Si quelqu’un sur cette terre connaissait l’homme Pape Diouf, emporté mardi par le coronavirus, bien plus que le dirigeant de l’OM dont chacun se souvient à présent, c’est bien Joseph-Antoine Bell, l’ancien gardien de Marseille et du Cameroun. A 65 ans, vivant désormais à Douala (Cameroun), il a appris avec une infinie tristesse mardi soir la disparition de celui dont il a fait basculer la destinée au milieu des années 80. Bell a accepté pour nous de raconter son « ami » Pape Diouf et une partie de son histoire.
« Quand je suis arrivé à l’OM en 1985, la seule personne que je connaissais était Pape Diouf que j’avais croisé en 1984 lors de la Coupe d’Afrique des Nations qui se déroulait en Côte d’Ivoire. Et, là, en débarquant à Marseille, je retrouve Pape, Noir comme moi, Africain comme moi, avec qui je découvre des affinités tout à fait particulières. Je n’étais pas l’ami du président de l’OM mais ami d’un petit journaliste de La Marseillaise avec qui allait se nouer une amitié que personne ne peut imaginer… On partageait tellement de principes et de convictions tous les deux. »
«Tous les jours après ma sieste, je venais le voir à son bureau»
« Un jour arrive l’aventure du journal Le Sport (NDLR : en septembre 1987), qui devait concurrencer L’Equipe, où Pape s’engage. On lui donne un bureau sur la Canebière et, moi, tous les jours après ma sieste, je venais le voir à son bureau. C’est une époque où le métier d’agent était une profession confidentielle, voire inexistante, et je recevais beaucoup d’appels de jeunes joueurs africains qui me demandaient des conseils. C’était avant les téléphones portables, alors ma femme donnait aux gars le numéro de Pape sachant que j’étais chez lui les après-midi.
Et c’est ainsi qu’est née dans ma tête l’idée de lui proposer de s’occuper de ces joueurs, de les conseiller, aidé par un avocat marseillais, Serge Pautot, pour tous les aspects juridiques. Et comme la providence fait bien les choses, au moment où le journal Le Sport jetait l’éponge, je devais m’engager aux Girondins de Bordeaux. Je dis alors à Pape : viens avec moi, participe à la négociation, il faut que tu sois sur la photo avec Claude Bez et Didier Couécou (les dirigeants bordelais). Et, cette fois, on pouvait vraiment dire que Pape Diouf était devenu agent, mon agent. »
«Son intégrité ne pouvait pas être prise en défaut»
« Ensuite, il a fallu convaincre d’autres joueurs. En 1989 ou 1990, on est partis disputer un match à Dakar où l’on a embarqué Desailly, Omam-Biyik, les deux Boli, Basile et Roger, qui d’ailleurs à cette occasion ont rencontré leurs futures femmes, deux Sénégalaises, etc. Comme Pape faisait correctement son travail, car l’intelligence n’est pas une couleur de peau, il a eu ensuite des joueurs blancs…
On pouvait avoir confiance en lui, les joueurs se rendaient compte que son intégrité ne pouvait pas être prise en défaut. Et, pourtant, il y a des tentations dans ce métier et, exercer dans un club comme l’OM, il y a beaucoup de choses à gérer ! Mais lui n’était pas homme à s’entendre dans le dos du joueur avec les clubs, il avait des principes et des convictions qu’il plaçait au-dessus de tout. »
« Maintenant, il est parti et je suis terriblement malheureux. Je peux raconter ce que m’a confié mon fils aîné, Tonio, mardi, en évoquant avec moi sa disparition. Il a 35 ans aujourd’hui. Pape l’avait porté dans son couffin quand il était bébé à Marseille et il m’a dit : tu sais, papa, si je n’ai jamais fumé de cigarette de ma vie, c’est parce que je n’ai jamais oublié l’odeur du tabac de Pape! Pape Diouf fumait beaucoup et disait d’ailleurs souvent qu’il était prêt à mourir pour une cigarette. Comme il souffrait aussi de diabète, je crois qu’il était malheureusement devenu une proie facile pour le coronavirus. »