Présenté comme un looser à sa désignation et vomi par une bonne partie du gotha du football camerounais, le nouveau sélectionneur de l’équipe nationale, après la prestation terne samedi à Limbé a compris qu’il y a une urgence à revaloriser le talent et une certaine concurrence sur le terrain et aussi de mettre fin à ces interférences notoires exercées par les groupes de pression installés autour et au sein des Lions. Une tâche babylonienne qu’on aimerait voir s’inscrire dans la durée.
Un match des Lions indomptables avec un capitaine sur le banc de touche alors qu’il n’est ni blessé, encore moins suspendu. Cela n’était jamais arrivé dans l’histoire de la sélection nationale fanion. En 1982 à la Coupe de monde en Espagne, lorsque le « général » François Ndoumbe Lea est mis au banc, il est déjà déchu de son titre de capitaine. En 2009 lorsque Rigobert Song prend place au banc pour le premier match de Paul Le Guen contre le Onze gabonais au profit de Sébastien Bassong, il n’est plus détenteur de ce bout d’étoffe faiseur de « rois ». Le technicien français le lui avait déjà retiré au profit de Samuel Eto’o. En décidant de mettre sur la touche Stéphane Mbia, Hugo Broos a créé un précédant qui serait banal ailleurs, mais c’est une révolution au sein de cette équipe où jadis dans les usages, le porteur de brassard était un éternel intouchable ; un joueur exempt de tout reproche, le petit dieu de la tanière.
Equipe type
Le milieu de terrain de Hebei China Fortune FC est donc le tout premier capitaine en activité sevré de titularisation pour insuffisance de rendement. La faute à ses performances samedi dernier lors du match aller Cameroun-Afrique du Sud. Au lieu de reconduire l’ancien sévillois au motif qu’il est indéboulonnable, le nouveau patron de l’encadrement technique des quadruples champions d’Afrique a fait ce qu’ailleurs on aurait fait en dispensant celui-ci de la rencontre retour mardi dernier à Durban. Faut-il interpréter cette mise à l’écart comme une sanction ? Peut-être oui peut-être pas. Quoi qu’il en soit, tant que le joueur ne remplit pas les critères de compétitivité, d’efficacité dans le rendement ou de constance dans son poste de prédilection, il court le risque de se voir éjecter de l’équipe type. Ndy Assembé, Guy Constant Mandjeck et Christian Bekamenga, auteurs d’une manche aller décevante à Limbé, ne sont-ils pas eux aussi passés sous la Broos du Sir Hugo ? Même la fameuse loi qui exige que le tapis rouge soit déroulé au joueurs cadres ne sera plus qu’un vilain souvenir. Landry Nguemo et Sébastien Bassong en sont des spécimens vivants.
Machine à victoires
A travers ces décisions courageuses, le technicien Belge prouve à suffire qu’il reste le maître de son effectif et surtout qu’il a les mains libres (du moins pour le moment). Une preuve d’autorité et de liberté qui devraient contribuer à boucler en beauté la campagne éliminatoires de la Can 2017 dans laquelle le pays de Samuel Eto’o est engagé. Leader du Groupe M avec 8 points, les Lions n’ont plus besoin que d’une victoire et d’un match nul pour conforter leur statut. Dans son souci de faire du groupe dont il a la charge une « machine à gagner » avec la manière, le sélectionneur, fidèle à un système de jeu, le 4-3-3, avec lequel il a débuté à Limbé, en dépit de la grosse révolution opérée dans son onze de départ au match retour, s’est payé le luxe d’une ablation de joueurs cadres dans tous les compartiments, au profit d’une jeune garde à l’appétit tout aussi aiguisé. Ondoua, Abang, Dany Ndi, Teikeu, Tchani, Aboubakar et Cie sont les nouveaux dépositaires de l’école Belge.
Groupes d’influence
Conscient donc que c’est d’un héritage bien fragile qu’il vient d’acquérir Hugo Broos commence à mesurer la gravité des missions qui lui sont dévolues. Mais, pour travailler en toute quiétude, il devrait par ailleurs tordre le cou à l’indiscipline, redoutable poison qui a pourri l’environnement dans la tanière. Mettre un terme à la haine, la jalousie, les luttes spirituelles ou exotériques et les égos surdimensionnés de certaines « superstars ». Aidé par une Fécafoot qui lui a conféré toute la légitimité d’opérer le choix de ses hommes, il devra également faire preuve d’autorité aux fins d’être bien au-dessus de ces luttes d’influence et ces interférences notoires exercées par les groupes de pression installés autour et au sein de l’équipe. Toutes choses qui perturbent le travail des entraîneurs et le rendement des joueurs sur le terrain. Quoique percevant un salaire deux ou trois fois moins conséquent que celui de ses prédécesseurs, il devra surtout se méfier des pièges que tenteront de lui tendre ces groupes d’influence qui recrutent leurs adhérents parmi les cadres du Minsep, les mauvais esprits tapis à la fédération, les anciens Lions, les journalistes sportifs, les ministres, les agents des joueurs, les hauts cadres des institutions publiques…
Que cela s’inscrive donc dans la durée.
Christou DOUBENA