Le Brésil a fait parler son talent pour s’imposer face à l’Allemagne (2-0), et conquérir son cinquième titre de champion du monde de football. Ronaldo a inscrit un doublé qui lui assure le titre de meilleur buteur de la compétition (8 buts). Cette renversante Coupe du monde asiatique s’achève donc sur le sacre du roi « auriverde », qui devance l’Allemagne, la Turquie et la Corée du Sud.
Monuments parmi les monuments du football, le Brésil, quatre titres de champion du monde, et l’Allemagne, trois titres, croyaient avoir tout vu et tout vécu. Il ne leur manquait qu’une chose, se rencontrer sur la pelouse.
Finale des finales, choc des titans, les superlatifs se multiplient pour décrire cette opposition qui aura attendu la première finale du XXIe siècle pour se donner en spectacle.
L’affiche est superbe, elle n’en reste pas moins la conclusion d’un Mondial qui laisse un arrière goût d’inachevé, entre absence de grands matchs et un sentiment de fatigue généralisée chez les professionnels du ballon rond. Car si l’incroyable renversement des valeurs qui s’est opéré au détriment des grands favoris a pu faire vibrer les foules, si les « petits » attirent toujours plus de sympathie que les « gros », on ne peut que constater que le niveau de jeu a très largement pâti des départs prématurés des Zidane, Veron et autres Beckham. Mais ce qu’elle a perdu au niveau du football en lui même, cette Coupe a incontestablement gagné en terme d’ambiance. Les formidables scènes de joie et de fraternité qui ont suivi la petite finale entre la Turquie et la Corée du Sud, des joueurs bras dans les bras pour un tour d’honneur émouvant, résument parfaitement la fraîcheur apportées par les équipes surprises de cette compétition.
Allemagne – Brésil en petite apothéose donc, deux dinosaures dont beaucoup avaient prédit la fin il y a quelques mois. Les deux équipes ont en effet dû batailler comme jamais pour se qualifier pour la phase finale asiatique, et c’est quasi-moribonds que Mannschaft et Seleçao se présentaient devant la scène mondiale. Une Coupe du monde qui cultive l’ironie ne pouvait donc rêver meilleure finale.
A l’heure d’engager la quête d’une nouvelle étoile, c’est justement privée de leur étoile montante, le milieu créateur Michael Ballack, que les Allemands se présentent sur la pelouse du stade de Yokohama. Mais la star de la formation entraînée par Rudi Voller, c’est avant tout le collectif, l’organisation sans faille qui a permis à la Mannschaft de redevenir ce rouleau compresseur qui étouffe ses adversaires. Championne du 1-0, l’ Allemagne a refait sienne l’adage popularisé par l’Anglais Gary Lineker selon lequel le football est un sport qui se joue à onze contre onze et où ce sont les Allemands qui gagnent à la fin. Côté brésilien, l’extraordinaire potentiel offensif mis à la disposition de Luiz Felipe Scolari a permis à son équipe de toujours s’en sortir sans jamais vraiment convaincre. Un football champagne qui a parfois eu des relents de mousseux, souvent sauvé par les éclairs de génie de son trident Ronaldo – Rivaldo – Ronaldinho.
La première mi-temps de ce match de prestige voit le spectre de la finale perdue en 1998 contre la France (3-0) se profiler dans l’esprit des Brésiliens. Mal inspirés, dominés physiquement, les Sud-Américains s’empêtrent dans les filets tendus par Rudi Voller. Le milieu de terrain est littéralement verrouillé par Dietmar Hamman et Jens Jeremies, tandis que les remuants Schneider et Neuville mettent au supplice les défenseurs auriverde par leurs percussions. Ainsi de cet enchaînement entre Neuville, Schneider et Frings qui aboutit à un centre tendu de ce dernier difficilement repoussé par le portier brésilien Marcos (9e minute). Une action similaire se reproduit cinq minutes plus tard, pour un même dégagement en catastrophe de Roque Junior.
Quid du Brésil et du festival offensif attendu ? Presque rien, mais c’est dans ce presque que Ronaldo aurait pu s’immiscer pour donner l’avantage aux siens. Sur un service magnifique de Ronaldinho dans la profondeur, l’avant centre auriverde se présente seul face à Oliver Kahn, mais croise trop sa frappe (18e minute). Une occasion énorme, mais c’est bien le terrible gardien allemand qui gagne le premier duel. Les occasions sont brésiliennes, la domination est allemande. L’ailier Marco Bode rate un contrôle décisif dans la surface (27e minute), tandis que les multiples corners obtenus par la bande à Klose ne donnent rien que des dégagements de Roque Junior ou Lucio.
Le rythme est élevé sans être d’une intensité exceptionnelle, et la circulation de balle des Allemands, leur maîtrise collective et leur puissance physique prennent doucement le dessus sur des Brésiliens obligés à défendre. Reste que les contres auriverde sont à nouveau à deux doigts de faire mouche. C’est d’abord Ronaldo qui se retrouve à nouveau seul face à Kahn, mais qui écrase trop sa frappe pour inquiéter le portier du Bayern Munich (29e minute), avant que Kleberson ne s’infiltre dans la défense germanique pour frapper à côté du cadre (41e minute). Le même Kleberson va même tutoyer la transversale de Kahn quelques instants plus tard, sur une balle enroulée qui lobe le gardien allemand avant de rebondir sur le montant. La fin de cette mi-temps est jaune, et c’est encore Ronaldo qui rate le coche, avec un tir puissant repoussé par la muraille Kahn (45e minute). Sans trop forcer leur talent, les Brésiliens se créent bon nombre d’occasions, mais reste sous la menace du réalisme allemand lorsque l’arbitre M. Collina siffle la pause.
A cette poussée sud-américaine va répondre une entrée en matière tonitruante des partenaires de Schneider lors du retour des vestiaires. Une tête plongeante sur corner repoussée in extremis par un pied brésilien sur sa ligne, suivie d’un coup franc de Neuville, qui « à la Robert Carlos » expédie un missile des 30 mètres que Marcos dévie sur son poteau (48e minute), la Mannschaft tente de faire le forcing. La partie est alors jouée sur un meilleur rythme, les deux équipes se répondant du tac au tac dans leurs offensives.
Mais le plus sollicité côté allemand reste l’emblématique portier, l’impeccable Oliver Kahn, dernier rempart infranchissable qui repousse encore une bonne tête à bout portant de Gilberto Silva (51e minute). Ce sont généralement les grands joueurs qui font et défont les finales de Coupe du monde, et Oliver Kahn va en faire l’expérience, mais pas dans le sens escompté par le rugissant gardien. C’est bien de lui que va venir le premier coup de théâtre de ce match au sommet, sous la forme d’un cadeau offert à Ronaldo. Sur une récupération de ce dernier, Rivaldo choisit comme à son habitude de frapper au but plutôt que de servir son partenaire démarqué. Une option finalement payante au grand dam de Kahn : le portier allemand est sur la trajectoire, se couche bien sur le ballon, qu’il enveloppe de ses bras tentaculaires…avant de laisser échapper le cuir rendu glissant par la pluie dans les pieds de Ronaldo, qui avait suivi. Trop heureux de ce don du ciel, « Il Fenomeno » crucifie Kahn d’un plat du pied pour l’ouverture du score (1-0, 67e minute).
La sanction est terrible pour Oliver Kahn, qui commet là sa seule et unique erreur de toute la compétition, au plus mauvais moment et devant le plus terrible des chasseurs de but. La fougue brésilienne est récompensée, un avantage qui concrétise une volonté offensive toujours présente tandis que la Mannschaft se voit punie pour une domination par trop stérile. Des Allemands qui se lancent alors à l’abordage, cherchant à forcer le destin par un engagement de tous les instants. Mais l’envie des hommes de Voller ne suffit pas, et l’abattage physique du bloc allemand s’effrite pour ouvrir des espaces aux artistes brésiliens.
Bien décidée à ramener au pays la cinquième Coupe du monde de son histoire, la Seleçao finit le travail par son maître artificier, l’inévitable Ronaldo. A la 79e minute, Kleberson perce la défense allemande, adresse une passe vers Rivaldo qui d’une feinte de corps bien sentie laisse passer la balle entre ses jambes pour Ronaldo. L’avant centre profite de la surprise crée par le coup de génie de son compère pour fixer tranquillement Kahn. Le plat du pied à ras de terre de Ronaldo fait trembler le petit filet de la cage allemande, tout comme il fait chavirer de bonheur tout le peuple auriverde qui voit son rêve se réaliser (2-0).
Les changements tactiques de Voller n’y feront plus rien, la vigilance du portier Marcos ne fait pas défaut et les Allemands continuent de s’approcher des buts sans jamais marquer. L’arbitre M. Collina libère les vingt deux acteurs, dont la moitié allemande s’écroule de désespoir tandis que l’autre, toute brésilienne, s’en va courir dans tous les sens, portée de la joie immense que seul peut procurer un titre de champion du monde. La messe est dite, et elle le sera à nouveau lors des célébrations très religieuses de la charnière centrale Lucio – Edmilson, qui prient ensemble durant de longues minutes sur la pelouse.
La victoire est particulièrement belle pour Ronaldo, qui revient au football comme le messie attendu par tout le Brésil, quatre ans après la finale perdue contre la France et le début du calvaire physique enduré par le jeune prodige. Celui-ci avait d’ailleurs tenu à inviter personnellement à cette finale le professeur Saillant, qui avait dirigé les nombreuses opérations chirurgicales qui ont permis au Brésilien de danser à nouveau sur le gazon. Revenu de nulle part, « Il Fenomeno » pose son empreinte de meilleur buteur sur la compétition (8 buts), et retrouve la forme d’une étoile qui illumine les terrains du monde entier.
Le Brésil est bien le maître de la planète football, avec ses 5 titres sur 17 mis en jeu, conquis sur 3 continents différents (Amérique, Europe et donc Asie). La Coupe du monde prend les couleurs auriverde pendant quatre nouvelles années, avant le grand rendez vous de 2006 qui se tiendra…en Allemagne.