Lors d’une conférence de presse jeudi à Douala et d’une soirée dédicace à Yaoundé vendredi, le journaliste et ex Dg de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) présente « Desperate football house », un brûlot sur l’institution qu’il a dirigé pendant six mois.
D’abord la couverture. L’auteur choisit un fond totalement noir. « Desperate football house », le nom du bouquin est écrit en blanc avec des lettres dont le bas de pied dégouline comme des flammes. Sous le titre, une phrase, courte certes, mais qui annonce les couleurs : « six mois dans l’enfer de la Fécafoot ». Cerise sur le gâteau, le logo de la Fécafoot au bas de la couverture. A l’intérieur du logo, un crâne posé sur deux os croisés (symbole de la mort). Le titre du livre rappelle « Desperate wife house », une série télévisée qui a fait des émules sur la chaine française Canal + Horizons.
Ensuite, la forme. 425 pages, dont 100 pages d’annexes (excusez du peu). Les documents en annexe représentent des facs simulés, des photocopies de correspondances, des chèques, des coupures de presse, etc. Les 425 pages sont reparties sur cinq parties étalées sur 43 chapitres. Les titres des chapitres sont des courtes phrases fortes et qui ne fait mystère de la dénonciation qui va s’en suivre. Extraits : « de l’olympe au pilori », « la maison hantée », « combines en stocks », « un monstre dans le tour », « le roi du pétrole brut », « pleure ô foot bien aimée », « liaisons dangereuses », « le démon en nœud papillon », « canardages en séries », « petits arrangements entre amis », « l’artiste du double je », etc.
« Descente aux enfers »
Enfin, le fond. Avec un style alerte, vif et agréable, Jean Lambert raconte sa « descente aux enfers ». L’auteur raconte le contexte de son recrutement. Bien qu’ayant reçu la bénédiction de Iya Mohammed, Nang, qui apprend-t-on, jouit d’un salaire mensuel de 2 millions sera difficilement accepté à la Fécafoot. Tous ses collaborateurs reçoivent une volée de bois verts : Abdouraman Ahmadou, le chef du département de la communication, Thérèse Manguelé, qui faisait office de Dg depuis le départ de Patrick Prêcheur, David Mayébi, conseiller spécial du président de la Fécafoot, Jean Réné Atangana Mballa, ex Sg de la Fécafot, etc. Pour chacun, une anecdote salace accompagne ces membres de la Fécafoot. Les administrateurs, qu’on présente comme des « élus » bénéficient eux aussi des histoires fabuleuses. Les confrères nommément cités (les confrères de la presse sportive de Yaoundé surtout) complètent ce tableau, accusés qu’ils sont d’être des suppôts de ses détracteurs et de l’avoir diffamé à longueur de journée dans leur média, reçoivent eux aussi, des critiques au vitriol.
Au finish, on ressort de la lecture de « Desperate football house », avec le sentiment d’avoir de connaitre un peu plus le fonctionnement de la Fécafoot et Jean-Lambert qualifie de « maison hantée ». On apprend aussi que «tous ceux qui jusqu’ici se faisaient passer pour les critiques les plus féroces de la Fécafoot, apparaissent à la lumière des faits décrits dans cet ouvrage, comme de complaisants complices. La réalité a dépassé toute fiction ! », S’est exclamé Bell Joseph Antoine, ancien Lion indomptable. Jean Lambert Nang, bien évidemment, se présente comme victime de toutes les manigances du personnel dans ce bouquin. Une situation qui a arraché cette boutade d’un confrère : «Nang a contribué à construire un monstre. Et pourquoi s’emporte-t-il lorsque le monstre se retourne contre lui » ?
Règlement de compte ?
A la question de savoir s’il ne s’agit donc pas d’un règlement de compte, Nang rétorque, goguenard : « Je vais régler des comptes contre qui ? Je n’ai pas de compte à régler. Si j’avais à le faire, je devais le faire à l’épée le jour où on m’a limogé car je l’ai trouvé excessif et inique. Ce qui est dommage ce que sur un sujet aussi passionnant que le football camerounais, il n’y ait personne pour écrire, il fallait que moi qui ait vu la Fécafoot de l’extérieur et de l’intérieur écrive pour faire bouger les lignes. Je me suis dit, je me jette à l’eau en espérant que d’autres suivront », avance l’ancien journaliste de la télévision nationale. Mais au regard des mots crus qui frisent l’insulte dans ce livre et du nombre incalculable de personnes épinglées dans le livre, il ne serait pas étonnant que l’affaire rebondisse. Et peut-être même devant les tribunaux ! L’ancien Dg de la Fécafoot, lui, se dit serein : « Lorsqu’on écrit un livre et non un roman (précise-t-il), c’est par conviction. Et donc, je suis prêt à apporter les preuves de ce que j’affirme. Je suis paré à toutes les éventualités. Je n’ai rien pris à personne. »
Mais comment que Jean Lambert Nang a-t-il connu un si bref passage là où tout le monde pensait qu’il avait trouvé chaussure à ses pied. Joseph Antoine Bell, ancien Lion indomptable, connu également pour son franc-parler, et qui a préfacé le livre tente une explication au passage éphémère de Jean Lambert à la Fécafoot : « L’enquêteur se fait démiurge. A ce prix, l’on découvre une bien bonne : la notion de tribu n’est pas à prendre ici au premier degré car, ce qui est à l’œuvre, c’est la force unificatrice de l’argent, laquelle crée une tribu nationale unique. L’oligarchie compradore. La seule qui règne, la seule qui compte, la seule à laquelle il faut appartenir au risque de dépérir…Jean Lambert Nang ne l’a-t-il pas appris à ses dépens ? », interroge Joseph Antoine Bell dans sa préface.
L’auteur
Jean Lambert Nang est journaliste principal et éditorialiste. Ancien rédacteur en chef des sports à la télévision nationale où il a travaillé de 1985 à 2006, il est un personnage emblématique de la scène sportive camerounaise autant que de son paysage audio visuel. Il a été de toutes les grandes belles campagnes des Lions indomptables en coupes d’Afrique et en coupes du monde, de 1990 à 2004. Nommé par la suite directeur général de la Fédération camerounaise de football, en août 2006, il n’y a passé que six mois. Motif : fautes lourdes. C’est donc pour laver son « honneur trainé dans la boue et lever toute équivoque car d’aucuns seraient tentés de croire que j’ai détourné de l’argent car il n’en rien de tout cela ». A-t-il convaincu ? Chacun pourrait se faire une religion à la lecture de ce livre sur une institution qui déchaine une foule de passions chez les fans des Lions indomptables du Cameroun.
Eric Roland Kongou, à Douala
Repères
–Nom du livre : «Desperate football house »
–Auteur : Jean-Lambert Nang
–Préface : Joseph Antoine Bell
–Editeur : édition inter press (Yaoundé-Cameroun)
245 pages
–Prix : 10 000 frs