Les pouvoirs publics camerounais se battent pour s’arroger les fruits des succès de l’équipe nationale fanion de football. Souvent au nom de l’autorité et la prééminence de l’Etat sur l’instance faîtière (Fécafoot).
La volonté de régenter le football et de contrôler les Lions Indomptables est trop forte. C’est un enjeu de pouvoir que le gouvernement camerounais ne veut pas perdre de vue. Quand ce ne sont pas les ministres de Sports qui s’immiscent dans les affaires de l’équipe nationale fanion, c’est le chef de l’Etat lui-même qui s’y invite. En 1990, c’est Paul Biya qui fit par exemple sélectionner Roger Milla en vue du Mondial. Comme il le fit également pour Patrick Mboma en 2004, quelques jours avant la Coupe d’Afrique des Nations. Dans les deux cas, l’intervention du chef de l’Etat a porté des fruits. Le premier avait inscrit 4 buts et permis au Cameroun de devenir la première nation africaine à disputer un quart de finale de Mondial. Tandis que le second avait terminé meilleur buteur (4 réalisations) de la CAN tunisienne avec des Lions battus en quarts de finale également.
Le sommet de l’Etat camerounais n’est pas seulement impliqué dans la sélection de certains joueurs de l’équipe senior de football. Il influence même le recrutement des sélectionneurs. En 2007, c’est le gouvernement qui a signé l’Allemand Otto Pfister. La Fécafoot ayant été mise à l’écart du processus de négociation. En guise de contestation, le président de la Fédé de l’époque avait décidé de ne pas parapher le contrat du sélectionneur. Otto Pfister ne se liera jamais d’amitié avec les dirigeants de la Fécafoot, même après avoir conduit le Cameroun en finale de la CAN 2008.
Deux ans plus tard, le scénario est presque identique. À la différence que cette fois, c’est la présidence qui a fait le choix du sélectionneur français Paul Le Guen pour conduire le Cameroun à la CAN et au Mondial 2010. La débâcle fut douloureuse lors des deux compétitions. Les dossiers des sélectionneurs qui se sont ensuite succédés à la tête de l’encadrement des Lions ont tous pour la plupart reçu l’approbation du gouvernement. Jusqu’en 2019. Lorsqu’au lendemain de la CAN en Egypte, le ministre des Sports a décidé «de manière unilatérale» de recruter Antonio Conceiçao après avoir viré le duo Seedorf-Kluivert. Au nom de l’autorité et la prééminence de l’Etat sur la Fécafoot.
Quand les Lions inspirent les discours politiques
Sous l’intrusion du pouvoir politique dans la vie des Lions Indomptables se cache l’idée selon laquelle l’équipe nationale est la «propriété» de l’Etat. Et qu’elle est un instrument dont il se sert pour assurer l’unité nationale et la cohésion sociale. Ses victoires sont utilisées comme un outil de marketing politique et servent à régler les tensions sociales et politiques. Paul Biya présente très souvent les joueurs de l’équipe nationale comme des exemples à suivre. Quand ces derniers remportent un trophée, il les reçoit systématiquement dans son somptueux palais d’Etoudi à Yaoundé. Et n’hésite pas à s’en référer dans ses nombreux discours à la jeunesse de son pays. Dernière grande illustration en date ? En février 2017, lors de la réception des Lions Indomptables qui venaient de remporter la CAN au Gabon. «Votre belle prestation à la Coupe d’Afrique des Nations vient encore de le prouver : quand les Camerounais sont Unis et solidaires, rien ne peut les arrêter. Rien ne pourra arrêter le Cameroun! Ensemble nous relèverons tous les défis et continuerons à aller de l’avant, vers de nouvelles victoires», dixit Paul Biya.