Scénario totalement imprévisible et cruel lors du match des quarts de finale du tournoi de football. A deux minutes du coup de sifflet final, la sélection olympique de la Côte d’Ivoire menait par 2-1 face à celle de l’Espagne et avait déjà les regards tournés vers l’étape décisive des demi-finales. C’était rêver un peu trop vite comme l’a prouvé la suite d’un scénario impitoyable. Une équipe qui est sur le point de gagner et qui se fait rattraper et punir in extrémis, il faut le faire ! Pour une fois on n’accusera pas les arbitres ni la roublardise de certains joueurs d’en face.
Auteur du deuxième but ivoirien, le capitaine Max-Alain Gradel et ses coéquipiers n’auront qu’à s’en prendre à eux-mêmes pour avoir donné à l’adversaire le bâton pour les fouetter.
Trois cadeaux offerts généreusement, soit deux passes à l’adversaire et une main dans la surface auront permis à une équipe espagnole au bord du gouffre et dans laquelle on retrouvait plusieurs joueurs de l’EURO 2020, de sortir la tête de l’eau et de continuer la course vers l’or.
Le résultat final (qui ne reflète pas une quelconque domination espagnole) ne peut surprendre que des naïfs. C’est hélas, la traduction d’une certaine faiblesse des équipes africaines en compétition internationale.
Après la Coupe du monde de 2018 en Russie, nous avions dans ces mêmes colonnes, fait l’autopsie de la participation de l’Afrique aux tournois de dimension mondiale pour relever des manquements qui se résument en trois principales lacunes : déficit de maturité tactique, manque de rigueur et de discipline en défense, fragilité au niveau mental.
Comme le Cameroun en 1990 face à l’Angleterre, le Sénégal en 2002 face à la Turquie, le Ghana en 2010 face à l’Uruguay, le Nigeria en 2018 face à l’Argentine, il a toujours manqué un petit quelque chose aux équipes africaines pour se projeter vers l’avant, pour valider et conclure un exploit pourtant largement à leur portée. Même lorsqu’ils mènent au score ou dominent les débats, les Africains ne semblent jamais totalement convaincus de tenir le bon bout. Peu confiants en eux-mêmes lors des moments décisifs, ils ont souvent tendance à verser dans la facilité, à se laisser aller, à se déconcentrer avec un brin de fatalisme. Résultat : pertes de balle, renvois dans l’axe, laxisme au marquage, etc.
Leçons utiles
Ce n’est donc pas le talent qui manque. Les joueurs africains en ont à revendre et en abusent même (dribbles et autres gestes inutiles) mais ils ne savent pas s’organiser tactiquement pour tenir un résultat. A deux minutes de la fin, il ne servait à rien aux Ivoiriens de laisser le ballon à l’adversaire pour se recroqueviller en défense face à une attaque virevoltante qui sait exploiter le moindre espace. Alors que les Africains avaient déjà la tête ailleurs, les Européens croyaient toujours en leurs chances et ont mis à profit les 5 minutes du temps additionnel (excessifs diront certains) pour bousculer le destin. Au bord de l’élimination, les Espagnols ont cru jusqu’au bout avant de l’emporter largement (5 buts à 2) alors que les Ivoiriens qui étaient toujours en avance au score se sont effondrés littéralement après avoir encaissé le troisième but sur pénalty.
Comme d’autres Africains avant eux, les joueurs ivoiriens et leur entraineur regretteront amèrement cette déculottée. Ils s’en voudront après un brillant parcours marqué par l’élimination de l’Allemagne, d’avoir laissé filer la chance historique de battre l’un des cadors du football mondial. On peut se consoler tout de même que l’Afrique a déjà remporté deux médailles d’or olympiques en football avec le Nigeria (1994) et le Cameroun (2000) mais c’est une autre histoire. Il reste à espérer que cette énième déconvenue serve de leçon aux futurs représentants de l’Afrique lors des prochaines échéances. En commençant par la Coupe du monde 2022 au Qatar.
Jean Marie NZEKOUE
Editorialiste, chroniqueur sportif, auteur de « L’aventure mondiale du football africain » (2010)