Voici une métaphore que se permet notre confrère Léopold Chendjou au sujet de la polémique née du match amical manqué des Lions contre la sélection algérienne, et qui est à l’origine de la lourde sanction suspendant le capitaine de l’équipe nationale pour 15 matches : «Si au plus fort du conflit de Bakassi, un chef de bataillon refusait d’engager ses troupes dans la mangrove de Bakassi, au motif qu’on lui a manqué de respect, quel sort lui aurait-on réservé? Est-ce la prison? La radiation du corps des armées, la fusillade? La suspension de solde?
Quelque soit la sanction, je suis convaincu que peu de personnes aurait trouvé celle-ci exagérée. Combien de nos vaillants soldats (leurs soldes n’atteignaient souvent pas 80 000 Frs par mois) ont perdu la vie en défendant le drapeau du Cameroun à Bakassi ? Ils sont nombreux ces instituteurs, ces infirmiers, ces policiers qui dans les tréfonds de l’Est ou de l’Extrême nord, participent à leur manière au développement de ce pays, souvent pour un salaire de catéchiste. Pour moi, ce sont les vrais patriotes.
Dénonçons cette injustice. D’un côté une bande d’individus, qui courent derrière un ballon pendant 90 mn, et exigent 500 000 Frs, de l’autre côté, des militaires qui meurent au front pour 90 000 Frs par mois, des instituteurs qui s’échinent à donner une instruction aux jeunes Camerounais pour 45 000 Frs par mois, des infirmiers qui soignent des malades à Ndélélé pour 64 000 Frs par mois. Non, non, non, non ! Le football n’est qu’un jeu, un loisir.
Ne faisons pas de la suspension d’Eto’o un problème national. C’est un Camerounais comme tous les autres ; il a refusé de défendre les couleurs de son pays, qu’il soit sanctionné. Nous sommes souvent les premiers à dire que les sapeurs pompiers sont arrivés en retard, à crier que les policiers n’ont pas intervenu à temps, à dénoncer l’absentéisme des enseignants…A mon avis, Eto’o Fils et sa bande doivent être ostracisés »
On peut contester le parallèle tracé, mais est-il excessif ? Un célèbre chef d’Etat africain aujourd’hui disparu avait coutume de dire que, lorsque l’équipe nationale de football se trouve en compétions, chaque joueur est un soldat au front ; son comportement à ce moment-là devrait être conséquent.
Les joueurs ont des droits ; ils doivent en jouir sans entraves. Ils ont aussi des devoirs ; ils doivent les assumer sans faille. Quand ils sont appelés à la sélection, ils peuvent décliner l’invitation. Quand ils l’ont acceptée, ils sont des militaires au front. Le refus de jouer correspond à une désertion à réprimer sévèrement comme dans l’armée.
La recette argentine
Le pays de la dictature. Le pays de la répression organisée par les militaires, dans la décennie de 1970. C’est désormais un triste souvenir. Durant plus de 20 ans, passés ces tristes moments, le pays s’est réorganisé. Les dirigeants ont fait une introspection ; ils ont remis le pays sur de nouvelles bases. Bien avant cela, la décennie 2000 n’était pas encore le bonheur total : le pays connaissait encore des moments difficiles avec la crise économique mondiale ; cette crise avait pourtant mis sur la paille près de la moitié de la population argentine. Mais voilà que depuis 2010, l’Argentine s’est relevée à grande vitesse. Sa croissance économique est la plus élevée d’Amérique, avec plus de 9% par an. La pauvreté a reculé jusqu’à 25% de la population. Le pays vit principalement de ses exportations agricoles, de ses ressources minières, ainsi que du tourisme. Les investisseurs étrangers accourent en Argentine pour prendre leur part au miracle.
Les Argentins sont confiants en leurs dirigeants, Ils ont réélu récemment à la tête du pays Cristina Fernandez de Kirchner, la femme du président sortant Nestor Kirchner. Quand on demande à cette femme avocate de formation sa recette utilisée pour relever ce pays au point d’en faire la première croissance économique du continent, elle répond humblement : «Lorsque votre peuple croit en vous, il se met au travail comme vous le lui demandez. Il travaille pour vous faire plaisir, et son bonheur suit…» C’est très simple.
De Xavier Messè