Le 23 mars 1988, la tension est à trancher au couteau dans un stade Mohamed V bondé, pour la demi-finale de la Coupe d’Afrique des nations contre le Maroc.
Depuis que les marocains ont su qu’ils devraient passer par le Cameroun pour arriver en finale de leur CAN, ils essaient de mettre la pression. Dès le début du match, on sent la nervosité. Les marocains multiplient les actes agressifs. Sous les ordres de l’entraineur brésilien Jose Faria, Mustapha El Biaz découpe Roger Milla à deux reprises, sans que l’arbitre ne bronche. Kana Biyik, le leader psychologique, après avoir reçu au visage un crachat d’un défenseur marocain, profitera de l’inattention des arbitres pour lui asséner un coup de tête qui lui brisera le nez. Dès cet instant, la pression change de camp. Le Maroc perdra par 0-1 grâce à un but de Cyrille Makanaky. Plus tard, André Kana Biyik revenant sur cet incident, racontera « il a craché sur moi, je lui ai répondu par un coup de tête. Même si cela fait plus de 20 ans maintenant, je suis encore malheureux. Cela eu des conséquences graves, au point où les autorités marocaines à l’époque ont dû faire un travail remarquable pour nous protéger. Le lendemain, je suis allé au souk pour faire des achats, là il y avait un supporter qui m’a interpellé en me disant: « c’est toi Kana-Biyik? », j’ai répondu « non, ce n’est pas moi, je suis Nigérian ». D’un ton menaçant, ce gars m’a dit que s’il voyait ce fameux Kana-Biyik, qui lui trancherait la gorge ».
CAN 1990 en Algérie : Le match contre le Sénégal était celui de tous les enjeux. Le Sénégal, accroché par le Kenya avait comme le Cameroun besoin des deux points du jour. L’équipe qui allait perdre serait automatiquement éliminée au premier tour. Claude Leroy dans la modestie et la clairvoyance qu’on lui connaît avait tenté d’apaiser les esprits parce qu’à son avis, ce Cameroun-Sénégal n’allait être autre chose qu’une rencontre de football. Les joueurs camerounais quant à eux ont multiplié les déclarations.
André Kana Biyik, l’homme de main de Claude Leroy, qui l’appelait affectueusement « le leader psychologique » du groupe à l’époque où il était encore à la tête des Lions Indomptables, que Leroy connaissait mieux que tous les autres avait déclaré qu’il ferait de ce match son affaire personnelle. Le marquage allait être très strict et surtout provocateur sur André Kana Biyik qui, sans être le meilleur joueur camerounais était l’homme qui détenait la clé des matchs. Ce furent quatre-vingt dix minutes de dur labeur, très éprouvantes pour les nerfs au bout desquelles les Lions Sénégalais allaient démystifier l’indomptabilité du Cameroun. Le Sénégal n’eut pas de peine à venir à bout d’une efficacité dont Leroy connaissait l’antidote. Eliminé dès le premier tour, le cas du Cameroun était devenu inquiétant et le 8 juin 1990, lorsqu’ils descendent sur la pelouse du stade Guisseppe Meazza en match d’ouverture de la coupe du monde, nul ne peut prédire exactement quel sera leur sort.
Contre l’Argentine en match d’ouverture, les évènements se précipitent à l’heure de jeu. En effet, à la 62e minute, Caniggia rentré à la mi-temps, recevant un ballon dans son camp part sur la droite, avec Kana Biyik à ses trousses. Après une course folle sur près de 30 mètres, le feu follet argentin s’écroule. L’arbitre français Michel Vautrot n’hésite pas, carton rouge direct. Le ralenti à la télévision laisse voir que Vautrot s’est trompé et que l’expulsion du milieu de terrain camerounais était totalement injustifiée, surtout qu’il n’avait pas encore été averti. Les camerounais jouent depuis à peine deux minutes, à dix contre onze, qu’à la suite d’une faute sur Makanaky sur le flanc gauche, un coup franc est accordé. François Omam Biyik, dans la surface de réparation, s’élève vers le ciel, domine Sensini et d’une détente vertigineuse, capte la balle et rabat dans les filets. Pompidou cafouille. Une bombe vient d’exploser à Milan. On se serait attendu que le Cameroun, réduit à 9 se recroquevillât en défense et se contentât d’un nul honorable. On a vu une équipe, prenant confiance en ses possibilités au fil des minutes, apporter un démenti cinglant aux idées reçues et aux déclarations à l’emporte-pièce qui ont failli installer le doute dans les esprits et perturber la sérénité du groupe. Incroyables Lions Indomptables!
Claude KANA, Consultant