Au stade de la cité Sic à Nlongkak, un quartier de la ville de Yaoundé, un public assez nombreux assiste cet après-midi à une rencontre très animée. Sur l’aire de jeu, les 22 acteurs rivalisent d’adresse. Sombreros, passements de jambes, ailes de pigeons, les beaux gestes ne se comptent plus.
Au centre du terrain, la grande silhouette de Christian Kono, 1 m 85 pour 83 kg, est facilement repérable. Une silhouette que les habitués des stades du pays ont parfois entrevue au cours d’un match de D1 ou de D2. Le jeune homme de 24 ans, après des passages à Asmy 1er, Prévoyance et Canon de Yaoundé, achève actuellement la saison sous les couleurs d’Achille Fc de Sa’a en 2e division de la Ligue provinciale du Centre. Tout ceci ne l’empêche cependant pas de se battre comme un beau diable, dans une rencontre de moindre envergure, comme beaucoup de ses camarades. En effet, les différentes compétitions organisées pendant les vacances pour des jeunes footballeurs sont envahies par des pensionnaires de clubs de 1ère et 2e divisions. « C’est un constat fait par tous les entraîneurs de clubs. Nos joueurs disparaissent des séances d’entraînements, et on ne les retrouve que dans les championnats de vacances et même dans les villages. Vous ne pouvez plus avoir votre effectif et les performances des joueurs sont en dents de scie au niveau du championnat », soupire Alexandre Belinga, entraîneur du Tonnerre de Yaoundé.
Cette situation n’est pourtant pas pour déplaire à tout le monde. Les spectateurs sont ravis de la qualité d’un spectacle qu’ils ne paient pas. Les promoteurs des championnats de vacances reconnaissent que cela donne plus de relief à leurs compétitions. Les promoteurs des clubs de quartiers enfin, gagnent en qualité dans leurs effectifs. « Le niveau ici est très élevé, nous avons des joueurs de Rennaissance, de Tonnerre et de Canon, ainsi que des internationaux cadets », déclare le responsable d’un club engagé au championnat du camp Sic de Nlongkak. Barnabé Atangana, fraîchement revenu de la coupe du monde cadets en Finlande, avant même d’avoir rejoint Ouragan de Yaoundé, son club de 2e division, rêve déjà de victoire à la « Bundesliga » de Nlongkak. « Le championnat de D2 tire déjà à sa fin, et un voisin du quartier m’a proposé de participer au championnat de vacance avec son équipe », avoue t-il. Claude Alimé, d’Olympic de Mvolyé, a une tout autre expérience, qu’il raconte: « je n’étais pas utilisé par mon club, et j’ai choisi de disputer des championnats de vacances. Cela m’a d’ailleurs beaucoup aidé puisque ça m’a permis de retrouver le niveau que j’avais perdu. »
Une histoire d’argent
Tous ces joueurs se défendent pourtant de jouer pour de l’argent. Ils disent y être pour aider des amis, pour se faire plaisir, ou encore pour garder la forme et tenter de décrocher un bon contrat à l’étranger. Les championnats de vacances sont en effet souvent attentivement suivis par les recruteurs de talents. « Je ne vois pas très bien ce qu’un joueur de club peut gagner dans un championnat de vacances. Il s’agit juste de mettre de l’ambiance, de se faire plaisir, et de garder la forme », affirme Claude Alimé qui ne peut cependant pas s’empêcher de déclarer, en parlant d’Olympic de Mvolyé: « le club n’était pas bien financièrement et la plupart des joueurs disputaient des championnats de vacances à l’insu des encadreurs. » L’entraîneur du Tonnerre de Yaoundé ne trouve d’ailleurs pas d’autre explication que financière à ce phénomène. « Nos clubs sont très mal structurés, ce qui fait que le joueur camerounais vit comme un oiseau au jour le jour.
Lorsqu’on lui propose 5000 F cfa, pour un match dans un championnat de vacances, alors qu’il ne gagne que 500 ou 1000 F cfa pour une séance d’entraînement avec son club, il n’hésite pas. Surtout que ces primes d’entraînement ne sont pas toujours payées. En même temps, nous les comprenons, car à leur place je ferais exactement la même chose. Il n’est donc pas facile de les sanctionner, malgré le fait que ça nous cause un préjudice. Pour éradiquer ce problème, les clubs doivent être bien structurés, et les joueurs doivent toucher des salaires et des primes réguliers. » Sur le plan international, on se plaint du calendrier trop chargé des compétitions. Le rythme soutenu des rencontres épuise les joueurs et les expose à des accidents divers. Mais, au Cameroun, toutes les conditions semblent réunies pour que pendant longtemps encore, la saison du footballeur soit constituée d’une série de championnats, de coupes, et même de super coupes…
Jules Romuald Nkonlak (stagiaire)