Entre colère légitime ou non du maître d’ouvrage, résiliation de contrat pour insuffisance de résultats, compétence douteuse des sociétés agrées et taux d’avancement des travaux en deçà de la barre des 10%, la réhabilitation de cette infrastructure vielle de 47 ans, est un véritable serpent de mer. A cinq mois de la date officielle de livraison, le chantier baigne dans une incertitude sans précédent.
Vu de l’extérieur, on dirait un chantier abandonné. Plusieurs pans de la clôture en béton armé se sont écroulés, dévoilant l’épaisse broussaille qui a commencé à avaler des surfaces autour des différents portails donnant droit aux virages. La faute, apprend-t-on, aux engins de la société Sinohydro corporation sommée de libérer les lieux par le ministère des Sports et de l’éducation physique (Minsep) il y’a deux semaines. Courroucés donc par l’attitude des émissaires de Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt venus les déguerpir sans autre forme de procès, les conducteurs d’engins lourds ont donc décidé de laisser un petit souvenir avant de lever l’encre. De sources officielles, le contrat de Sinohydro pour la réhabilitation du stade ainsi que les stades annexes a été résilié par l’Etat du Cameroun, pour insuffisance de résultats. En effet, trois mois après le démarrage des travaux prévus pour durer 8 mois, l’entreprise chinoise n’a réussi à réaliser sa prestation qu’à 5%. Pourtant, le temps presse et la Confédération africaine de football (Caf), dans son uniforme de gendarme, est prête à retirer l’organisation de la Can au Cameroun à tout moment.
Entreprise sous-traitante
Autres raisons évoquées : les ingénieurs mentionnés dans l’offre de l’entreprise chinoise ne sont visibles sur le chantier, qui a été par ailleurs confié à un sous-traitant. Suffisant pour provoquer l’ire du patron des Sports qui n’a eu d’autre choix que de rompre le contrat. Le gouvernement camerounais a donc porté son choix sur l’entreprise égyptienne Arab Contractors pour terminer la réhabilitation du stade. Cette sanction survient quelques jours seulement après le passage au Cameroun, d’un émissaire de la Confédération africaine de football (Caf) venue s’enquérir de l’évolution des travaux d’infrastructures de la Can. Dans le camp de Sinohydro, on jure n’avoir pas reçu la moindre notification de la résiliation de leurs contrats pour la réhabilitation du stade Ahmadou Ahidjo et ses annexes.
Défi herculéen
Des responsables de cette entreprise qui conduisent de nombreux chantiers sur le territoire camerounais pointent un doigt accusateur sur le maitre d’ouvrage qui n’a pas jugé bon de reconnaître que « c’est faute de financement que le taux d’avancement estimé à ce jour à 7,5% n’a pas évolué ». Un retard de trois mois difficilement compensable. Pire, compte tenu du volume de travail à faire, Arab Contractors qui peine à prendre officiellement le relais, doit devoir recruter en moyenne 500 personnes pour espérer respecter les délais. Un défi herculéen qu’il faudra absolument relever si elle ne veut pas connaître le même sort que son prédécesseur. Il faut faire un tour à l’intérieur du chantier pour se rendre compte qu’on est bien loin des espérances. Le stade est complètement retourné. Excepté les gradins et la clôture, tout a bougé. L’état d’avancement des travaux n’est pas des plus satisfaisants. Pourtant, les tâches, en fonction des compétences, ont été réparties en lots.
Vers un flop
Dans le lot 2 consacré à l’aménagement des aires de jeu confié au groupement d’entreprises Csr Sarl, l’on apprend que l’entreprise a été notifiée le 9 octobre 2015 pour un délai de huit mois. Le taux d’avancement réel des travaux est de 30%. Le lot 3 qui concerne l’aménagement des voiries et parking était jadis confié à Sinohydro. L’entreprise a été notifiée le 12 octobre 2015 « le taux d’avancement est de 8%. Elle compte trois mois de retard. Le chantier est à l’arrêt depuis le 13 décembre 2015 », a-t-on entendu dire lors de la récente descente de la Commission interministérielle. Pour ce qui est du lot 4 à réaliser par l’entreprise Cfao à savoir l’électricité, l’éclairage et les télécommunications, l’entreprise accuse un retard d’un mois et doit livrer en juin. D’après les ingénieurs, le problème se trouve au niveau du lot 3, attribué à Sinohydro dont le montant des travaux est évalué à près de 17,5 milliards de Fcfa. Au regard de tous ces clichés, on craint bien que le pays hôte ne s’achemine vers un flop retentissant.
Christou DOUBENA