Avec deux victoires et un nul, le Cameroun a plutôt fait sensation lors de sa première Coupe des nations.
Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Ibrahim Mbombo Njoya, prit sur lui de présenter la candidature du Cameroun à l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations suivante, l’édition de 1972, sans s’en référer à sa hiérarchie. Des témoins rapportent que le président de la République Ahmadou Ahidjo prit très mal cette initiative et limogea l’imprudent ministre au prochain remaniement ministériel. Mais, l’histoire retiendra que c’est grâce à cette audace d’Ibrahim Mbombo Njoya que notre pays doit de posséder aujourd’hui les stades omnisports de Yaoundé et de Douala, puisqu’ils furent construits pour abriter la fameuse Can 72 dont le Cameroun avait hérité de l’organisation deux ans plus tôt à Khartoum au Soudan.
Exploit diplomatique donc, mais exploit sportif aussi pour une équipe du Cameroun qui participait à sa toute première Coupe d’Afrique des nations de football. Tenez : en trois rencontres, les camarades de Jean Marie Tsebo alias « l’homme de Khartoum » remportèrent deux victoires et encaissèrent une défaite.
Le 6 février 1970, le Cameroun (dont la sélection ne s’appelle pas encore les Lions indomptables) crée la surprise en dominant la Côte d’Ivoire du terrible Laurent Pokou (3-2). Aux deux buts du feu follet Pokou répondirent Koum (57è et 75è mn) et Ndoga (60è mn). La deuxième rencontre face à l’Ethiopie fut sanctionnée par le même score en faveur du Cameroun, les vert-rouge-jaune marquant par Tsebo, Manga Onguéne et Ndoga. La dernière sortie se soldera par une défaite contre le pays hôte, le Soudan (1-2), mais aussi par une prestation ahurissante de Tsebo, auteur d’un coup franc victorieux de 30m à la 34è minute qui lui valut le surnom de l’homme de Khartoum. Pour cette Can 1970, le Cameroun avait battu le rappel de trois joueurs professionnels évoluant en Europe. Si Jean Pierre Tokoto ne put effectuer le déplacement de Khartoum, l’avant-centre Koum et le meneur de jeu Gabriel Abessolo (Bordeaux) étaient bien là.
Les autres piliers de l’équipe étant l’ailier gauche Ndoga, le milieu récupérateur Bassanguen, le stoppeur Essomba, le libéro Pascal Owona, le latéral gauche Moukouko »confiance » et le gardien Atangana Ottou. Le jeune et prometteur Jean Manga Onguéne était réserviste. L’encadrement technique était assuré par le Français Dominique Colonna et le Camerounais Raymond Fobeté. Selon Abessolo, devenu directeur de l’imprimerie nationale, le troisième match perdu par le Cameroun face au Soudan fut entaché de beaucoup d’irrégularités. Outre un arbitrage complaisant et l’invasion du stade par le public, l’Ethiopie s’était laissée battre par sept buts d’écart dans l’autre match par la Côte d’Ivoire, Laurent Pokou obtenant là, grâce à cinq buts marqués ce jour, le record jamais égalé du nombre de buts inscrits par un joueur en une édition. Et le Cameroun fut ainsi éliminé au goal-average. « C’est à Khartoum que les gens se sont rendu compte que le Cameroun était devenu une équipe redoutable », se souvient l’ancien numéro 10, Abessolo.
E. G. S.