On croyait qu’avec la fin du calvaire vécu à la coupe du monde 2014, le football camerounais, à l’instar d’un pugiliste sonné, devait s’assagir quelque peu, opérant de ce fait un repli stratégique dans la perspective d’un nouveau réveil plus prometteur. C’était oublier que les vieux démons ne sont jamais bien loin, surtout lorsqu’ils n’ont pas été bien exorcisés. Quoi dès lors de bien surprenant qu’après le retour du chaotique périple brésilien, le si bien nommé « comité de normalisation » retrouve intacts sur sa table l’essentiel des dossiers qui fâchent : désamour profond d’un public depuis longtemps divorcé des Lions, grogne persistante des présidents de clubs qui s’estiment lésés, colère diffuse chez certains anciens footballeurs qui se disputent des prérogatives, etc.
Des deux coups de tonnerre ayant éclaté après Brésil 2014, aucun n’a jusqu’ici dévoilé l’ampleur des dégâts collatéraux. L’enquête prescrite par le président de la République au premier ministre Philemon en vue d’élucider la médiocre performance du Cameroun à la récente coupe du monde et de proposer des solutions pour la relance de l’équipe nationale et du football camerounais en général n’a encore rien laissé filtré à moins d’une semaine de l’échéance. Selon certaines sources, la Primature aurait déjà rendu sa copie qui risque de faire doublon avec de nombreux autres rapports pondus séparément par des « services spéciaux ».
Qui croire dès lors et comment trancher le moment venu, dès lors que beaucoup d’intervenants auraient pour seul souci de noyer le poisson, laissant à la «très haute hiérarchie » le soin de démêler l’écheveau. Et comme le Prince sait « laisser le temps au temps » pour reprendre la formule d’un célèbre mentor français, le public avide de se voir offrir des têtes coupées devra patienter.
Et comme si le suspense n’était pas assez long à supporter, voici que les présidents de club sont entrés dans la danse, agitant le chiffon rouge sous le nez de la Fédération et de la Ligue du football professionnel. Les récriminations portent à la fois sur le championnat national et la coupe du Cameroun, avec le financement comme pomme de discorde. Les clubs ont un besoin urgent d’argent pour fonctionner et la fin annoncée des subventions de l’Etat ne les arrangent pas du tout. Il s’apprend aussi que les deux finalistes de la dernière Coupe du Cameroun (Canon de Yaoundé et Yong Sports Academy de Bamenda) ne sont pas encore entrés en possession des dotations promises par le sponsor et cela fait des mois que ça dure.
En dehors des arriérés, les présidents de club exigent que les équipes disputant la coupe du Cameroun soient désintéressées au prorata de leur évolution dans la compétition. Pour beaucoup, ce ne sont pas les moyens qui manquent, mais la volonté. S’inspirant sans doute de l’attitude « gombotique » des Lions, les dirigeants de club réclament à leur tour les retombées de la participation du Cameroun à la Coupe du monde. A l’issue d’une récente concertation tripartite, le Comité de normalisation a laissé entendre que tout est rentré dans l’ordre. Les interlocuteurs d’en face ne veulent plus de promesses mirobolantes, mais des espèces sonnantes et trébuchantes avant tout reprise du championnat que l’on annonce pourtant imminente.
Entre la bonne volonté affichée et la réalité, le doute persiste, tout comme la méfiance. On n’est jamais trop prudent dans un pays où rien ne se passe comme ailleurs.
Seules maigres consolations pour l’instant : le bon comportement de Coton Sport de Garoua en coupe africaine et la validation définitive par la Fifa de 2 des 9 textes soumis à son examen le 29 novembre 2013, notamment le projet de Statuts de la Fécafoot et le projet de Code électoral. En attendant que l’Assemblée générale (extraordinaire) de la Fécafoot valide à son tour lesdits textes, les batailles de coulisses auraient commencé pour le positionnement en vue des prochaines élections générales. Quant à l’avenir immédiat du football camerounais, il peut encore attendre.
Jean Marie Nkeze