En course pour sa réélection au congrès de Séoul le 29 mai, Joseph Blatter, président sortant de la Fédération internationale de football (FIFA, dont le siège est à Zurich), est menacé par ses adversaires d’une plainte devant la justice helvétique pour « emploi abusif de fonds. »
M. Blatter, 66 ans, de nationalité suisse, est favori pour un second mandat de quatre ans contre le président de la Confédération africaine de football (CAF), le Camerounais Issa Hayatou, 55 ans. Il a estimé jeudi qu’une procédure judiciaire « ne serait qu’un moyen de pression et de propagande politique supplémentaire dans la campagne présidentielle. »
Mercredi, c’est le président de l’Union européenne de football (UEFA), le Suédois Lennart Johansson, son rival malheureux à la succession du Brésilien Joao Havelange en 1998, qui avait annoncé que la justice suisse allait être saisie. M. Blatter est soupçonné de plusieurs « irrégularités financières » dans un rapport du secrétaire général de la FIFA, son compatriote Michel Zen-Ruffinen.
Gagner du temps
Au total, 11 des 24 membres (dont Blatter) du conseil exécutif de la FIFA soutiendraient la plainte. Parmi eux, outre MM. Hayatou et Johansson, figure le Sud-Coréen Chung Mong-joon, qui a qualifié la crise de « Blattergate. »
Très remonté contre le président de la FIFA, M. Johansson va jusqu’à envisager que l’UEFA puisse se désaffilier de l’instance mondiale: « Nous devons discuter de notre avenir au sein de la FIFA. Je ne peux pas en prédire l’issue », a-t-il déclaré.
M. Blatter peut compter sur l’Argentin Julio Grondona, président de la Commission des finances de la FIFA, sur l’ensemble de l’Amérique latine et centrale, de même que sur les présidents de plusieurs puissantes fédérations européennes, France, Espagne et Allemagne, notamment.
Le représentant de l’Océanie à la FIFA, Basil Scarsella, a qualifié de « sérieuses » les accusations contre Blatter, mais a souhaité que les procédures soient pour le moment suspendues, en raison de la Coupe du monde (31 mai-30 juin).
L’enjeu pour M. Blatter semble désormais de gagner du temps avant le congrès électif de Séoul, qui se tient deux jours avant le match inaugural du Mondial-2002. Il paraît en effet peu probable que la justice helvétique puisse statuer dans les trois semaines.
Enjeu de taille
Le scrutin de Séoul sera précédé la veille par un congrès extraordinaire qui pourrait donner lieu à une nouvelle explication. Pour le reste, le président est nettement favori contre M. Hayatou auprès du corps électoral composé des quelque 200 fédérations affiliés à la FIFA, qui disposent d’une voix chacune.
La campagne pour l’élection à la tête de l’instance mondiale du football n’a plus rien d’une « confrontation entre gentlemen », comme l’avait souhaité M. Hayatou lors de la présentation de son programme à Paris le 18 avril, ou d’un échange d’idées sur le fond.
Il est vrai que l’enjeu est de taille. Fédération surpuissante, la FIFA vient d’empocher 880 millions d’euros pour la vente des droits TV du seul Mondial-2002, contre 90 en 1998.
Le secrétaire général Michel Zen-Ruffinen a mis le feu aux poudres en dénonçant le « système Blatter », puis en livrant au conseil exécutif, le 3 mai dernier, un rapport explosif, affirmant entre autres que le président serait coupable « de deux cas de corruption qui, selon le droit suisse, constituent un délit pénal. »
En dénonçant « la Blatter-organisation », M. Zen-Ruffinen est devenu l’allié objectif de M. Hayatou, d’ailleurs prêt à reconduire le brillant avocat suisse polyglotte dans ses fonctions en cas de victoire.