Politologue et enseignant à l’Université de Yaoundé 2, il est très sollicité pour besoin d’éclairages dans ce qui est désormais convenu d’appeler « l’affaire Fécafoot ». Ses analyses froides et la force de son verbe ne font pas toujours l’unanimité mais l’homme reste convaincu qu’il faut suffisamment de recul et de mesure pour mieux cerner les contours de ce mélodrame qui dure depuis bientôt trois ans. Dans l’entretien ci-dessous, réalisé par les bons soins de nos confrères du quotidien Le Messager, Njoya Moussa tente de décrypter les enjeux de la rencontre de Conakry à travers laquelle il entrevoit un autre revers du camp des détracteurs de la Fécafoot.
Que peut-on attendre de cette réunion de conciliation convoquée en vue de trouver des issues à la crise qui secoue la Fédération camerounaise de football ?
A mon humble avis, la réunion de Conakry ne risque pas de produire un bouleversement fondamental, dans la mesure où la Fifa a fait constater de manière constante sa position qui est de prendre acte de l’exécutif actuel de la Fécafoot et de s’adonner plutôt à la préparation des futures élections dans cette instance faitière en 2019. Ce qui a provoqué le courroux des opposants de Tombi A Roko qui, pour certains, ont décidé de ne pas partir à cette réunion, notamment Abdouraman Hamadou qui est le principal intéressé par ce conclave. Son absence à cette réunion rend davantage obsolète la rencontre dans la mesure où, celle-ci devrait tourner essentiellement autour de la procédure qui a eu lieu au Tribunal arbitral du sport et des conséquences à tirer suite au verdict du 27 février 2017. Donc, au sortir de cette réunion, je pense que ce sera toujours le statu quo. Ce qui n’est pas pour déplaire au camp Tombi et qui déplait énormément au camp Abdouraman qui accuse aujourd’hui la Fifa de mafia, alors qu’ils avaient festoyé lors de l’arrivée d’Infantino à la tête de l’instance internationale.
L’Acfac, sous la plume de son président, a demandé à ceux de ses membres invités par la Fifa, de boycotter cette réunion au motif que ni l’ordre du jour encore moins les qualités de Tombi à Roko et Blaise Moussa n’ont été précisés. Trouvez-vous cette démarche productive ?
Cette démarche est logique, car dès le départ, la ligne de défense et d’attaque de l’Acfac, qui est un regroupement ad-hoc inconnu des instances de la Fécafoot, est de qualifier la présence de l’actuel exécutif de la Fécafoot à Tsinga d’imposture. Alors, il serait incongru pour eux, d’aller discuter avec Tombi A Roko et Moussa Blaise en tant que président et secrétaire général de la Fécafoot. Mais cette dynamique est contre-productive et cela commence à créer des dissensions à l’intérieur de l’Acfac car justement cette posture renforce les atermoiements et conforte la situation de l’équipe Tombi.
Pensez-vous donc que la réunion de Conakry s’apparente à un guet-apens pour les présidents de clubs ?
Non ! C’est juste une réunion qui devrait appeler les uns et les autres à plus de réalisme et d’humilité comme l’a d’ailleurs souligné Bell Joseph Antoine, qui est pourtant l’un des membres de l’Acfac. Mais l’entêtement de certains acteurs risque plomber les chances d’une sortie paisible et consensuelle de crise.
Quel sens donnez-vous à la dernière sortie d’Abouraman Hamadou qui a adressé une nouvelle correspondance au Chef du département disciplinaire de la Fifa pour rappeler à ce dernier qu’il faisait une interprétation erronée des statuts de la Fifa lorsqu’il estimait que cette Fifa n’est pas compétente pour arbitrer la fameuse crise née de l’annulation des élections à la Fécafoot et constatée par le Tribunal arbitral du sport ?
Abdouraman est dans son rôle puisque l’actuelle interprétation est à sa défaveur. Mais, il se trouve de plus en plus isolé, car ses partisans de guerre lasse, cherchent déjà des mécanismes de rapprochement avec le clan Tombi. Mais ce qui est à craindre, c’est de voir Abdouraman porter plainte à la terre toute entière dans les jours à venir, vu que le gouvernement du Cameroun, la Confédération africaine de football (Caf), la Fifa et même le Tas dans une certaine mesure, ont pris fait et cause pour l’équipe de Tombi A Roko Sidiki. (Rires).
Dans le chapelet des revendications qu’Abdouraman brandit, il y’a le souci de faire appliquer les textes notamment les décisions de la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Cnosc annulant le processus électoral du 28 septembre 2015. Que perd la Fécafoot à organiser de nouvelles élections s’il est vrai que Tombi n’a pas de véritable challenger en face ?
Ce n’est pas une question d’organiser les élections. Mais il s’agit de savoir quel est le bureau intérimaire qui doit le faire. L’équipe d’Abdouraman exige que ce soit celle de Begheni Ndeh de 2009, or, aucune décision ne le précise, d’où leur décision de faire appel de la sentence du juge Foucher du 27 février 2017. Donc, c’est le camp Abdouraman qui bloque la convocation d’une nouvelle élection, ce qui n’est pas, comme je le disais plus haut, pour déplaire au camp Tombi.
L’on parle de plus en plus de la raison d’Etat ayant prévalu pour le maintien de Tombi à la fédération. Pensez-vous que le communiqué signé de Bidoung Mkpatt pour désavouer la Cca fait office d’acte administratif
Non ! Un communiqué ne saurait être un acte de gouvernement. Il faut dire que, Les actes de gouvernement sont ceux que le juge administratif reconnaît comme tels, en refusant qu’ils puissent être discutés par la voie contentieuse, tant par voie d’action, dans le cadre d’un recours direct pour excès de pouvoir) que par voie d’exception, dans le cadre d’une exception d’illégalité ou d’un recours en responsabilité. S’il n’existe pas de théorie générale de l’acte de gouvernement, il est possible de dire que les actes de gouvernement tombent dans deux catégories à savoir, les actes qui touchent aux rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels, et les actes liés à la conduite des relations extérieures du Cameroun. Mais il va sans dire que le gouvernement du Cameroun a pris fait et cause pour le camp Tombi A Roko qui serait plus rassurant et plus conciliant à leurs yeux.
Le salut du football camerounais viendra-t-il de la Fifa, du Tas ou des tribunaux camerounais ?
Le salut du football viendra uniquement de la paix des cœurs et surtout par la mise à l’écart de certaines personnes aux ambitions trop démesurées !
Quel commentaire vous inspire le comportement de certains acteurs de football qui n’ont pour projet que de diriger la Fécafoot en brandissant l’argument juridique ?
C’est l’égoïsme propre aux camerounais ! Tout le monde veut être absolument président ou rien. Si c’est pour le football qu’ils se battaient, je suis sûr qu’on aurait déjà trouvé des solutions depuis des lustres.
Etes-vous de ceux qui estiment que l’ultra-politisation du football au Cameroun n’a contribué qu’à pourrir la situation ?
Non ! C’est la présence de trop d’argent dans le monde du football qui exacerbe les tensions et rend très difficile la conciliation. Ayez toujours présent à l’esprit qu’au football, l’unité de mesure financière c’est le milliard !
Source Le Messager