En cette mi-journée de vendredi 30 novembre, le stade de la Réunification est plongé dans le silence absolu. Sous un hangar de fortune construit à la main courante, quelques ouvriers couchés à même le sol sur des cartons sont en pause. Au loin, on entend des cris d’enfants qui jouent. Dans un coin de l’aire de jeu du stade du stade de la Réunification complètement dégarnie de sa légendaire et défectueuse pelouse, une demi-douzaine de personnes s’activent.
Emmanuel Moussinga, le chef chantier entouré de quelques collaborateurs délimitent, à l’aide d’une mire, les caniveaux périphériques qui vont ceinturer l’aire de jeu : « les travaux avancent normalement selon notre programmation. Là, nous sommes entrain de délimiter l’aire de jeu. Nous allons ensuite procéder aux remblais après quoi les experts de la Fifa viendront placer le gazon synthétique », explique le chef chantier.
C’est depuis le 1er novembre dernier que les travaux de réhabilitation du stade de la Réunification par la société BOTMA Cameroun. « Nous avons commencé par décaper la pelouse avec la niveleuse. Tous ces débris ont été récupérés par des pelles chargeuses et transportés par des bennes », révèle Jean Tchoffo, contrôleur qualité du chantier. Après cette étape, l’équipe de BOTMA Cameroun a commencé par faire la mise à niveau du terrain : « avant, le drain de la pelouse était enterré et bouché. Ce qui fait que lorsqu’il pleuvait, l’eau stagnait et ne circulait pas. Nous avons réhabilité le drain souterrain [un petit tunnel souterrain traverse le stade dans le sens de la longueur pour l’évacuation des eaux des pluies, ndlr] pour faciliter la circulation des eaux », explique Jean Tchoffo, qui est par ailleurs ancien joueur de l’Aigle de Nkongsamba (années 1970).
Les résultats du Laboratoire national attendus !
La seconde phase du travail a consisté à faire la mise à niveau de l’aire de jeu. « Il s’est agit de faire une plate forme de base. Cela consiste à faire un terrassement déclinant de la ligne médiane jusqu’à la périphérie. De manière simple, de la ligne médiane au bord de la pelouse, on a fait une déclinaison de 8 pour 1000. C’est donc un travail de grande minutie puisqu’à l’oeil nu, on ne doit pas se rendre compte que la ligne médiane est surélevée par rapport aux bords de la pelouse », révèle Emmanuel Moussinga, le chef chantier, qui pendant qu’il accorde l’interview au reporter, supervise les travaux de ses collaborateurs du coin de l’oeil.
Après cette phase, la prochaine étape a consisté à compacter l’aire de jeu. Ensuite il est question de faire du remblai avec la terre sur une épaisseur de 15 cm. Sauf que cette étape n’est pas encore faisable. Et pour cause : « on attends les résultats de Labo Génie (un laboratoire national de génie civil, ndlr] pour savoir quelle terre est la mieux adaptée pour faire le remblai. Ce remblai sera de 15 cm. Dès que ce laboratoire va nous donner les résultats, on apportera cette terre recherchée pour faire le remblai », tient à préciser le chef chantier.
L’expertise béninoise à Douala
Pour éviter que l’aire de jeu ne se transforme en terrain de water polo après les fortes pluies diluviennes comme c’est très souvent le cas à Douala, les techniciens de BOTMA Cameroun sont entrain de préparer une ceinture de caniveau périphérique : ce caniveau permettra de recueillir les eaux de pluie pour les conduire vers un regard principal qui est en face du stade. De manière concrète, explique Emmanuel Moussinga ; « il s’agira de faire un trottoir circulaire d’une largeur d’un mètre de bordures. Suivra un caniveau circulaire de 1,54 mètres. Après ce caniveau, il y aura la pelouse ». A en croire, le chef chantier, toute cette disposition permettra qu’au plus tard, 20 minutes après une forte pluie, l’eau va s’écouler entre les gazons synthétiques et sera évacuée vers le caniveau. Le « chef d’œuvre » sera très efficace, révèle Jean Tchoffo qui vente les mérites de leur ouvrage à grand renfort d’exemple ! « La semaine dernière, il a plu pendant qu’on travaillait. Quelques minutes après la pluie, il n’y avait plus une goutte d’eau sur l’aire de jeu ».
Comment s’assurer que le « bel ouvrage » promis tiendra sera impeccable si on se fie à la carte de visite de BOTMA Cameroun qui n’a pas d’expérience en ce qui concerne les pelouses? André Marie Botang, le directeur général de BOTMA Cameroun, maître d’ouvrage de ce chantier rassure : « Nous travaillons sous la supervision d’un expert béninois, Christian Tekodjima, qui nous a été recommandé par notre partenaire DALLAV SPORT, une entreprise béninoise rompu à ce genre de tâche ». Approché par camfoot.com, Christian Tekodjima qui travaillait dans un coin de l’aire du jeu conforte le reporter : « nous avons l’expérience de ce genre d’ouvrage. Nous avons déjà construit l’aire de jeu du stade synthétique René Pleuven financé par l’Etat béninois et le stade Charles De Gaulle de Porto Novo (au gazon naturel) financé par la Fifa. Par ailleurs, nous sommes en train de finir le stade Barthélemy Boganda (gazon synthétique) en Centrafrique. Donc, nous avons l’expérience de ce genre d’ouvrage et vous n’avez pas d’inquiétude à avoir, le stade de Douala (Réunification) sera impeccable ! ».
Un don de la Fifa
Debout et entre deux va et vient, André Marie Botang, le directeur général de BOTMA Cameroun, maître d’ouvrage de ce chantier annonce : « la partie génie civile de chantier qui nous concerne est prévue pour durer trois mois [début février, ndlr]. La phase dépôt du gazon synthétique durera un mois. Donc, la pelouse devrait être livrée en principe au plus tard en avril 2008. Mais tout dépend de l’Etat qui devrait exonéré les marchandises des gazons synthétiques qui devront arriver pour être déposé sur l’aire de jeu ».
En effet, de sources bien informées révèlent que la réhabilitation du stade de la Réunification entre dans le cadre d’une politique de la Fédération internationale de football association (Fifa) qui envisage construire 55 stades à travers l’Afrique avant 2010. Celui de Douala serait le 4ème en réhabilitation en Afrique. Pour le stade de la Réunification, on apprend que ce sera 20 conteneurs de matériels qui vont arriver par le port de Douala. Mais au préalable, l’Etat camerounais devrait les exonérer de taxe. Ces informations sont d’ailleurs confirmées par Jean Manga Onguené, le représentant de la Fifa lors de la cérémonie de dons en équipements aux clubs de D1 le 3 décembre dernier à Yaoundé. Le représentant de la Fifa a rappelé fort opportunément que les conteneurs qui contiennent les gazons synthétiques, les poteaux de corners, les filets et autres accessoires ne viendront que lorsque l’Etat camerounais exonéra du fisc ces matériels. Selon le béninois Christian Tekodjima, la pause du gazon synthétique qui sera fait par une équipe spéciale (l’Entreprise hollandaise Green Feel) dépêchée par la Fifa durera au maximum un mois.
Où se jouera la première journée du championnat d’élite ?
Parallèlement à ces travaux sur l’aire de jeu, d’autres équipes de techniciens du bureau d’étude du cabinet MAUA basé à Yaoundé font des études au stade pour les travaux complets des autres compartiments du stade : les panneaux électroniques, les chaises dans les gradins, les lampadaires, les projecteurs, les vestiaires, etc. Ebanga Serges, chef d’atelier et Etengue Richard, tous deux des techniciens du cabinet MAUA dépêchés à Douala ont déjà fini leur travaux. Leur cabinet a expédié les recommandations au ministère des sports camerounais. Les pouvoirs publics vont-ils enfin sauver le stade le plus utilisé de la république? On ne pourrait imaginer que la Fifa vienne poser une pelouse synthétique de la dernière génération et que le reste du stade soit abandonné à sa fossilisation avancée. . Tous les stades africains ayant accueilli une pelouse du projet Goal Fifa ont été entièrement rénouvés: le stade Champoux à Abidjan, Pointe-Noire au Congo, Bangui, etc. Pour rappel, il n’y a jamais eu de travaux majeurs effectués au stade de la Réunification depuis sa construction en 1972. Aujourd’hui par exemple, ce qui sert de piste d’athlétisme est dangereux même pour la marche à pied.
Par ailleurs, selon les confidences de Jean Tchoffa, pour éviter les vols comme les tentatives constatés récemment et nuitamment au stade de la Réunification, la commanderie de gendarmerie du Littoral (Douala) a pris des dispositions pour mettre des gendarmes en faction jour et nuit au stade.
Dans ce contexte où le stade de la Réunification est en chantier, les matches du championnat d’élite qui commencent samedi prochain ne pourraient se dérouler en ces lieux. C’est donc pour pallier à ce handicap que la fédération camerounaise de football (Fécafoot), par le biais de son vice président le Dr Francis Mveng est venu à Douala pour réfectionner le stade Mbappé Leppé. Ceci pour que les clubs de Douala (Caïman, Union, Astres et Sable) évoluent dessus.
Malheureusement au regard de la désuétude très avancée (gradins en planches pourris, aire de jeu sableux, absence de vestiaire, de parking, des grilles de sécurité de l’aire de jeu, etc) de ce stade construit depuis les indépendances (1960), on a bien peur que les travaux, même tirés par les cheveux, ne soient trop peu, trop tard. Pourtant la Fecafoot savait depuis belle lurette l’imminence de ces travaux à Douala. D’où la question qui est sur toutes les lèvres à Douala : où se jouera la première journée du championnat d’élite ?
Belapélé, à Douala