Le long marathon politique entamé depuis l’année dernière s’est achevé avec la fin de la campagne électorale officielle ce samedi. Véritable phénomène de société, le football a été très présent dans celle-ci. Du « tireur de penalty » Maurice Kamto à la Coupe d’Afrique des nations 2019 que le Cameroun doit recevoir, le ballon rond a été très présent dans les conversations politiques ces derniers temps.
La dernière semaine a donné l’occasion au Président candidat de montrer sa légitimité internationale avec la réception du président de la CAF, M. Ahmad venu nous expliquer que les problèmes de la CAN au Cameroun viennent du Cameroun. Cette visite a été l’occasion pour un certain nombre d’anciens Lions indomptables, au rang desquels deux capitaines d’appeler à voter le président Biya.
En ce dimanche d’élection, j’aimerais toutefois que nous sortions du strict cadre politique pour nous interroger sur la CAN en elle-même. En faisant de l’élection présidentielle camerounaise un temps de pause pour la décision définitive de la CAF et en venant au Cameroun durant la campagne électorale, le président Ahmad a fait des gestes de politique intérieure. Si on peut interroger sa légitimité, il ne serait pas inutile de se demander si sa conduite ne fait pas de mal à la compétition majeure du football africain, celle qui remplit les caisses de la CAF.
Comment en effet ne pas entendre le son sourd qui gronde dans le pays en ce moment ? Et si l’organisation de la CAN n’était seulement une affaire politique, mais qu’il n’existe pas en ce moment un désir camerounais d’organiser cet événement ? Les résultats sportifs et une génération moins talentueuse peuvent expliquer ce désamour qu’il ne faut pas perdre de vue. Et si le Cameroun vivait sa CAN comme le Brésil a vécu sa Coupe du monde ? Alors qu’elle était attendue comme la fête du football, la Coupe du monde 2014 a montré surtout une fracture sociale importante dans le pays. Écouter au moins cette grogne ne ferait de mal à personne, pour que la compétition se passe le mieux possible.
De cette compétition justement, qui se veut la troisième sur le plan mondial en termes de téléspectateurs, a-t-elle un bon VRP ? Depuis un an, il ne se passe pas un jour sans que la remise en cause de la candidature camerounaise ne soit évoquée dans les médias. Maroc, Algérie, plan B… tous les scenarii sont évoqués, oubliant que ça fait mauvais genre pour une compétition de ne pas avoir de marqueur fixe à moins d’un an de son coup d’envoi ? Comment les marques, les médias vont-ils se déployer sachant que les coûts et les ambitions de marché ne sont pas les mêmes selon le pays dans lequel on organise ?
Depuis l’arrivée de Ahmad, on a changé le format d’une compétition qui avait déjà commencé et depuis c’est l’épée de Damoclès sur le Cameroun pour l’édition 2019. Mais si cette épée était finalement au-dessus de la Coupe d’Afrique en elle-même ? Combien de pays africains pourront accueillir cette compétition à 24 équipes, dont plus de la moitié des matchs n’intéressera pas le public ? Depuis des années, elle avait pour but le développement des infrastructures des pays africains et ça justifiait sa fréquence. Aujourd’hui, avec un minimum de six stades de 10 000 personnes, est-elle encore calibrée pour une majorité de pays ou doit-elle juste tourner dans une minorité de pays où ne seraient pas forcément présents les plus gros sponsors de la compétition ?
L’arrivée d’un « nouveau pouvoir », loin d’être juste une diatribe du précédent, devrait être l’occasion d’une remise à plat des ambitions et des process. Avec Ahmad, il nous semble qu’on en est loin.
Raphaël Onambelé