpa, à défaut de rendre son tablier compte tenu des bévues commises ou des manquements relevés. Alors que le sélectionneur se dit déterminé à aller jusqu’au bout de son contrat de 2 ans (encore que son remplacement dans le contexte actuel n’apporterait rien de nouveau), les principaux cadres de l’équipe ou considérés comme tels continuent à faire profil bas, sans doute dans l’espoir de se faire oublier puis …sélectionner par la suite. Pour l’instant, aucun élément des Lions indomptables, des plus âgés aux plus jeunes, n’a donné le moindre signe de vouloir prendre du recul avec l’équipe nationale, de se mettre en retrait, même à titre provisoire, dans la perspective d’une fin de carrière plus ou moins méritée. Ni les principaux meneurs du fameux boycott du drapeau national au Stade omnisports de Yaoundé, ni les animateurs de la grève du Mont-Fébé, ni les auteurs de « lettres ouvertes », ni les animateurs des nuits chaudes de Rio et autres parties de poker, ni les « agresseurs » et autres « bagarreurs » dont les frasques ont enflammé les réseaux sociaux sur la Toile mondiale n’ont affiché jusqu’ici le moindre remord, comme pour regretter leurs comportements peu compatibles avec ce qu’ils sont sensés représenter comme symbole, véhiculer comme image. A défaut d’humilité, tous s’accrochent donc comme s’ils s’étaient donné un seul mot d’ordre : démission interdite.
En appelant parfois à la rescousse une campagne com-promo souvent maladroite par affiches et journaux interposés. Pour certains observateurs, cette attitude faite à la fois d’arrogance et de résignation devient de plus en plus un trait de caractère ancré dans le subconscient collectif. A moins d’être poussé vers la sortie, personne n’a vraiment intérêt à avouer ses limites. Malgré l’énormité de ses fautes, apparemment nul n’a le droit de se mettre volontairement de côté, à moins d’y être contraint par une force extérieure, voire supérieure. Mais qui aura le toupet de toucher aux « dieux du stade » ? On attend voir.
Les dirigeants sportifs ne sont d’ailleurs pas les premiers à donner l’exemple. Que l’on se souvienne péripéties houleuses qui ont mis fin au règne de l’ancien président de la Fécafoot contre la ferme volonté de l’intéressé et de ses partisans décidés à garder les clés de l’édifice. Le Comité de normalisation venu à la rescousse a lui aussi joué des prolongations, à défaut d’assumer son mandat dans les délais impartis par la Fifa. Tout se passe donc comme si les Lions prétendument indomptables seraient devenus un trésor national, un patrimoine inattaquable, tellement précieux qu’il ne viendrait à l’idée de personne d’intenter un procès public contre eux et encore moins d’infliger des sanctions exemplaires au vu et au su de tout le monde.
Dernière équipe au classement général pour les deux dernières coupes du monde (2010 et 2014), l’équipe nationale du Cameroun ne semble pas toujours prête d’opérer cette mutation en profondeur, indispensable pour toute véritable refondation. A moins d’un rebondissement inattendu, comme dirait quelqu’un, rien ne se passe dans ce pays comme ailleurs dans le monde. A nous donc la CAN 2015 !
Jean Marie NZEKOUE