Entraîneur de football, il fait une appréciation du jeu des Lions Indomptables face aux Eléphants ce mercredi. Il parle des clés de la large victoire du Cameroun (4-1) et donne en même temps ce qu’il reste à faire pour que cette équipe soit plus conquérante. Interview.
Quelle lecture faites-vous de cette victoire des Lions Indomptables sur les Eléphants de Côte d’Ivoire ?
De ma position de modeste technicien, je dois dire qu’il n’y a pas grand-chose à dire, parce que les enfants ont respecté les consignes. N’eût été cette erreur individuelle de ce jeune joueur qui a perdu le ballon pour l’unique but de la Côte d’Ivoire, il n’y a véritablement pas à redire. Le Cameroun a attaqué à cinq, a contre-attaqué à quatre. Toutes les figures ont été respectées. Je crois véritablement qu’on doit féliciter ce staff technique, surtout avec la valeur ajoutée des techniciens locaux qui accompagnent Volker Finke dans sa mission. Cela prouve à souhait que les techniciens locaux ont aussi leur mot à dire dans cette équipe nationale. Nous avons marqué quatre buts avec la manière, sans penalty.
Quel jugement portez-vous sur la prestation du gardien de but ?
C’est pratiquement l’homme du match. Toutes les équipes du monde sont restées grandes, parce que derrière il y a toujours de grands remparts. C’est le gardien qui compose le véritable modèle d’une équipe. Et ce petit garçon (Fabrice Ondoa Ebogo, ndlr) démontre que Thomas Nkono est en train de revenir, que les talents de Joseph Antoine Bell ne sont pas perdus. Mais, l’avenir nous dira mieux, parce que c’est un garçon qui rassure. Faire ce qu’on a vu à son âge est formidable. Mais, il faudrait reconnaître le talent et le courage de l’entraîneur des gardiens de but, qui a proposé ce jeune à l’entraîneur en chef. Je parle ici d’Alioum Boukar, qui a repris le courage qu’il avait quand il jouait.
Et comment avez-vous trouvé le comportement défensif des Lions ?
Il y a eu le flottement du latéral droit, qui au départ n’était pas secouru par la défense centrale. Dès lors que l’entraîneur a resserré les lignes entre Nkoulou et lui, les milieux de couloirs ivoiriens ne pouvaient plus laisser des vides dans son dos. Mais, dans l’ensemble, la défense a tenu son rôle. Elle a joué la défense permanente. Les joueurs ont réagi à temps, refermé les espace pour que les Ivoiriens n’aient pas le temps de frapper. Il y a encore quelques réglages à faire, parce que le capitaine, Stéphane Mbia n’a plus joué à ce poste depuis longtemps et prend encore ses automatismes progressivement.
Le milieu de terrain ?
Le jeune Mandjeck est revenu à son bon niveau. Il est en train de prouver qu’il a fait un balayage de conscience et il est revenu. Il a été le métronome de ce match. Enoh Eyong a été euphorique, parce qu’il essaye de faire un crochet de trop et un peu lent dans la relance. Mais, avec le principe de la compensation, parce que le collectif a bien fonctionné dans ce match, on a compensé les erreurs des uns et des autres. Pas grand-chose à redire sur Choupo-Moting. Mais, seulement quand il fait des appels, il doit reculer pas dans le sens de la diagonale, mais dans la verticalité. Avec la disponibilité de Matip pour le prochain match, on sera un peu plus complet et tenir bien le coup.
Et le comportement de l’attaque …
Rien à dire. Animation offensive parfaite. Tout le monde a essayé de prendre le risque et on a gagné des espaces. C’est peut-être au niveau du repli défensif qu’on peut leur apporter un plus. On a payé cash avec la petite erreur de Clinton Njié. Je dois dire que ce sont des talents qui sont en train d’exploser. Il faut encourager ces enfants qui ont démontré que le Cameroun n’est pas mort.
Que dire des remplaçants qui sont entrés ?
Ceux qui sont entrés en cours de jeu ont beaucoup apporté. C’est pour cela que je pense que M. Volker Finke, a beaucoup gagné avec l’assistance actuelle. La défense ivoirienne est composée de grands gabarits et ils ont remarqué qu’Aboubakar Vincent qui joue dans des espaces ne pouvaient pas gagner des duels. Et vous avez vu le deuxième but d’Aboubakar quand Kwekeu entre. Il dévie le ballon de la poitrine et couvre les défenseurs pour laisser l’espace à Aboubakar Vincent de placer tranquillement le ballon dans les filets. Donc, il fallait aussi quelqu’un de grand gabarit qui allait fixer les défenseurs ivoiriens, les emmerder dans le jeu aérien et même au niveau du poids. L’on se souvient du jeune Franck Kom qui était le métronome des juniors à la Can 2011 et à la Coupe du Monde junior de cette année-là, qui revient à son meilleur niveau. Sally Edgard a fait ce qu’il avait à faire. N’eût été la vivacité du défenseur, qui est resté sur ses appuis, il aurait marqué le cinquième but.
N’est-ce pas aussi à cause du balayage fait dans cette équipe ?
Il faut aussi tirer un coup de chapeau à nos autorités qui ont pris le courage enfin, de pouvoir nettoyer un peu l’entourage de cette équipe. On a vu une attaque qui s’est libérée. On a compris que ce sont des enfants qui étaient muselés, qui n’avaient pas le moindre espace pour s’exprimer, parce que certains – et je dois le dire – avaient pris cette équipe nationale en otage. Beaucoup de jeunes étaient muselés par l’entourage. Je suis convaincu que si certains dont je ne vais pas citer les noms ici, étaient là, un enfant comme Clinton Njié, pour la première fois, ne pouvait être titulaire dans cette équipe.
Certains parmi vous ne voulaient plus de Volker Finke …
Il faut aussi saluer l’humilité de cet entraîneur qui, enfin, est revenu sur terre, parce qu’il ne voulait pas tenir en compte les propositions des autres. Mais, il collabore aujourd’hui avec les autres techniciens qui l’accompagnent. Il a compris que c’est pour lui que toutes les compétences sont réunies. Bravo à lui, parce qu’il n’y a que des idiots qui ne changent pas d’avis. Il a démontré qu’il est un homme ouvert et nous pensons l’accompagner jusqu’au bout pour la renaissance de cette équipe nationale. Mais, je pense que la vraie renaissance part de la base. Il faut restructurer le football à la base. Restructurer notre championnat national pour que les équipes nationales intermédiaires, des minimes aux A’ en passant par les cadets, les juniors, et les Espoirs puissent être suivis, telle que la traçabilité soit vraiment de mise.
Que faut-il encore régler pour que cette équipe soit plus complète ?
Je suis de ceux qui pensent qu’à l’équipe nationale on n’entraîne pas. Les joueurs sont entraînés en club. A l’équipe nationale on met en place une philosophie et on cherche des gens qui sont capables de l’animer. Et je pense qu’aujourd’hui, l’histoire est en train de donner raison. Sur le plan technique, lorsqu’on sort d’une offensive, le recul défensif exige que les distances entre les lignes et les joueurs soient respectées. Surtout dans l’entrejeu où ce qu’on appelle dans le jargon consacré la zone de Faraday. Qu’on ne laisse pas l’espace à l’adversaire de pouvoir frapper. Ces jeunes ont compris que le football est porté vers l’offensive, parce que la Fifa nous instruit chaque jour que le football ira encore plus vite dans un espace réduit et donc favorable aux jeunes. Quand on compte déjà Mbia parmi les doyens d’une équipe comme la nôtre, c’est une équipe d’avenir.
Entretien mené par Antoine Tella à Yaoundé