Faut pas confondre. Il y a livre et livre. La biographie d’une starlette de 25 ans, écrite par un nègre, va tourner autour de sa formation, ses 25 buts, ses 4X4, ses montres, ses multiples conquêtes: du vide. Le pavé écrit par Joseph-Antoine Bell lui-même, avec ses citations de Corneille (l’auteur, pas le chanteur), Gérard De Nerval ou Churchill, ça vole déjà plus haut que le bling-bling ordinaire.
Dans le hall du Pullmann, on retrouve Joseph-Antoine tel qu’en lui-même. Vingt-six ans après son arrivée à l’OM. Mais tout aussi fringant. « Je suis venu en renfort, au cas où Mandanda serait blessé. » Il se marre, plié en deux en se rémémorant quelques épisodes de l’une de ses nombreuses vies. Celui, par exemple où il avait croisé son président sur un plateau de télé un soir d’élections…
« Je n’ai pas voulu vendre des niaiseries et écrire mon histoire pendant que je jouais, pour surfer sur la victoire de la veille. Achèterons ceux qui en ont envie ou qui se souviennent qu’un type intelligent a peut-être des choses intéressantes à raconter. »
« La cage où on voulait m’enfermer »
Sans fausse modestie, mais sans faute de goût. Et qui dit vrai, car son « Vu de ma cage » est remarquable. 319 pages bien remplies sans remplissage laissent finalement regretter que sa plume ne l’ait pas conduit vers une cinquantaine de feuillets supplémentaires. Mais déjà, le titre n’est pas innocent. Provocateur ? « Ma cage, celle où on voulait me voir rester, parce que je jouais trop loin de ma ligne. C’est aussi celle,où, plus jeune on voulait m’enfermer. »Ce qu’on apprend, en lisant les premiers chapitres, c’est qu’il y a précisément été enfermé au Cameroun pendant son adolescence. Un an et demi de prison préventive pour un délit qu’il n’avait pas commis et que le vrai coupable mettra tout ce temps à avouer.
La cage, c’est aussi celle qui renvoit aux cris de singe et aux bananes déversées par kilos un soir d’OM-Bordeaux, où il était dans « le mauvais camp ». Lui qui a la dent dure et raconte cet épisode, ne veut pas y perdre sa lucidité pour autant. « On ne peut pas résumer le public du Vélodrome à cet épisode, ni à celui où j’ai reçu une pile sur la tête lors d’un OM-Saint-Etienne, où Didier Deschamps avait été le premier à me porter secours. Pour moi, à Marseille plus qu’ailleurs, le foot n’appartient ni aux footballeurs, ni aux dirigeants, mais aux supporters. Celui qui traverse la France pour aller voir l’OM, ce n’est pas pour se battre mais parce qu’il aime le foot et l’OM. Et puis, je n’oublie pas que j’ai toujours ma carte des Ultras, la numéro 6 !
« Mais au niveau d’une équipe nationale, des dirigeants, par incompétence ou malhonnêteté, peuvent nuire à leur pays, en plombant leur équipe. En France, au moins, la coupe du monde 2010 a provoqué un séisme qui a permis le réveil de l’équipe de France. Pas au Cameroun. »
« Je raconte des faits »
Si le livre d’un homme de 56 ans, dont quarante dans le foot, nous replonge évidemment dans le passé, Jo l’a écrit au présent. Et ce qui fait le charme d’un bouquin où on est étonné par la précision de ce qu’il raconte, comme la coupe du monde 1994. Il dit qui a dit quoi, quand et où, avec une acuité d’écrivain. De même, ses démêlés avec Bernard Tapie sont-ils argumentés. « Je ne donne pas mon avis sur les gens, je raconte des faits et quand j’explique que Tapie a fait de mauvaises choses, je ne veux pas oublier qu’il a été un grand dirigeant et que c’est lui qui avait fait de moi le capitaine de l’OM. Au Cameroun, ma personnalité faisait fuir les dirigeants, lui, au contraire m’a donné des responsabilités. Bon, après, si on le démythifie c’est parce que lui-même a trop voulu incarner le mythe de celui qui ne perd jamais. »
« On est le produit de ce qu’on a fait », lâche encore l’ami Jo. À dévorer page après page..