Je crois que pour les jeunes qui n’ont pas vu André Kana Biyik jouer, ils ne mesureront jamais ce que ce gamin parti de nulle part a pu apporter au football camerounais.
Toujours dans l’ombre, il a pourtant été longtemps l’un des plus déterminants. De tous les joueurs qui sont passés par l’équipe nationale, Kana Biyik demeure le seul qui pouvait jouer à tous les postes. A Naïrobi, lors des Jeux Africains de 1987, il joué libéro pendant presque tout le tournoi. En 1988, lorsque Omam se blesse au premier match de la CAN contre l’Egypte, André prendra la relève pour évoluer en attaque aux côtés de Roger Milla pour tous les autres matchs. A Tunis en 1989, lorsque Massing et Mbida sont suspendus pour être sortis la veille d’un match aussi capital, c’est encore André qui est chargé de jouer stoppeur.
Malheureusement, cette polyvalence lui a joué des tours pendant toute sa carrière professionnelle au Havre, et à Metz. Ainsi, lors du dernier match de la Coupe du Monde 1994 aux Etats Unis contre l’URSS dans ce qui sera son dernier match avec les Lions, à cause de son genou qui le contrariait depuis, j’ai eu beaucoup de peine à le voir finir presque dans l’anonymat, surtout qu’il n’a pas toujours été jugé à la hauteur de son immense talent.
La Grinta ou le Hemlè qui nous a permis de nous imposer partout, parfois réduits à 9 n’a pas été inventée par Rigobert Song. Il y a eu des joueurs comme Nlend Paul, Michel Kaham, ou Ibrahim Aoudou. Mais le plus fort d’entre tous restera André Kana Biyik. A cet effet, je me souviens en 1988, la Coupe de l’UDEAC se joue à Yaoundé. Le Cameroun perd en finale contre l’Azingo national du Gabon. Kana Biyik, en congé au pays, ne faisant pas partie de la sélection (l’UDEAC étant réservée aux joueurs amateurs), fond en larmes à la fin du match et promet de laver cet affront. La vengeance sera terrible en 1989 à Libreville. François Amegasse, Aubame Yaya, Régis Manon et Germain Mendome prennent 3 buts dans ce qui fut baptisé à l’époque « l’expédition punitive de Libreville ».
Je me souviens en 1989, dernier match qualificatif pour la Coupe du Monde 90 à Tunis. Les Tunisiens qui avaient perdu 2-0 à Yaoundé promettent l’enfer aux Camerounais. Ils adoptent les habitudes égyptiennes qui consistent à déstabiliser et à mettre la pression maximale sur les adversaires, en dehors et sur le terrain. Au Stade El Mensah, à l’heure du match, les supporters tunisiens viennent créer un attroupement derrières les buts camerounais pour rajouter la pression. André Kana Biyik et Joseph Antoine Bell somment les arbitres d’évacuer toute la zone. Malgré les protestations tunisiennes, les arbitres obtempèreront, et le Cameroun gagnera 1-0 par un but d’Omam Biyik. En 1992 à Dakar, le Cameroun et le Sénégal se retrouvent à l’occasion des quarts de finale de la CAN 1992. Claude Leroy qui avait dit en 1990 à Annaba que pour battre le Cameroun, il fallait prendre l’ascendant psychologique et déstabiliser Kana Biyik essaie de faire monter la pression. Quelques minutes avant l’entrée des 2 équipes sur le terrain, une rumeur selon laquelle la femme de l’entraineur Philippe Redon aurait été kidnappée circule. S’engage une bagarre générale dans les vestiaires, avec dans les rôles principaux Kana Biyik, William Andem et Jean-Claude Pagal. Le Cameroun éliminera le Sénégal et Claude Leroy
fera ses adieux le lendemain.
Claude KANA, Consultant