L’ancien footballeur professionnel accueille positivement la candidature du président de la Caf et estime qu’elle mérite d’être soutenue.
Le Messager : Le président de la Caf, le Camerounais Issa Hayatou, vient d’annoncer sa candidature à la présidence de la Fifa. Comment réagissez-vous à l’annonce de cette candidature?
Joseph-Antoine Bell : Pour moi c’est un événement. Pour autant, cette candidature n’est pas aussi surprenante que cela; on en parle depuis un certain moment. Pour le Cameroun et pour l’Afrique, c’est une bonne chose. Cela prouve que le monde avance et que les choses changent. Evidemment, l’issue du scrutin n’est pas connue mais, qu’on arrive à cette candidature-là est peut-être la preuve que rien ne nous est plus interdit à nous autres Africains et que nous sommes aussi les premiers responsables de ce changement. Si Hayatou est candidat, c’est qu’il a senti qu’il pouvait le faire. Nous avons aujourd’hui la force et le courage d’exprimer nos convictions et nos ambitions. Je ne peux qu’approuver cette candidature.
L.M : A-t-il des chances face à Sepp Blatter qui est tout de même le président sortant?
J.A.B : On ne peut pas oublier qu’il s’agit d’une élection et une élection par un collège d’électeurs, c’est-à-dire des gens qui sont connus. Il me semble que pour qu’il se lance, Issa Hayatou a dû prendre certaines garanties auprès des électeurs. Mais on ne peut pas non plus oublier que Sepp Blatter est un vieux de la vieille à la Fifa, qu’il connaît tout le monde et les règlements sur le bout de doigts. Probablement aussi, il a la prime du sortant, parce qu’il savait qu’il serait candidat, alors que Hayatou s’il le savait, n’a pas donné l’impression de le savoir. Ce qui veut dire aussi que les électeurs ne le savaient probablement pas. Donc il peut y avoir des gens qui ont donné auparavant leur assurance à Blatter de voter pour lui et qui répondront avec raison à Hayatou qu’ils ne savaient pas qu’il serait candidat. En tout cas, restons sur le fait qu’il est candidat. Quant aux chances, il a ses chances. Je suis sportif, je ne sous-estime jamais l’adversaire. Et en l’espèce, je pense que l’adversaire d’Hayatou est un adversaire coriace qui a beaucoup d’atouts pour lui.
L.M : Que valent les promesses faites ici et là aux candidats de voter pour eux. Celles de Johansson par exemple qui promet à Hayatou le soutien de l’Uefa et de l’Europe du football?
J.A.B : Les promesses ne valent que ce que valent les hommes eux-mêmes. Le soutien de Johansson ne doit pas nous flatter, nous qui serions derrière Hayatou et nous dire que l’Uefa est derrière Issa Hayatou. Johansson représente l’Uefa quand il s’agit de signer quelque chose. Mais, ce n’est pas l’Uefa en tant que telle qui vote, ce sont les fédérations européennes, un peu comme les fédérations africaines avaient voté il y a quatre ans. Et, on sait très bien qu’elles n’avaient pas voté comme un seul homme. On ne serait plus en démocratie si on le faisait. Le système ne fait pas que l’Uefa ait une voix, mais plutôt une quarantaine ou une cinquantaine de voix. C’est pareil pour l’Afrique pas une seule voix mais 52 et celles-ci ne peuvent pas toutes aller d’un seul côté, sinon on entrerait en plein dans la féodalité, dénoncée dans certaines autres élections comme à la Fécafoot où on voit des provinces entières arriver pour voter un seul et même candidat à l’unisson. En plus, l’Europe c’est des pays rompus au jeu démocratique et qui ont des intérêts divergents. A mon sens, si nous devons nous compter avant d’aller aux élections, nous ne devrions pas compter le soutien de Johansson comme étant celui de l’Uefa. Il ne sera le soutien de l’Uefa qu’après les élections. Une fois qu’Hayatou aura été élu président de la Fifa, Johansson ayant la signature de l’Uefa, approuverait les démarches ou ses projets. Et je pense que le président Hayatou le sait très bien, il a une expérience suffisante pour pouvoir faire sa campagne directement et personnellement vers les pays européens et non pas en comptant seulement sur l’Uefa. Il n’a qu’à voir l’Afrique qui est plus docile et moins démocratique que l’Europe ne l’avait déjà pas suivi comme un seul homme.
L.M : Justement, cette fois-ci, on parle encore de défections. Le président de la Fédération de Mauritanie a déjà annoncé son choix pour Blatter. Trois ou quatre autres pourraient le suivre. Pourquoi Hayatou ne fait-il pas le plein de voix en Afrique alors que son bilan à la Caf est présenté comme bénéfique pour le football africain?
J.A.B : Le bilan, c’est un autre débat. A mon avis, nous devrions être heureux que l’Afrique ne vote pas comme un seul homme, autrement, nous serions dans les féodalités que j’évoquais tout à l’heure. Moi je pense que le fait qu’il y ait des Africains qui aient le courage de dire “moi je vais voter quelqu’un d’autre, j’ai ma propre idée sur la question” est la preuve que sur le plan démocratique, nous avancions. Nous devrions nous en réjouir. De la même façon, nous irons chercher des voix en Europe parce qu’elles n’iront pas toutes à Blatter. C’est une preuve de vitalité démocratique.
L.M : Si Hayatou était élu qu’est-ce qu’il apporterait à la Fifa et au football mondial?
J.A.B : Je n’ai pas discuté avec lui avant qu’il ne soit candidat. Par conséquent, je ne peux pas exprimer de position réellement profonde. Ma position est affective. Je souhaite de tout mon coeur qu’il soit élu parce que je sais que cela nous fera plaisir, mais je ne peux pas dire avant lui-même ce qu’il pourrait apporter. En annonçant sa candidature, il n’a pas développé son programme. Au moins sur le plan des relations Nord-Sud, son élection sera une bonne chose. A ce titre, je pense que sa candidature doit être soutenue et je souhaite qu’il soit élu.