Les Lions Indomptables ont poursuivi le 17 avril dernier, leur préparation pour le Mondial. A Vienne, le Cameroun a réalisé un match nul (0-0). Un score vierge paradoxalement riche d’enseignements, en attendant le verdict de la liste des 23.
Yaoundé, le 22 avril 2002 : Il n’y a que la presse allemande pour trouver que le Cameroun de mercredi dernier à Vienne, n’est pas un adversaire redoutable. Venus en voisins dans la capitale autrichienne, avides de scruter ces champions d’Afrique qui se présentent comme leurs principaux contradicteurs et concurrents dans le groupe E du premier tour de la coupe d monde, les observateurs allemands ont semblé rassurés après ce qu’ils ont vu du Cameroun.
Notez bien qu’ils se faisaient une montagne d’une formation qui rafle tout sur son passage depuis deux ans et venait, en mars à Genève, de faire jeu très égal avec la redoutable Argentine (2-2), une équipe donnée favorite à la victoire finale au même titre que les Français, champions en du monde en titre. Une Argentine qui, avec son équipe B, venait, à Stuttgart, de rappeler l’Allemagne (0-1) à plus de modestie. Mais à Vienne, Winfried Schäfer, le sélectionneur allemand du Cameroun avait d’autres objectifs que celui d’épater ses compatriotes. Au contraire, ce vieux roublard qui a longtemps sévi en Bundesliga, s’est amusé à plonger ses compatriotes dans la perplexité en brouillant les cartes. Tout en avançant dans la finition de ses différents chantiers.
Deux suspenses parallèles
Autriche-Cameroun n’a pas bouleversé la donne dans la perspective de la liste des 23 joueurs que Winfried Schäfer emmènera au Japon, au lendemain du Danemark-Cameroun du 17 mai prochain à Copenhague. C’est que les critères de sélection dépassent de très loin, le cadre d’un match amical sans but joué sur la terre d’élection de la valse…
C’est deux suspenses parallèles d’inégale ampleur, aux conséquences contrastées : la liste des 23 Lions qui s’envoleront pour le Japon concentre les débats au même titre que la composition de l’équipe qui ouvrira le bal contre l’Eire le 1er juin. C’est au moins logique dans le temps : on se demande d’abord qui jouera avant de savoir comment.
Sur ces deux plans, Autriche-Cameroun (0-0) a fourni de nouveaux sujets de réflexion au sélectionneur et à l’environnement des Lions Indomptables. En ce qui concerne la liste des 23, l’incertitude n’apparaît plus que sur les marges. La plupart des 22 joueurs qui ont remporté la CAN 2002 au Mali en février dernier conservent la priorité du sélectionneur dans l’optique du voyage asiatique. Winnie Schäfer ne s’en est jamais caché. Le coach des Lions avait aussi annoncé son intention d’incorporer Pierre Njanka et Joseph Désiré Job, tous les deux absents à Sikasso et Bamako, dans sa liste des 23.
Un fauteuil pour Suffo et Job
A Vienne, Njanka et Job ont effectivement réapparus dans le groupe. Le premier, joueur le plus utilisé lors des éliminatoires par les sélectionneurs successifs (9 matches sur 10) et qui revient de blessure, a joué toute la rencontre. Le second a disputé 45 minutes avant d’être remplacé à la pause par Patrick Suffo. Dans ce match, un néophyte a fait son apparition. Francis Kioyo, 23 ans, qui évolue dans une équipe allemande de D2, a foulé la pelouse de l’Ernst-Happel Stadion durant les cinq dernières minutes de la partie. Il avait été rappelé au dernier moment à la place de Patrick Mboma blessé. Il a pris date pour les échéances du futur. Sans doute pas pour la coupe du monde.
Une simple opération arithmétique permet de constater que les 22 du Mali, plus Njanka, Job, ou tout autre appelé de la dernière heure, cela fait plus de 23 joueurs. Schäfer devra donc se livrer à une petite soustraction. Sous réserve de blessure d’un attaquant majeur (Mboma, Eto’o ou Ndiefi), le retour de Job le met directement en concurrence avec Patrick Suffo. Que l’un et l’autre aient eu droit à un temps de jeu égal à Vienne (une mi-temps), n’est pas anodin. Sauf si le coach national décide d’emmener cinq pointes au Japon, l’un de ces deux attaquants passera à la trappe. Job a-t-il marqué des points a Vienne ? Le sélectionneur seul peut s’avancer à donner une réponse. Le Messin n’a pas marqué de but. C’est ce qu’on demande prioritairement à un attaquant. Mais, son vécu et son entente avec les membres du groupe Cameroun qu’il a intégré en 1998 plaident en sa faveur, tout comme l’appui déclaré de son partenaire Samuel Eto’o. Suffo n’a pas marqué non plus. Mais, le nouveau sociétaire de Numancia (D2 espagnole) possède quelques atouts. Il a participé à la CAN. En finale, son pied et ses nerfs n’ont pas flanchés au moment d’exécuter son tir au but contre le Sénégal. Le mois dernier à Genève, c’est lui qui a égalisé à 2-2 contre l’Argentine.
Dika Dika en ballottage défavorable
Pierre Njanka semble avoir réussi son retour en sélection. Il faut dire que l’Autriche a toujours porté bonheur à l’ancien libero de l’Olympic de Mvolyé. A y regarder de près, ce retour n’est pas inquiétant pour Bill Tchato. Le Montpelliérain a gagné sa place de titulaire en défense à la faveur de la blessure du Strasbourgeois. Le couperet semble plutôt menacer Jean Dika Dika II. Le joueur de Uniao de Lamas (Portugal) était bien présent à la CAN au Mali. Il a fait une apparition de 31 minutes lors de Cameroun-Congo (1-0) où il remplaça Salomon Olembé. Le fait qu’en dix matches internationaux, total des rencontres livrées par les Lions depuis la prise de pouvoir de Schäfer en Novembre 2001, Dika Dika ne soit pas apparu autrement que comme un complément d’effectif, atténue ses chances d’aller au mondial. Les 22 vainqueurs de la CAN 2002, moins Dika Dika, plus Job et Njanka : voilà peut-être la composition qu’aura en définitive le groupe Cameroun lors de son expédition pleine de promesse en Asie.
Comment joueront les Lions dans quelques semaines en Orient ? Autriche-Cameroun a apporté de nouveaux éléments de réflexion. A Vienne, Schäfer a affronté l’Autriche avec un système de jeu que les Lions n’ont plus pratiqué depuis la CAN 98 au Burkina Faso, époque où la sélection était dirigée par Jean Manga Onguéné, successeur contesté du Belge Henri Depireux. A Vienne donc, les Lions ont appliqué un 4-4-2 classique. La défense à 4 (Njanka, Song, Mettomo, Tchato) a certes permis de voir évoluer Njanka et Tchato comme arrières d’aile, postes qu’ils occupent en championnat dans leurs clubs respectifs. En l’absence de Raymond Kalla blessé et passablement contesté, l’intérêt véritable consistait à tester une formule défensive axiale associant Lucien Mettomo (en libero) et Rigobert Song. Cette association n’avait pas été reconstituée depuis l’élimination en ¼ de finale face à la République Démocratique du Congo lors de la CAN 98. Mettomo ne s’est jamais montré à l’aise dans la configuration à trois défenseurs que les pratiquent depuis France 98. Le Cameroun n’ayant pas encaissé de but contre l’Autriche, on peut estimer que la formule s’est avéré satisfaisante.
Mais, ce n’est qu’une formule de remplacement, car l’équipe type du Cameroun est connue. Elle joue en 3-5-2*. Elle a gagné deux CAN consécutives. On sait maintenant qu’à l’image de toute équipe ayant l’ambition d’effectuer un long chemin en coupe du monde, le Cameroun prépare une variété de formules d’animation du jeu. Elles serviront en fonction de l’adversaire ou de la tournure des matches. C’est comme cela quand on devient une grande équipe.
*. (Alioum Boukar – Song, Kalla, Tchato (Njanka)- Geremi, Lauren, Foé, Womé, Olembé – Mboma (Ndiefi), Eto’o).
Prosper Atangana