« Saga Africa / Ambiance de la brousse / Saga Africa / Attention les secousses »… « Attention les secousses » : voilà Paul Le Guen prévenu ! Etre nommé sélectionneur des Lions Indomptables ne sera pas de tout repos vu que l’objectif Mondial 2010 qu’il lui est assigné se jouera début septembre en deux manches contre le redoutable Gabon. Novice en matière de sélection, Paul Le Guen tente une expérience aussi inattendue que périlleuse et exaltante. Pari gagnable ? Oui, mais vraiment pas évident. Explications…
Après sa non reconduction au PSG on croyait que Paulo allait atterrir chez les Dogues, à Lille, en remplacement de Rudi Garcia. C’était sûr à 90 %… Finalement, après la réintégration de Garcia, il se retrouvera à coacher les Lions. C’est sûr à 100 %. Rappelons que la sélection camerounaise était coachée par l’Allemand Otto Pfister depuis octobre 2007 et que suite à des débuts calamiteux en éliminatoires de Coupe du Monde, il a été limogé fin mai dernier. C’est le légendaire Thomas Nkono qui assurait l’intérim jusqu’à l’arrivée de Paulo Le Guen aujourd’hui. Le moins qu’on puisse dire c’est que cette nomination a tout du piège, de la fausse bonne idée. Si, a priori, le Cameroun demeure aujourd’hui parmi les trois meilleures sélections africaines avec l’Egypte et la Côte d’Ivoire, la situation actuelle des Lions Indomptables en qualifications est assez délicate. Pas désespérée mais « sérieuse »…
Bref récapitulatif. Le Cameroun figure dans le Groupe A. Il a perdu son premier match 1-0 au Togo, une défaite surprenante qui est à l’origine de l’éviction de Pfister. Le 7 juin dernier, nouvelle contre-performance des Indomptables à domicile 0-0 contre le Maroc. Le troisième match Gabon-Cameroun, a été reporté pour cause de deuil national, suite au décès du président gabonais Omar Bongo. Le match sera joué le 5 septembre avec dans la foulée le « match retour » Cameroun-Gabon le 9 septembre, pour mettre à jour le calendrier de ce Groupe A. C’est cette double confrontation cruciale que Paulo devra préparer très rapidement. En face, les panthères du Gabon de Alain Giresse sont en pleine bourre, leaders du groupe et remontées à bloc : 6 points en deux matchs. Le Guen ne disposera que d’un match amical en août pour faire l’état des lieux… Le Cameroun est aujourd’hui virtuellement dernier de son groupe avec un seul point. Et psychologiquement, la dernière place, même provisoire, ce n’est jamais très bon. On sait Paulo assez costaud mentalement pour gérer ces situations tendues, mais il ne dispose là que d’un mois et demi, avec des joueurs en vacances, puis bientôt récupérés par leurs clubs, souvent des grosses cylindrées continentales, pas partageuses. Pour Le Guen on peut carrément parler d’urgence.
Attention ! Rien n’est foutu d’avance : Le Guen est pro et le groupe est bon. Reste que le Breton n’a jamais coaché de sélections et surtout, il n’est pas familier du fameux « contexte africain » qui plombe souvent les équipes nationales du continent : sempiternels problèmes de primes, transports et rassemblements un peu bordéliques, fédés souvent dépassées (surtout celle du Cameroun, la Fecafoot, souvent citée en mauvais exemple pour son incurie légendaire !). Sans compter les caprices de certaines stars au caractère un peu lunatique (un Sam Eto’o ne se déplace jamais sans son quad, même en avion !). Paulo va devoir apprendre très, très vite et en plus de son fidèle Yves Colleu, un ou plusieurs adjoints du cru ne seront pas de trop. Le contrat des deux Bretons porte sur une période de six mois, jusqu’à la Coupe d’Afrique des nations, en janvier 2010 prochain. Il serait prolongé jusqu’à la Coupe du monde, en fonction des résultats. Tout ça est très théorique : en cas de mauvais résultats lors des deux matchs contre le Gabon (on insiste : ces panthères mordent !), on doute que Paulo et Yves soient reconduits jusqu’à la CAN 2010. C’est aussi ça le « contexte africain » : on n’hésite pas à virer les coachs à chaque objectif non atteint. Le Guen pourrait être sacrifié sur l’autel de l’instabilité chronique, véritable plaie du foot africain. Particularisme local : en plus de la Fecafoot, Paulo devra aussi savoir composer avec le Minsep (le ministère camerounais des Sports et de l’Education physique). Parti en mauvais termes avec ce Ministère en 2006, Artur Jorge, rival le plus dangereux de Le Guen pour le poste, n’a, cette fois, pu prétendre à cette place de sélectionneur qui en d’autres temps lui aurait tendu les bras…
Voilà. Outre le fait qu’on puisse déplorer à nouveau qu’une grande sélection africaine s’en remette encore à un « sorcier blanc » pour diriger son équipe nationale (quand donc l’Afrique formera-t-elle ses propres cadres ? Quand donc fera-t-elle appel à certaines de ses anciennes gloires compétentes ?), on regrette surtout l’urgence (la précipitation ?) dans laquelle la nomination de Paulo a été conduite. Quand on sait que l’ex-coach du PSG négociait il y a peu avec Lille, on soupçonne la fédé camerounaise d’avoir sauté sur l’occasion offerte par un Le Guen devenu subitement « libre de tout engagement »… Sinon, en étant plus optimiste, c’est un véritable tournant qui s’opère dans la carrière de Paulo Le Guen. Peut-être le début d’une grande aventure, à la fois sportive, humaine et culturelle. Le genre d’expérience qui peut décoincer un peu le « Blanc-Breton » qui nous gratifiera peut-être d’un makossa endiablé avec ses joueurs, s’ils se qualifient pour le Mondial 2010 ! Le Guen qui danse le makossa… On a hâte de voir.
Chérif Ghemmour