Interviewé par nos confrères de Cameroon tribune qui ont effectué le déplacement de Montaigu, l’inoubliable arbitre qui a sifflé le match Cameroun-Argentine au Mondial 1990 en Italie, revisite les belles pages de cette confrontation épique pour laquelle il n’a aucun regret.
Le 8 juin 1990 au Stade Giuseppe Meazza de Milan, c’est le match d’ouverture de la Coupe du monde de football. Les Argentins jouent les intimidateurs dès la phase d’échauffement avec un Diego Maradona, alors considéré comme le meilleur joueur du monde, effectuant des jongleries avec le ballon sur la pelouse. Auparavant, les «Albiceleste » ont promis de filer une corbeille de buts à ces curieux Africains sortis de nulle part. Loin de céder à la panique, les Camerounais affichent une concentration, une détermination et une rage de vaincre qui vont s’illustrer tout le long de la partie remportée de haute lutte sur le score de 1-0 malgré une infériorité numérique de 9 contre 11. Au sifflet, un certain Michel Vautrot, l’homme qui donna deux cartons rouges aux Lions indomptables. Ses victimes ? Benjamin Massing et André Kana Biyick.
L’arbitrage comme outil social
Il a aujourd’hui 72 ans dont 45 dans l’arbitrage. Et il reste dans la mémoire collective, le seul arbitre français qui a arbitré une finale de championnat d’Europe, en 1988, une finale de C1 en 1986, une finale de Coupe de l’Uefa, une autre intercontinentale à Tokyo et cinq finales de Coupe de France. Il a même été l’homme au sifflet de la finale de l’Euro qui se déroulait en Allemagne, à Munich, en 1988 entre les Pays Bas et l’Union Soviétique (2-0 pour les Pays Bas). Présenté comme l’arbitre français le plus capé, l’ancien patron de la Direction technique nationale de l’arbitrage français (Dtna), est devenu une légende dans son domaine. Car au-delà de la passion, l’homme a fait de l’arbitrage un outil social dans le sillage du programme de l’Uefa pour le développement au niveau mondial des petites fédérations. 27 ans après, l’ancien arbitre a retrouvé Roger Milla, qui faisait partie de l’expédition italienne, à l’occasion du Mondial de football de Montaigu organisé il y’a une semaine en France. L’occasion de partager des souvenirs, et de revenir, avec nos confrères de Cameroon tribune sur cette rencontre mémorable.
Mental fort dans l’action
Interrogé sur ce fameux match, celui qu’on a surnommé « Michel le méchant » jure avoir gardé chaque seconde de ces 90 minutes émouvants dans un coin de son esprit. Indélébile, le souvenir lui est resté comme une tâche rebelle. « Je n’ai pas oublié ce match en Italie où Roger Milla était entré en cours de jeu. Je sais que ce jour, j’avais dit à Roger Milla, tu devrais me remercier parce que vous avez réussi non seulement l’exploit du siècle à 9 contre 11, mais celui du football avec le Cameroun qui gagne devant l’Argentine du grand Maradona. Les joueurs camerounais me mettaient la pression ce jour là. Pour moi, ce n’était pas évident parce qu’il fallait garder cette neutralité. Quand il y a un match d’ouverture, la Fifa nous demande de donner l’exemple pour toute la compétition. Je n’ai aucun regret. Peut-être que dans un match « normal », il n’y aurait pas eu deux cartons rouges. Mais, c’était une application stricte du règlement pour donner le « la » de la compétition. Cela aurait été une équipe autre que le Cameroun que ça aurait été pareil. Quand on est jeune arbitre, on se pose des questions. Quand on est vieux, on se remet en question. Très honnêtement, quand on est dans l’action, on essaie d’avoir un mental fort. On ne se préoccupe ni de l’environnement, ni de ce que l’on pourra dire. Il y a le doute en permanence », confie-t-il.
C.D.