En attendant de voir se dessiner bientôt sur nos écrans de télévision le visage du futur homme fort ou de la future dame de fer de la FECAFOOT, j’en profite pour apporter un peu d’eau au moulin du débat sur le football camerounais. J’en profite surtout pour déposer un fardeau de plus dans la barque déjà bien chargée du débat sur le football national.
Un fardeau sous forme d’un grand dossier qu’on dissimule depuis des années; un dossier qui impacte de plus en plus de manière décisive sur l’ensemble de notre football: il s’agit du « Football des Jeunes », qui vit une lente et douloureuse agonie, au désespoir des jeunes, des éducateurs et promoteurs d’académies, ces derniers le maintenant en vie comme ils peuvent, dans l’attente d’une action décisive de la FECAFOOT et l’intervention salutaire des pouvoirs publics, entendu que tout ce qui touche à la jeunesse est sensible et concerne les pouvoirs publics.
Le football des Jeunes, un pan stratégique de notre « sport-roi » champion olympique, est donc bel et bien menacé. « La mort du foot jeunes », titrait ce même camfoot le 29 juin 2012 pour attirer l’attention sur la déliquescence d’un Foot Jeunes qui a formé des générations de footballeurs glorieux, dont l’un d’eux, Louis-Paul MFEDE, génial gaucher tombeur de l’argentine en ouverture de la coupe du monde 1990, vient de nous quitter prématurément, tragiquement.
Au-delà de l’émotion qu’un tel constat peut causer parmi ceux qui croient toujours en ce football six fois mondialiste, quatre fois vainqueur de la CAN, il est urgent de rester lucide, de faire un diagnostic objectif de la situation si on veut réellement sauver le Foot Jeunes moribond. Il est aussi urgent de « dépolitiser » le débat, le laisser en dehors des luttes de clans, des querelles de comités et de personnes, afin de fédérer l’ensemble des acteurs du football national autour du « Mongo Football ». La cause des enfants, c’est bien connu, est toujours fédératrice. Quels parents oseraient se disputer au chevet de leur enfant malade, au lieu de chercher ensemble des solutions pour le soigner? Ainsi en est-il du football des jeunes.
Je tenais ainsi à apporter ma modeste contribution à cet important débat, conscient que le Foot Jeunes est une épine dans le pied de la FECAFOOT, conscient que football en général est la passion et l’espoir de millions de jeunes Camerounais et un ascenseur social qui a souvent fonctionné chez nous. Issu d’un quartier populaire, j’ai moi-même bénéficié du Foot Jeunes, à travers les coupes « Top », les tournois « interprovinciaux », comme on les appelait, les sélections nationales Cadets et Juniors. J’ai disputé deux Can des 20 ans (Egypte 1991, Maurice 1993) et une Coupe du Monde (Australie 1993) au côté des Rigobert Song, Pius Ndiefi, ou le regretté Marc-Vivien Foé, légendes du football camerounais. Le Foot Jeunes m’a permis de devenir « quelqu’un », mais il ne s’agit pas de refaire l’Histoire ou de restaurer le Foot jeunes du passé -ce serait illusoire, car le monde et le football ont bien changé depuis ; il s’agit plutôt de réfléchir aux causes qui ont mené le Foot Jeunes au désastre et aux remèdes appropriés, notamment aux principes qui devront guider la construction d’un nouveau football camerounais des jeunes.
C’est cette réflexion que je vais tenter d’impulser ici à travers une série de contributions thématiques, qui n’ont, rassurez-vous, aucune prétention scientifique. Je vais tenter d’expliquer ce que recouvre le terme « football des jeunes », passer au crible les maux qui le mine et envisager des pistes de solutions possibles. L’enjeu est de taille, l’exercice complexe, j’en conviens, mais je vais m’y employer, fort de mon vécu d’ancien footballeur et de mon expérience de plus de 10 ans dans la gestion des dossiers liés à la détection, au recrutement et à la protection internationale des jeunes joueurs avec l’association Foot Solidaire. Je m’attacherai à répondre au fil des lignes aux questions que se pose tout Camerounais qui s’intéresse peu ou prou au football: « pourquoi le football des jeunes décline-il aussi drastiquement? », « comment en finir avec les maux qui l’accablent ? », « quelles stratégies pour un développement durable? » « quelle place et quel rôle devrait-il jouer dans la société? » et, enfin : « où trouver les moyens pour le développer? »
La présente contribution a vocation à interpeller le futur président de la FECAFOOT (et bien sûr les pouvoirs publics), lui dire l’urgence qu’il y a à engager dès ses premiers jours à Tsinga, un programme crédible pour sortir le Foot Jeunes de l’ornière. Il est en effet inquiétant que depuis le début de la campagne électorale à Tsinga et dans les régions, aucune voix ne se soit élevée pour parler de la situation du football des jeunes, si ce n’est brièvement, au détour d’une interview, sans entrer dans le fond d’un dossier hautement stratégique. De tous ceux et toutes celles que nous avons vus à la télé ou écoutés à la radio, jurant sur la tête de leurs enfants défendre le football national, nul ne s’est réellement penché sur le sort des jeunes, des éducateurs, des promoteurs d’académies, sur l’état de la formation et les très mauvais résultats des sélections de jeunes. Cela voudrait-il dire qu’ils considèrent le Foot Jeunes comme secondaire, accessoire ou d’une importance stratégique minime dans leur marche vers la Tour de Tsinga? Or, le futur patron de la fédération camerounaise de football ne pourra pas cette fois-ci encore faire l’économie d’un vrai développement du football de base, loin de la navigation à vue et du saupoudrage observés jusqu’ici, sur fonds de gestion opaque des subventions allouées au football des jeunes. Sans en exagérer l’enjeu, je dirais que le futur président de FECAFOOT sera Foot jeunes ou ne sera pas. Son volontarisme, sa capacité à redresser le football camerounais ne se mesureront plus à l’aune des résultats des Lions indomptables, mais à l’effort qu’il portera sur le football de base, car les victoires de demain, c’est à partir du football des Jeunes qu’on les prépare.
Jean Claude Mbvoumin, Ancien international, Président de l’Association Foot Solidaire