Pendant longtemps, très longtemps même, les Camerounais, presque tous des supporters inconditionnels des Lions indomptables, se souviendront, avec beaucoup de tristesse de ce 11 juin 2002, le jour où, au stade japonais de Shizuoka, l’Allemagne a battu le Cameroun par deux buts à zéro.
Cette défaite face aux Allemands renvoyait au bercail, précipitamment, les Lions indomptables pour lesquels tout un peuple et, peut-être, d’autres supporters anonymes, essaimés aux quatre coins de l’Afrique et du monde avaient parié si gros. Chez les Camerounais, la désolation était d’autant plus insupportable qu’aucun prétexte – le mauvais arbitrage, par exemple, comme cela avait été le cas en 1998, en France, face au Chili – ne pouvait être invoqué, pour en atténuer la profondeur. La vérité était toute nue : les joueurs camerounais n’avaient pas été dans le coup. Le ver était bel et bien dans le fruit. Il ne fallait pas aller chercher les causes de la déconfiture – c’en était bien une – ailleurs et dans d’autres détours. Les Lions indomptables et nous-mêmes, qui sommes censés les encadrer techniquement, tactiquement et surtout, moralement, portions en nous la cause de nos propres déboires.
Alors, comment recoller les morceaux de ce bel édifice que nous avons mis tant de temps à bâtir et que nous avons eu, en si peu de temps, autant de légèreté à démolir ? Au lieu de faire bien jouer les Lions indomptables, comment en sommes-nous arrivés à nous jouer d’eux, au point d’en faire la risée de ceux-là mêmes qui les avaient tant admirés naguère ? Voilà antant de questions qui nous interpellent urgemment. Voilà autant de sujets préoccupants auxquels nous sommes invités à apporter des solutions satisfaisantes et durables.
Pour commencer, il n’est pas nécessaire de tirer subitement sur toutes les sonnettes d’alarme, comme si le feu avait pris à tous les étages de notre immeuble de football. Certes, le Corée-Japon que les Lions indomptables ont effectué est tout à fait comparable au naufrage qu’ils avaient essuyé en 1994, aux Etats-Unis, même si l’addition, en nombre de buts encaissés, est nettement moins salée. Mais, pour autant, notre équipe nationale n’a pas atteint le fond du gouffre. Ensuite, ce n’est pas, à proprement parler, le fond de jeu des Lions indomptables qu’il faudrait revoir de fond en comble. A ce propos, il serait injuste d’oublier tout d’un coup que c’est avec ces joueurs, à quelques exceptions près, que le Cameroun a été consécutivement deux fois champion d’Afrique. C’est loin d’être un hasard. Enfin, cela ne sert à rien de nous chercher, pour notre consolation, des boucs émissaires auxquels on ferait porter seuls le chapeau. Il serait bon, surtout dans des situations de doute pareilles à celle que nous connaissons actuellement, que nous soyions solidaires et collégialement comptables de nos défaites subies.
Pour les Lions indomptables, la recette magique pour retrouver, dès demain, les chemins de gloire qu’ils ont tant de fois empruntés par le passé n’est sans doute pas encore toute trouvée. Mais, si l’on commençait – il faudrait bien que l’on commence quelque part – par combattre, à tous les niveaux, cette indiscipline récurrente à laquelle le chef de l’Etat lui-même a fait allusion l’autre jour, une indiscipline qui pourrirait tout au sein de l’équipe nationale et qui aurait battu de véritables et tristes records lors du Corée-Japon, on aurait déjà fait, nous croyons, un grand pas pour sortir de la nuit.