Tunis, 16 fév – La CAN s’est achevée samedi dernier par la belle victoire tunisienne, une victoire qui couronne un travail en profondeur et une belle solidarité orchestrée par Roger Lemerre. Dans une série d’articles, nos envoyés spéciaux en Tunisie 2004 reviendront sur la douloureuse élimination des ex-champions d’Afrique qu’étaient les Lions Indomptables du Cameroun. Nous avons ainsi vécu l’élimination avec beaucoup de douleur. Et la douleur, vous le savez bien, se vit dans une retraite propice à la réflexion.
Nous espérions aussi, on ne vous le cache pas, que les acteurs principaux de la campagne de Tunisie expliquent la performance de l’équipe, à la fois celle des joueurs et celle des encadreurs. Nous espérions, quelle folie ! Que quelqu’un assume sans faux-fuyants une responsabilité directe, à défaut d’une culpabilité avérée, pour la contre-performance des Lions. Nous espérions une démission ou une menace de démission.
Les réactions de l’administration et de l’encadrement technique des Lions ne nous ont pas surpris. On n’est pas Camerounais depuis la naissance pour rien: on est habitué à la dérobade. Personne n’est responsable, donc personne n’est coupable. Et vogue le navire…
Les suspects habituels sont connus depuis la fameuse déculottée que les Centrafricains avaient servie au Cameroun après 1972. Les Lions Indomptables, nés après le coup de sang de l’Administration après une ignominieuse défaite venant juste après la défaite à la seule CAN jamais organisée chez nous, gagnent grâce, c’est connu, à la clairvoyance du ministère et perdent à cause des suspects habituels.
L’indiscipline, le manque de solidarité et les joueurs sont les trois mamelles auxquelles s’abreuvent les défaites des Lions. Explications, selon les dirigeants.
L’indiscipline, cette année, est surtout le fait des Camerounais étrangers à l’équipe qui ont perturbé les joueurs tout au long de leur séjour à El Kantaoui. La solidarité, presque ne nous dit vraiment en quoi elle consiste, mais on nous dit qu’elle a manqué. Et bien entendu, il y a les joueurs qui n’ont pas bien joué et l’un d’eux en particulier, qui tient sa sélection à l’indulgence présidentielle, n’a pas marqué ce cinquième but qu’il avait pourtant promis. Blague à part, voilà ce qui nous a coulés.
Ces excuses sont les mêmes, à quelques variantes près, qui sont rabâchées après chaque mauvaise sortie des Lions. Pourtant, les dirigeants de notre équipe nationale savent qu’à la faveur des progrès de l’informatique et des communications, il est impossible de cacher la vérité à tout le monde. Par exemple, à propos de la supposée indiscipline des Lions et des Camerounais.
Personnellement, j’ai passé en tout 7 nuits au Melià Palace à El Kantaoui, l’hôtel des Lions, que je connaissais bien déjà pour y avoir séjourné plusieurs fois. J’ai côtoyé tout le monde. Si on exclut les 7 à 10 Camerounais représentant une compagnie de téléphonie cellulaire partenaire des Lions, il n’y avait pas dix autres Camerounais dans un énorme ensemble qui doit bien compter 300 chambres réparties sur trois ailes. Prenons la journée du 2 février, veille du match contre l’Égypte.
Vers la fin de l’après-midi, subitement, tous les journalistes camerounais sont admis à l’hôtel, alors que cela n’était pas possible auparavant, sur ordre de M. Nguidjol. La rumeur veut que le ministre, revenu de Yaoundé, reçoive les joueurs et les journalistes. Tout le monde traîne dans le lobby, où on aperçoit de temps en temps un joueur. À 19 h 30, comme tous les soirs, tous les joueurs montent dans leur chambre, tous y compris Tchato et Mboma qui visiblement maîtrisent mieux les techniques de l’internet. Une heure plus tard, ils sont rappelés en bas et conduits dans une pièce au fond du hall, où ils passeront une bonne trentaine de minutes. Ils ne monteront plus dans leur chambre avant une heure avancée dans la soirée. Les journalistes ont été reçus aux alentours de 23 heures.
L’accès à l’hôtel était strictement interdit à toute personne non résidante. Les journalistes et les nombreux supporters, qui en passant étaient logés à Monastir, donc à une bonne trentaine de kilomètres de El Kantaoui, peuvent en témoigner. Les quelques touristes italiens et allemands, tous épris de Song, de Eto’o, de Mboma et autres Mbami, se sont-ils soudain transformés en Camerounais perturbateurs ?
Je ne veux pas me laisser prendre au jeu de « ils disent » et « nous, nous disons ». Cela n’a rien de constructif. Je voudrais, en guise de conclusion de cet essai d’analyse qui sera suivi d’autres, rappeler deux choses.
La Coupe des confédérations nous a nui. De fait, nos très mauvais résultats à la CAN tunisienne ne sont que, j’en ai peur, les prémices d’une crise qui pourrait être longue. Notre tenue extrêmement encourageante, juste après la funeste expédition japonaise, a gonflé notre ego et donné à l’Administration la trompeuse assurance que la loi du moindre effort jouera toujours en notre faveur.
Je vous renvoie ensuite au deuxième but nigérian marqué par John Utaka. Balle arrêtée camerounaise. Schaeffer demande que ce soit Atouba, et non Njitap, qui tire. Song et Mettomo, comme il se doit, montent à l’attaque. Vous savez la suite: la déviation de Kanu tombe devant Utaka, totalement démarqué, loin de Perrier et de Djemba. La cause est entendue. C’est inadmissible.
Notre coach est peut-être un bon préparateur physique, mais il n’a rien montré durant cette compétition au double plan de la stratégie et de la gestion des matchs. Je ne crois pas que les Lions iront plus haut avec lui, a moins peut-être que l’Administration lui trouve un adjoint chargé justement de la gestion stratégique. Cela, évidemment, n’arrivera pas.
L.Ndogkoti