Entraîneur de football, il fait une analyse de la liste des 23 joueurs retenus par Volker Finke, le sélectionneur national. Mais, il indique les points sur lesquels les Lions doivent encore travailler pour aborder la Coupe du monde en toute sérénité, en même temps qu’il invite le sélectionneur national à rester charismatique.
Volker Finke vient de publier la liste des 23 joueurs qu’il a retient pour la Coupe du Monde. Quel regard jetez-vous sur cette liste ?
Par rapport à cette liste, je dois reconnaître qu’il y a eu deux invités surprise, à savoir Cédric Djeugoué et Salli Edgard. Loïc avait déjà fait des stages avec ce groupe. A mon sens, il n’y a pas une grosse surprise en dehors de ces deux jeunes qui font leur entrée. Pour parler des recalés, on pourrait regretter une absence comme celle de Jean-Armel Kana Biyik, qui est jeune assez fougueux. C’est dommage, parce qu’il est victime d’un mal qu’il traîne depuis. Je pense qu’il était temps qu’il se concentre à traiter aussi ce mal.
Par compartiments, cette liste est-elle complète pour une compétition comme la Coupe du Monde ?
Je crois que chaque pays qualifié faisant avec ses moyens de bord, le Cameroun essaye de faire avec ce qu’il ya sous la main. On n’a pas véritablement mieux que ce que ces joueurs que nous avons sous la main. Les trois matchs amicaux que nous avons disputés jusqu’ici, nous démontrent à souhait que cet effectif est le meilleur risque pour l’entraîneur d’amener ce groupe-là, même si à un moment donné on comprend que le manque de compétition de certains « leaders » de ce groupe devrait a priori nous pénaliser, parce qu’entre deux rencontres, il n’y aura pas une semaine de récupération. Cela veut dire que les jambes, les muscles, les veines et tout cet accompagnement devraient être hyper sollicités et ici, pour ce qui concerne la Vma (Valeur maximale aérobie, ndlr), si vous n’avez pas atteint une certaine ascension, il sera très difficile pour nous de pouvoir couvrir ne serait-ce que le premier tour à performance égale dès le premier match.
On a vu cette équipe jouer le match contre la sélection allemande. Est-ce qu’elle a donné satisfaction ?
J’ai vu une équipe qui est dans un nouveau système que je qualifie de 4-5-1, avec deux milieux de couloir qui rentraient complètement pour venir barrer pratiquement sur la ligne de corner, pour remonter afin de pouvoir amorcer une attaque. J’ai vu une équipe qui est un peu moins mobile dans le sens où, quand on n’a pas le ballon, même comme on a joué un bloc bas, qui a un peu du mal à reconquérir ces ballons aussitôt qu’il est perdu. J’ai vu une équipe qui a réussi – et c’est une satisfaction – dans la défense en ligne, avec comme patron de cette défense Joël Matip. Pourtant, il passe pour un dépanneur, en raison des blessures des joueurs de cet axe. Matip, jusqu’ici, est cité comme milieu de terrain. Mais, il a fait bonne surface au niveau de la défense et qui a été le métronome. Cette défense en ligne a occasionné 18 situations de hors-jeu des Allemands, même s’il faut remarquer qu’entre cette défense en ligne et le gardien qui semble jouer sur la ligne des buts, on a un grand vide qui peut nous coûter cher face à une équipe qui est assez diligente dans la remontée des ballons. J’ai vu une équipe qui commence à faire ses preuves au niveau de l’explosivité, parce que j’ai vu comment on monte sur l’homme, c’est-à-dire que chaque fois qu’on attaquait, on y allait franchement. Même si on peut noter de légers retards qui peuvent aussi nous être catastrophiques. Parce qu’une faute en retard vaut un carton. A partir de là, je pense que c’est un groupe qui est homogène, qui commence à avoir une discipline tactique. Peut-être, ce que nous avons vu hier démontre à souhait qu’on peut réussir un tel match et attendre une semaine. Mais, lorsqu’il s’agit d’une compétition où on a un écart de cinq jours pour jouer le prochain match. Il y a encore beaucoup de choses à faire au niveau du resserrement des lignes, au niveau du resserrement des distances entre des joueurs et des lignes.
On a joué avec Samuel Eto’o seul en pointe …
Quand on a une seule pointe qui est Samuel Eto’o – c’est vrai que c’est un joueur qui joue dans des espaces – on attaque pratiquement à quatre joueurs et demi, avec cinq sentinelles qui restent, formant ce qu’on appelle dans le jargon consacré, la défense permanente. En ce moment-là, il ne serait pas évident. On va complètement vider nos milieux de couloirs, qui doivent refermer de l’intérieur, après la perte du ballon et essayer d’utiliser au maximum de leur forme nos latéraux qui doivent créer le surnombre dans les dédoublements. Je pense que si on ne s’est pas beaucoup entraîné dans ce sens et dans ce style-là on aura beaucoup de plumes à laisser. Mais, c’est déjà bien d’avoir la volonté d’être à mesure de pratiquer le jeu que nous présente l’entraîneur aujourd’hui. Maintenant, il reste à l’animer, lorsqu’on sait que dans l’animation il faut tenir compte d’un certain nombre de critères.
Quels sont donc, selon vous, les points à améliorer pour aborder cette Coupe du Monde en toute sérénité, au regard du dernier match ?
D’emblée, il faudra tenir compte du problème de la mentalité devant la défense. Le porteur d’eau, c’est-à-dire celui qui joue devant la défense comme récupérateur, devra faire hyper attention. Ce que j’ai vu avec Alexandre Song, il conserve inutilement le ballon et ne joue pas facilement en une ou deux touches pour remonter le ballon, parce que nous jouons un bloc bas. Et le bloc bas peut permettre à une équipe d’être la meilleure sur contre-attaque. Si nous jouons le bloc médian, les joueurs doivent avoir été disposés à jouer les attaques placées et si nous voulons jouer le bloc haut, il faut être prêt à jouer des attaques rapides. A partir de là, je pense qu’au niveau du milieu de terrain, pour moi, on devrait faire une sorte d’interchangeabilité entre Enoh Eyong et Alexandre Song. Enoh Eyong, à mon avis, a cette capacité de jouer en une ou deux touches. Et il faudrait envoyer Alexandre Song un peu plus vers la deuxième ligne, derrière les attaquants, pour pouvoir commencer à récupérer les ballons. Et s’il perd un ballon au niveau de cette deuxième ligne, ce ne sera pas aussi dangereux comme s’il l’avait perdu devant la défense. Il a perdu trois ballons qui nous ont coûtés chers.
Au niveau de la défense, il faut réajuster un peu. A mon avis, si Aurélien Chedjou pouvait se remettre de son mal et être au top de sa forme, On devait faire remonter Matip au milieu de terrain. A ce moment, je crois que Matip jouerait mieux le rôle de métronome devant la défense, parce qu’il a la capacité de varier le jeu et jouer les ballons en profondeur qui arrivent facilement sur la première ligne.
En attaque, les mouvements de Samuel Eto’o nous permettent déjà de caresser l’espoir que les milieux de couloirs peuvent bien permuter avec Samuel Eto’o. Et lorsqu’on sait qu’Eto’o joue en fixation, est-ce que cela pourra tenir tous les trois matchs ? On a tout de même une petite réserve avec Aboubakar Vincent et Achille Webo, qui sont en là au cas où Samuel Eto’o aurait un souci. En bref, cette équipe peut. Mais, il y a encore de petites choses à réajuster en interne. Surtout, il faudrait que l’entraîneur reste charismatique et fasse prévaloir son autorité. Parce que j’ai envie de dire qu’il y a certains joueurs qui se comportent comme s’ils étaient arrivés, à l’instar de Stéphane Mbia, qui joue à la star, parce qu’il a gagné une Coupe Europa League. Nous n’en sommes plus là. On est à la Coupe du monde et il faut qu’il revienne sur terre pour pouvoir mériter une couronne à cette Coupe du Monde.
Entretien mené par Antoine Tella à Yaoundé