Vaincues d’une courte tête par la Chine en 8è de finale, les Lionnes indomptables sont sorties par la grande porte de la Coupe du monde féminine Canada 2015. Logiquement, leur parcours élogieux devrait donner une nouvelle impulsion au football féminin souvent considérée comme une discipline de seconde zone et victime de l’amateurisme des structures d’encadrement.
Face aux nombreux obstacles à surmonter, il y a pourtant loin de la coupe aux lèvres.
Par Jean Marie NZEKOUE, Editorialiste
Dans l’euphorie générale qui a accompagné la remarquable prestation de l’équipe nationale dames du Cameroun à la Coupe du monde 2015, beaucoup auraient du mal à imaginer la grande impasse dans laquelle se trouve le football féminin au pays des quadruples champions d’Afrique. Peu de gens seraient disposés à croire que le championnat national ou ce qui en tient lieu n’est plus un rendez-vous incontournable. Partant du principe qu’un bon résultat en compétition internationale reflète forcément la bonne structuration des clubs et l’organisation méthodique du championnat dans le pays concerné, certains seraient portés à croire que tout va pour le mieux dans l’univers du ballon rond au pays des Lionnes indomptables. Erreur notoire. Les victoires engrangées au Canada ont d’autant plus surpris les observateurs avertis et le grand public en général que rien ne laissait présager cette soudaine transfiguration d’une sélection dont les ambitions semblaient se limiter jusque là au paiement d’improbables primes de participation.
Autant dire que dès le coup d’envoi, les fauves ont agréablement surpris en laissant aux vestiaires toutes les revendications pour se concentrer sur leur motif de déplacement, mettant en avant l’altruisme, la hargne de vaincre et un sens patriotique rarement vécu en équipe nationale, toutes catégories confondues. Pour une première participation à la Coupe du monde, le bilan de la sélection camerounaise est largement positif, en dépit de quelques déchets qui ne portent pas atteinte à l’essentiel. Deuxième équipe africaine à se qualifier pour la 8ème de finale après le Nigeria en 1999, la sélection tricolore a établi un record inédit sur le plan offensif et défensif. En quatre matchs disputés, les joueuses du coach Enow Ngachu ont marqué la bagatelle de 9 buts contre 3 encaissés. Les deux belles victoires acquises face à l’Equateur (6-0), puis la Suisse (2-1) resteront longtemps gravées dans la mémoire collective, de même que la courte défaite (1-2) face au Japon, champion du monde sortant.
L’envers et l’endroit
Sur un plan plus global, la prestation des Lionnes a alterné du bon et du moins bon. Côté positif, la bonne surprise aura été de constater à quel point l’équipe avait gagné en maturité en l’espace de trois ans. Nous sommes très loin en effet de l’équipe qui encaissait jadis des buts à la pelle sans broncher. A titre de rappel, les Lionnes avaient pris la bagatelle de 11 buts contre 1 seul au tournoi de football des Jeux olympiques de Londres en 2012, puis s’étaient inclinées par 2-0 à la finale de la CAN 2014 face au Nigeria. Auparavant, elles avaient bu la tasse (5-0) face au même adversaire à la finale de la CAN 2004. Si la qualification pour les J.O a été mise par certains sur le compte du hasard, celle pour la Coupe du monde 2015 est venue confirmer une progression nette. C’est donc une sélection plus expérimentée et plus aguerrie qui a débarqué au Canada. Totalement transfigurée par l’enjeu, l’équipe s’est employée à imprimer sa marque à un tournoi qu’elle découvrait pour la première fois, face à des adversaires au sommet de la hiérarchie mondiale. Contre le Japon, le Cameroun a été très loin du ridicule avec une animation offensive percutante, comme l’attestent les 6 corners contre 2 pour l’adversaire. Même supériorité au niveau des tirs aux buts : 20 dont trois cadrés alors que le Japon a eu besoin seulement de 4 tirs pour marquer 2 buts. On a vécu le même pressing haut contre la Chine avec 21 tirs camerounais dont 12 cadrés. Les Chinoises n’ont eu besoin que de 9 tirs aux buts pour arracher une courte mais précieuse victoire. Une leçon de d’efficacité et de réalisme à méditer et à capitaliser pour l’avenir.
Jean Marie NZEKOUE est éditorialiste, chroniqueur sportif, auteur entre autres de : « Afrique, faux débats et vrais défis » (2008), « L’aventure mondiale du football africain » (2010)