Fin des quotas. A commencer par celui du football. Car désormais, en vertu de la jurisprudence Kolpak, applicable à tous les pays membres de l’Union, plus rien n’interdit à un club de foot (ou de tout autre sport) d’aligner une équipe composée uniquement de joueurs extracommunautaires.
Rien ne prédestinait Maros Kolpak à forcer les portes de l’histoire du sport. C’est pourtant ce qu’a réussi cet obscur gardien de hand slovaque, poussé par les juges de la Cour de justice européenne. Ces derniers, dans un arrêt rendu jeudi, non susceptible d’un appel, lui ont donné raison dans le litige qui l’opposait à la Fédération allemande de handball. La vie et la carrière de Maros Kolpak n’en seront sans doute pas bouleversées. Mais le fonctionnement des sports collectifs européens pourrait l’être.
L’arrêt de la Cour de justice européenne confirme au niveau européen l’arrêt Malaja du nom d’une basketteuse polonaise du Conseil d’Etat français, rendu le 30 décembre (Libération du 18 janvier). Lequel interdit de considérer comme joueur non communautaire, et donc auquel on peut appliquer des quotas, les ressortissants de 24 pays (d’Europe de l’Est et du Maghreb) ayant signé des accords d’association ou de coopération avec l’Union européenne. L’arrêt Kolpak étend cette jurisprudence à tous les pays membres et s’applique non seulement aux sportifs originaires des 24 pays concernés par l’arrêt Malaja mais également à ceux de 77 autres, de la zone Afrique-Caraïbe-Pacifique ayant signé avec l’Union les accords de Cotonou en juin 2000. Avec l’arrêt Malaja, l’Europe du sport allait de Vladivostok à Tamanrasset. Avec l’arrêt Kolpak, elle s’étend de la Côte-d’Ivoire au Vanuatu, du Lesotho à la Jamaïque, du Zimbabwe au Tonga. Entre autres… «Un club de foot français peut désormais aligner cinq Camerounais et six Sénégalais», souligne Michel Pautot, avocat de Lilia Malaja.
Le cas Malaja avait ému les instances du sport français. Du ministre, Jean-François Lamour, à l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), on s’inquiétait de ses conséquences. Notamment sur la formation des jeunes. Sur le thème : quel intérêt à investir dans ce domaine dès lors qu’il est désormais possible d’aller recruter des joueurs sans limitation dans des pays où le footballeur est meilleur marché. Avec la crainte d’un dommage collatéral : l’augmentation du chômage chez les joueurs français.
«Absurde». Conscients qu’ils ne pourraient refuser les conséquences de l’arrêt Malaja mais soucieux d’en limiter les effets, les partenaires sociaux du foot français ont imaginé n’autoriser les clubs à recruter que des joueurs ayant été sélectionnés au moins une fois dans l’équipe nationale de leur pays d’origine. Parade que réfute Michel Pautot : «C’est de la discrimination, contraire à la jurisprudence.»
Avec l’arrêt Kolpak, c’est la Fédération internationale de foot (Fifa) qui s’émeut à son tour de cette dérégulation. Vendredi, on y reconnaissait avoir mis au travail un bataillon de juristes pour étudier les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice européenne qui menace la «stabilité». «On n’a pas envie de voir des équipes avec onze étrangers», dit un porte-parole de l’organisation. Il poursuit : «On appelle tous les acteurs à se pencher sur la formule du 6+5», cette règle qui obligerait à aligner au moins six joueurs sélectionnables dans le pays d’origine du club. Problème : Viviane Reding, commissaire européen chargé des Sports, a déjà affirmé son opposition à cette règle, qu’elle qualifie d’«absurde». Car derrière les arrêts Malaja et Kolpak se pose la question de savoir s’il faut reconnaître une «exception sportive» européenne.
Par Gilles DHERS