C’est presque la mode au Cameroun. Chaque équipe ne rêve que d’un entraîneur expatrié. De préférence un Blanc. Mais à observer les statuts précaires de ces clubs qui manquent de tout avec des résultats médiocres, on a bien envie de se demander à quoi bon avoir un entraîneur étranger. Paradoxalement, les raisons ne manquent pas.
Gweha Ikwam fils ne fait plus partie de l’encadrement technique de Mount Cameroon, l’équipe avec laquelle il a remporté le 15 décembre dernier la coupe du Cameroun de football. Le poste de directeur technique qu’il occupait au sein de ce club a été supprimé par le président Calvin Foinding «parce qu’il n’y avait plus personne. Je l’ai donc trouvé inutile», a-t-il déclaré au Messager. Mais à en croire Gweha Ikwam fils qui a prêté ses services aux Abakwa boys dès la 10ème journée, le contrat semble être arrivé à terme. «J’avais une mission très précise : celle de sauver Mount Cameroon de la relégation et de gagner la coupe du Cameroun. Ce que j’ai fait. Et j’estime que ma mission est accomplie», a confié l’ex-entraîneur national des Lions Indomptables qui pense mériter un repos et s’occuper de sa famille loin du mont Fako. D’où ses absences au sein de Mount Cameroun depuis le 3 janvier.
Quelles que soient les raisons avancées par l’un et l’autre, la situation qui prévaut à Mount Cameroon en ce début de saison traduit le climat délétère qui règne entre les dirigeants de clubs et leur staff technique. Bien avant Gweha Ikwam fils, Jean Paul Akono, un autre entraîneur émérite de football a été chassé de son Canon naturel comme un malpropre. Les entraîneurs camerounais donnent l’impression d’être des indésirables chez eux. Car, chaque équipe rêve d’un entraîneur expatrié. De préférence un Blanc.
C’est ainsi que Mahmut Alpaslan un Turc bon teint bon sang, a, en dépit de mauvaises conditions de travail tant décriées au Cameroun, débarqué à la fin de l’année dernière au banc de touche de Caïman ; reléguant Emmanuel Likoumba aux seconds rôles. Comme Mahmut, Raoul Savoy un Suisse ; Dieter Schuller (Allemand) ; Giovanni Fortuna (Italien) : Jean-Marc Ferratge (Français) ; Lamine Ndiaye (Sénégalais) ; Tambwé Zedia (Rdc) ; Matta (Congolais-Brazzaville) ; Adjeï (Ghanéen), ont atterri respectivement dans Tonnerre kalara club, Botafogo Ac, Sable de Batié, Racing de Bafoussam, Cotonsport de Garoua, Union sportive de Douala, Caïman de Douala, Panthère de Bangangté. On se souvient aussi que Cintra s’était attaché à un moment des services des Brésiliens. Ils y connaissent, chacun à sa manière, des fortunes diverses. Jean-Marc Ferratge n’a passé que 3 journées pour la saison 2002 sur le banc de touche de Racing pour enfin disparaître dans la nature. Fortuna Giovanni a eu juste le temps de vivre les derniers matches de Sable de Batié. Tambwé Zedia a été limogé par l’Union sportive de Douala pour incompétence en 2001. Cotonsport n’a pas été heureux sous Lamine Ndiaye obligé lui aussi de plier bagages. Il en a été de même pour Adjeï de Panthère dans les années 80, et de Matta de Caïman dans les années 90. Allez donc savoir pourquoi les entraîneurs d’autrui sont sucrés !
Folie de grandeur
Plus qu’un simple effet de mode, la ruée vers les entraîneurs blancs en particulier ou expatriés en général est une folie de grandeur de la part des dirigeants de clubs camerounais. Ceux-ci manquent cruellement de cadres appropriés pour un meilleur encadrement des footballeurs au Cameroun. Ainsi note-on que les équipes camerounaises n’ont ni siège leur appartenant, ni car de transport, ni matériel d’entraînement et parfois de match. Ici on ne parle pas de salaire des joueurs qui survivent grâce aux primes de matches gagnés et d’entraînement payées en monnaie de singe, parce que dit-on souvent, «l’équipe n’a pas de moyens».
Malgré ce manque de moyens déclaré, on constate que les cœurs des dirigeants des clubs camerounais ne battent que pour les entraîneurs expatriés qui leur coûtent cher ; au détriment des locaux souvent méprisés. A l’adage «nul n’est prophète chez soi», on pourrait ajouter que d’autres raisons soutiendraient ce choix, compte tenu de la manière dont ces expatriés arrivent dans les clubs camerounais.
Avec les objectifs avoués de faire de Caïman club de Douala une grande équipe dans laquelle émergeraient de valeureux talents, Mahmut Alpaslan fait partie d’une flotte de passeurs de joueurs dans laquelle appartient un fils Akwa. C’est celui-ci qui a servi d’entregent entre les dirigeants de Caïman et la flotte qui a envoyé le Turc Mahmut Alpaslan auprès des Akwayaya pour un an renouvelable avec un salaire à coût de millions de Fcfa par mois. Ce salaire est entièrement supporté par la flotte qui reçoit en échange des joueurs de Caïman. En un mois 5 jeunes talents sont sur la ligne de mire du Turc.
Raoul Savoy, manager du Tkc a presque le même rôle. Avant de déposer définitivement ses bagages dans le Tkc juste après la malheureuse finale de la Caf, le Suisse supervisait les adversaires du Tkc et envoyait les fiches techniques à l’équipe de Mvog-Ada qu’exploitait Richard Obatteba qui ignorait là qu’il creusait sa propre tombe. Comme pour dire que «à force de dessiner le diable sur les murs, on finit par le rencontrer». Certes, avant la finale perdue face à Jeunesse sportive de Kabylie, on avait observé des remous au sein du Tkc au sujet de Raoul Savoy. Mais «la démocratie du plus fort (étant )la meilleure», les dirigeants administratifs ont fini par imposé le Suisse, envoyant balader Richard Obatteba qui a conduit le Tkc jusqu’à la finale de la Caf.
La situation aurait dû être la même dans le Canon de Yaoundé qui est en partenariat avec Lokeuren, une équipe belge de 1ère division. Les dirigeants des Mekok me Ngonda évitent jusqu’ici l’arrivé d’un entraîneur belge en leur sein pour les mêmes besognes. Cependant, 2 de leurs meilleurs joueurs, Mbida Messi et Ndoé Mbarga, subissent actuellement des tests à Lokeuren. De quoi ouvrir grands les yeux sur les partenariats que les équipes du Cameroun signent ces dernières années avec leurs homologues étrangères.
Noé Ndjebet Massoussi