Par arrêté n°115/cab/Pm du 8 avril 2009, le Premier ministre chef du gouvernement a dissout le comité interministériel de supervision du Programme national de développement des infrastructures sportives (Pndis), créé par arrêté n°098/Cab/Pm du 23 juin 2008 et dont le projet phare est la construction à Yaoundé, d’un grand stade couvert d’une capacité de 60.000 places assises.
La construction de stades au Cameroun au point mort! Une semaine après avoir décidé du maintien de Martin Otto Pfister sur le banc de touche des Lions indomptables, jusqu’au 6 juin, date fatidique de la rencontre cruciale de la deuxième journée des éliminatoires de la Can-Mondial 2010 contre le Maroc au stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé, le Premier ministre vient à nouveau de frapper du poing sur la table. Ephraïm Inoni, par «arrêté n°115/cab/Pm du 8 avril 2009 », dissout «le comité interministériel de supervision du Programme national de développement des infrastructures sportives (Pndis).
De nombreuses zones d’ombre entourent le programme national de développement des infrastructures sportives. La China national Machinery and Equipment Import and Export Corporation (Cmec) souligne une incompréhension dans la contribution du Cameroun pour la réalisation de la première phase du Pndis. Dans une correspondance adressée à Roger Melingui, ancien ministre délégué aux finances chargé du budget, et promoteur de Société civile et immobilière l’Afamba (Socia), entreprise agréée le 19 juillet 2007 par le Minsep pour la recherche des financements du Pndis, les responsables chinois évoquent un détournement de plus 85 millions de Fcfa.
» Please check amount of your payment, it falls short of down payment. The correct amount of down payment is Euro 24,557.740.76. While your payment is Euro: 24,430,443.15, the balance in Euro is 127 297, 61« , indique une dépêche adressée le 24 décembre 2008 à M. Roger Melingui. M. Li Huaijun de la Cmec, auteur dudit message, demande à l’ancien ministre délégué du budget de bien vouloir vérifier la contribution du gouvernement versée à Exim Bank. Celle-ci avait été arrêtée exactement à 24 557 740,76 euros. Par contre, les Chinois affirment n’avoir reçu que 24 430 443,15 euros. Soit une différence de 127 297, 61 euros (près de 85 millions de Fcfa). Les responsables chinois appellent les pouvoirs publics camerounais à respecter leurs engagements.
Documents contractuels
Le 27 décembre 2008, une délégation conduite par le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Louis Paul Motaze, accompagné du ministre des Finances, Essimi Menye (qui selon nos sources, va se désister lors de l’escale de Paris et choisira d’aller rendre visite à sa famille restée aux Etats-Unis), et du ministre des Sports et de l’Education physique, Augustin Thierry Edjoa, a quitté Yaoundé pour la signature des documents contractuels de la première étape du Pndis. Mais, le séjour de la délégation camerounaise en terre chinoise tournera au fiasco. Aucun document ne sera paraphé. Pourtant, cet échec était prévisible.
Suivant la correspondance N°538/cab/Minsep du 17 décembre 2008, Augustin Thierry Edjoa, informe la Cmec qu’une délégation camerounaise séjournera en Chine. Celle-ci a pour mission la finalisation de l’achat du crédit d’épargne préférentiel avec Exim Bank, dans le cadre de la première phase du Pndis. En réponse, Li Changxin, président général de la Cmec, par la lettre N°1721/081225 du 25 décembre 2008, informe le Minsep que ledit contrat ne pourra pas être signé à la date sus-indiquée. Et Li Huaijun d’ajouter, « Il est tout à fait clair que ce n’est pas le moment pour votre délégation de visiter Beijing et d’avoir une entrevue avec Exim Bank. Qu’allez vous discuter avec Exim Bank sans avoir fini l’évaluation du projet ? Exim Bank ne peut rien discuter de substantiel avec vous, ni ne peut vous faire des promesses présentement. Ce qui signifie que vous ne récolterez rien comme fruit venant de Exim Bank si vous vous obstinez à venir« .
Lueurs et leurres
De nombreuses questions subsistent: quel taux est servi sur les 272 milliards de Fcfa remboursables sur 10 ans ? Y a–t-il un différé d’amortissement? L’exploitation des bénéfices reviendra-t-il entièrement au Cameroun ou à son partenaire chinois? Quel est, dans cette affaire, l’intérêt de la Socia? Autant de zones d’ombre qui ont poussé le gouvernement à dissoudre le Pndis. Le Premier ministre veut redéfinir les contours du projet et selon toute vraisemblance nommer d’autres hommes à la tête du Programme.
Selon nos sources, une commission d’enquête rattachée à la Présidence de la République réalisera un audit. Censée démarrer en janvier dernier, la construction de nouveaux stades prend ainsi du plomb dans l’aile. Ce qui n’empêche pas Augustin Edjoa d’annoncer la pose de la première pierre du Grand stade Paul Biya qui reste le projet phare du Pndis, dans les colonnes du quotidien Le Jour (n°346 du 07 janvier 2009): « L’affaire touche à sa fin. La contrepartie camerounaise de 16 milliards exigée a été payée et virée à Exim Bank China depuis décembre. C’est donc dire si le Pndis avance normalement».
Un projet ambitieux
Lancé le 7 mai 2008 à l’hôtel Hilton de Yaoundé, par le Premier ministre Ephraïm Inoni, le Programme national de développement des infrastructures sportives s’étale sur dix ans (2008-2018). Le coup d’envoi sera donné par la mise en route de projets prioritaires, notamment la construction à Olembe, dans la banlieue nord de la capitale, du Grand stade Paul Biya couvert, d’une capacité de 60.000 places assises, d’un centre de sports nautiques et d’un hôtel trois étoiles de 200 lits. Coup des travaux: 176 milliards de Fcfa.
La seconde étape prévoit la construction sur le même site, du complexe de l’Institut national de la jeunesse et des Sports de 12.000 m2 avec piscine olympique, et des stades multisports: basket-ball, volley-ball, handball et deux courts de tennis, un centre médical, une salle de spectacle, un gymnase de 3500 places assises et un dortoir de 10.000 lits. L’ultime phase implique la réhabilitation des aires de jeu existantes et la construction de nouvelles, en l’occurrence des stades de 15 à 20.000 places assises dans chaque chef-lieu de province…
Jean Robert Frédéric Fouda, à Yaoundé