Le train des réformes est lancé qui emporte sur son passage des mécanismes qui bridaient l’efficacité de l’instance fédérative. En bonne place des nouvelles dispositions prévues par la nouvelle «feuille de route» : la création d’une direction générale, «en charge de la gestion administrative, financière et technique».
«C’est une véritable révolution dans la vie de la fédération». En dix minutes d’évocation, ce proche de Iya Mohammed le président de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), a prononcé une dizaine de fois cette phrase aux allures de sentence. Le 10 mai, soit trois jours après la désignation du Français Patrick Précheur au poste de directeur général de la Fédération, partisans et adversaires de cette option n’ont pas fini d’en débattre.
Les premiers parlent de la fin d’une époque où «les membres du Conseil d’administration de la structure exerçaient des fonctions exécutives relevant de sa gestion quotidienne, sans que les éventuels écarts puissent être sanctionnés soit parce qu’il fallait attendre une réunion de l’Assemblée générale, soit en raison des facteurs socio-politiques qui assuraient une sorte d’immunité de fait à certains d’entre eux».En filigrane, deux postes visés : le secrétariat général et la trésorerie, emportés, comme d’autres, par le vent des réformes qui souffle à la fédération. Les seconds s’attardent encore sur le profil et la nationalité du celui sur qui le dévolu a été jeté, sur fond d’un certain «nationalisme» et d’un certain «patriotisme», évoquant «l’important gisement de compétences» dont regorge ce Cameroun.
Seul sujet de consensus : pour la première fois de son histoire, la Fécafoot va s’appuyer sur une direction générale, «organe administratif permanent». Sur le papier, «le directeur général dirige l’administration de la Fécafoot, administre les compétitions nationales, participe à l’administration des compétitions internationales et assure l’exécution et le suivi des décisions prises par l’Assemblée générale, le Comité exécutif, les organes juridictionnels et les commissions permanentes», selon les textes de la fédération réaménagés. La Fécafoot n’a visiblement pas voulu trop s’éloigner de cette direction générale, puisqu’elle a désigné un de ses membres, Louis Marie Ondoua, comme délégué du Comité exécutif auprès du directeur général.
Avant sa prise de fonction officielle le 15 juin prochain, M. Précheur devrait élaborer un organigramme, définir le profil des personnels de la direction générale, et les soumettre à la Fécafoot.
La fin des intouchables
Le directeur général a été désigné pour un mandat de deux ans. Mais «il reste révocable dans l’hypothèse où le rendement ne serait pas satisfaisant», assurent des sources bien introduites. Une clause qui fait dire à beaucoup qu’avec l’instauration de la direction générale, une page de l’histoire de la fédération est tournée.
La création d’une direction générale et la nomination de M. Précheur qui viennent sonner la fin de l’époque des «intouchables» aux dires de certains, ont également créé des désagréments dans les rangs de l’exécutif de la fédération. Des membres de l’équipe d’Iya Mohammed sur lesquels pesaient des soupçons de pratiques managériales suspectes, n’ont que très modérément apprécié cette redistribution des cartes qui les met sur la touche, en contrepartie d’une série de fonctions honorifiques. Le président de la Fécafoot lui, peut boire du petit lait, libéré enfin des pesanteurs qui avaient contrarié, depuis trois ans, la mise en œuvre des réformes -radicales dans certains cas- qui consacrent, outre l’option d’une direction générale, une place plus que prépondérante de la fédération pour la gestion du football, la création d’un tribunal arbitral -instance juridictionnelle suprême qui vient en complément d’une commission de discipline, d’éthique et de règlements des litiges, et une commission de recours- la possibilité, même conditionnelle, offerte à tout citoyen de briguer la présidence de la fédération…
Ironie de l’histoire : ces réformes, la Fécafoot les doit à la crise du maillot «tout en un» qui avait failli coûter au Cameroun le retrait de six points sur son classement avant les éliminatoires couplées CAN/Coupe du monde 2006. Le gouvernement avait alors fermement réagi, ordonnant, entre autres mesures, une «relecture» des textes organiques de la fédération. Deux projets de textes, dont un élaboré par la commission gouvernementale, et l’autre confectionné par un groupe mis sur pied par la Fécafoot, avaient l’objet d’un arbitrage de la Fifa, largement favorable à l’équipe à Iya Mohammed.
Valentin Zinga, RFI