Le jugement rendu par la 17e chambre du TGI de Paris dans l’affaire des insultes d’Anelka comporte un attendu de principe qui renforce la liberté de la presse. « Il n’appartient pas à un tribunal de se prononcer sur l’opportunité pour un organe de presse de livrer une information au public », reconnaissent les juges spécialisés dans le droit de la presse.
Le joueur avait attaqué le quotidien sportif à la suite de sa une dont le titre « Va te faire enculer, sale fils de pute ! » révélait l’extrême tension au sein des Bleus en Afrique du Sud. Nicolas Anelka s’en prenait uniquement à la une du journal et au photomontage l’opposant à Raymond Domenech, à qui étaient destinées ses gracieusetés, dans les vestiaires, à la mi-temps du match France-Mexique dont les Bleus sortaient vaincus 2 à 0. L’avocat d’Anelka soulignait la « violence inouïe qui résulte d’un tel choix éditorial sans précédent dans l’histoire de la presse française ». Anelka, s’estimant diffamé, avait produit le témoignage de trois joueurs (Thierry Henry, Éric Abidal et Patrice Evra) qui, tous, attestaient que les propos prêtés à l’avant-centre n’étaient pas ceux qu’il avait prononcés.
Une enquête sérieuse de L’Équipe
Les juges ont fouillé dans les auditions des différents protagonistes devant la commission parlementaire chargée de faire la lumière sur le fiasco français au Mondial sud-africain. Après examen, le tribunal considère que, s’il y a bien eu insulte, les propos de Nicolas Anelka n’étaient pas exactement ceux qui avaient fait la une de L’Équipe. La Commission fédérale de discipline, le 17 août, attribue cependant à Anelka une formule assez voisine : « Va te faire enculer avec ton équipe, fais l’équipe que tu veux ! » C’est vrai, point de « fils de pute » dans les vestiaires du stade.
Les juges passent l’éponge sur l’inexactitude du propos, car « l’ensemble des circonstances de l’affaire témoigne à suffisance du sérieux de l’enquête, laquelle a révélé un fait désormais établi, et qui a d’ailleurs ultérieurement été sanctionné disciplinairement ». Bel hommage du tribunal au travail des journalistes qui « peuvent s’autoriser une enquête sérieuse, exempte d’imprudence caractérisée ».
Le juge reconnaît la légalité d’une « certaine dose d’exagération »
« L’information en cause était tout sauf fantaisiste, le choix éditorial de sa présentation en une, incontestablement spectaculaire sinon accrocheuse, relève de la seule liberté du mode d’expression journalistique, protégée par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et dont il est admis qu’elle puisse s’accompagner d’une certaine dose d’exagération, voire de provocation. » Pour cette raison, François Morinière, directeur de la publication, a été relaxé.
Les enseignements de cet arrêt sont fondamentaux : un journal est libre de traiter en une l’information de son choix. Il peut lui donner une importance exagérée, c’est son choix et nul ne peut le lui contester du moment que son enquête est sérieuse et de bonne foi, même quand les faits sont partiellement erronés.