C’est une décision iconoclaste, sinon révolutionnaire, que vient de prendre le bureau exécutif de la Confédération africaine de football (CAF). Un nouveau tournoi baptisé « le Championnat d’Afrique des nations » est sorti des fonts baptismaux le 11 septembre dernier à Johannesburg, en Afrique du Sud. Selon le communiqué de la CAF, la première édition qui se dispute déjà 2009 va réunir huit équipes nationales reparties en deux poules et concerne exclusivement les joueurs africains évoluant dans leur championnat local.
Traduction : les joueurs africains évoluant dans les championnats européens et ceux évoluant dans un autre pays africain que le leur ne sont pas concernés par ce nouveau tournoi. De manière triviale, un joueur camerounais évoluant dans le championnat algérien, gabonais ou sud africain, par exemple, ne sera pas éligible. La compétition se jouera en deux phases : la première phase, celle des éliminatoires de cette CAN commence l’année prochaine (2008). La seconde phase est la phase finale de la CAN des joueurs des championnats locaux, quant à elle, aura lieu en 2009. Le pays organisateur de cette compétition (d’office qualifié) s’ajoutera aux sept qualifés issus de chaque sous-région. Les huiit sélections seront reparties en deux groupes de quatre avec des demi-finales pour les deux premiers de chaque groupe. Un match de classement pour les perdants des demi-finales et une finale pour les vainqueurs.
La compétition se jouera tous les deux ans, c’est-à-dire les années intermédiaires de la CAN. « Nous voulons donner la possibilité aux joueurs africains de montrer leur talent et savoir-faire, mais aussi d’élever le niveau des championnats africains et de présenter leur qualité. Nous avons décidé de créer une nouvelle compétition qui va présenter le meilleur des équipes nationales en Afrique qui mettront aux prises exclusivement les joueurs africains qualifiés pour le championnat en cours», a déclaré Issa Hayatou, le président de la CAF.
Bon prince, afin d’aider les fédérations nationales au financement de la première phase de l’organisation du championnat, « la Caf se désiste au profit des Fédérations des droits de retransmissions et de publicités ainsi que des recettes de stades. Une manne non négligeable que les fédérations les mieux structurées pourront en tirer profit.
Passé cet effet d’annonce, il importe de se pencher sur cette nouvelle trouvaille de la CAF, pour analyser ses contours. Une compétition intéressante à plus d’un titre. Face à ce qui est considérée comme l’émigration en masse des joueurs africains vers l’Europe, cette nouvelle compétition sera une vitrine pour les joueurs locaux de se mettre en exergue à la face du monde à travers un tournoi médiatisé. Toute chose qu’on peut considérer comme un judicieux appât pour encourager les joueurs locaux à rester au terroir pour avoir la chance de jouer dans leur équipe nationale. Ce faisant, ils ajoutent une ligne supplémentaire dans leur carte de physique qui sera un élément déterminant pour la suite de leur carrière. Dans un contexte où les joueurs africains s’expatrient précocement en Europe, cette nouvelle compétition est une aubaine qui permet aux jeunes joueurs de mieux s’aguerrir au niveau national et continental avant de se frotter à des talents sous d’autres cieux. Ceci est d’autant plus intéressant que la nouvelle CAN sera, qu’on le veule ou pas, une espèce de grande foire où des recruteurs occidentaux viendront chercher des diamants à l’état brut et à bon marché.
Bouée de sauvetage
Au niveau du Cameroun, où les entraîneurs expatriés ont tendance à voyager par monts et vaux jetant en pâture le football local et des jeunes, cette nouvelle donne est une aubaine pour obliger les entraîneurs d’effectuer une véritable prospection à l’intérieur du Cameroun. Quand on sait que le championnat du pays de Roger Milla manque du spectacle et du jeu parce que les jeunes talents ont eu juste le temps de germer qu’ils s’envolent pour aller éclore sous d’autres cieux, cette nouvelle donne peut constituer le levain catalyseur. A l’heure où la Fédération camerounaise de football fait de la navigation à vue sur tous les plans, qui sait si la relance du football camerounais ne viendra pas de cette nouvelle CAN qui pourra booster la qualité du jeu.
Sur un autre plan, cette nouvelle CAN va s’accompagner des désagréments. Puisque les éliminatoires par région s’étaleront sur presque un an, les clubs seront délestés de leurs meilleurs joueurs. Astres de Douala, pour ne citer que cet exemple, ne souffre-t-il pas déjà de l’absence chronique de ses internationaux espoirs? Par ailleurs, la Fécafoot, pour s’arrimer à cette nouvelle compétition, a grand intérêt à diminuer le nombre de clubs (14 au plus) car un long championnat sera épuisant pour des joueurs qui doivent jouer sur deux fronts et même plus, si le club est engagé en compétition africaine. L’arrivée de la CAN des championnats locaux pourrait sonner le glas de la Coupe des championnats régionaux (Cemac pour l’Afrique centrale) puisque la phase des qualifications se jouera en sous-région (Afrique centrale pour le Cameroun).
Ce revers de la médaille n’enlève en rien à l’originalité et la pertinence d’une compétition qui est saluée par tous. Quoi qu’il en soit, les aspects négatifs ne seront visibles que pour les fédérations qui ne dynamiseront pas leur championnat. Ceci passe aussi par la construction des infrastructures sportives. A l’heure où la professionnalisation du football est devenue un véritable serpent de mer, la CAN des amateurs peut être un prétexte pour la Fécafoot de penser les bases du football local. Une compétition qui permettra de présenter aux yeux du monde le vrai visage du niveau du jeu des différents championnats locaux. Les clubs de l’Afrique du Nord domineront-ils de la tête et des épaules cette nouvelle CAN, comme c’est déjà le cas pour les coupes de la ligue des champions ou de la Caf ? Difficile de répondre par l’affirmative car les pays magrébins, bien structurés, bénéficient du soutien des joueurs de plusieurs nationalités.
Au Cameroun, l’équipe nationale A’ qui tourne les pouces entre deux compétitions a donc du pain sur la planche (le coach Jean Marie Djidjiwa par exemple est obligé d’aller apporter son appui à Université de Ngaoundéré, le club de sa ville natale, histoire de ne pas perdre la main). Par quelque bout qu’on le prenne, la Caf à travers cette nouvelle compétition donne une bouée de sauvetage à la Fécafoot pour valoriser ses joueurs. Les préparatifs de qualification pour la phase finale de cette Can devraient commencer dès ce jour. Car les victoires de demain se préparent aujourd’hui. Le Nzalang nacional de la Guinée Equatoriale dont plus de la moité des joueurs évoluent à domicile n’ont-ils pas réussi l’exploit de vaincre récemment les Lions indomptables du Cameroun constitués à 100% des joueurs professionnels ?
«~Lors de la dernière réunion de la Fifa à Zurich, réunion à laquelle j’ai eu l’honneur de participer avec le président Iya Mohammed, nous avons proposé qu’il y ait une coupe d’Afrique des nations réservée uniquement aux amateurs c’est-à-dire aux joueurs qui évoluent dans leur pays. Ceci va multiplier les chances de tous les joueurs de porter le maillot national et ce sera également une occasion pour les recruteurs des clubs de venir enrôler les meilleurs. Ce qui va nous éviter ces multiples départs pour aller faire des tests. Notre proposition est d’ailleurs venue conforter la Caf qui avait eu la même idée. Nous espérons maintenant que les choses vont s’accélérer de ce côté pour que cette compétition voit le jour dans un bref délai.~» Nous affirmait il y a quelques semaines, Charles Emedec vice-président de la fédération Camerounaise de football et président de la commission nationale de l’organisation des championnats nationaux. La décision ayant été maintenant officialisée par CAF, il importe maintenant à la Fecafoot de se mettre résolument au travail.
Eric Roland Kongou, à Douala