Les engueulades du président de la Fédération camerounaise de football, Iya Mohammed avec certains acteurs du football camerounais ne sont décidément pas prêts de s’arrêter. Après le dernier clash qui l’a apposé à son vice-président David Mayebi, fin mai dernier à Yaoundé au cours d’une assemblée générale de la Fécafoot, il vient à nouveau de se chamailler avec Roger Milla, président d’honneur de la fédération et ambassadeur itinérant à la présidence de la République.
La scène de cette autre querelle ne prêtait pourtant pas à pareille bassesse : les services du Premier ministre. Iya et Milla se sont traité de tous les noms d’oiseaux, devant le Premier ministre, Philemon Yang, éberlué, et le ministre des Sports, Michel Zoah, sans voix. Quelques happy few qui ont assisté à cette scène rocambolesque n’en reviennent toujours pas, surpris par la violence verbale remarquable dont chacun des protagonistes a fait montre.
Selon nos sources, les faits ont eu lieu lundi après-midi dans le cabinet du Premier ministre. Philemon Yang convoque une réunion sur la relance du football camerounais. Sont présents, le ministre des Sports, Michel Zoah, l’ambassadeur itinérant, Roger Milla, le président de la Fécafoot, Iya Mohammed et quelques proches collaborateurs du Premier ministre.
Dès l’entame de cette concertation, Philemon Yang salue la qualification des Espoirs camerounais pour les Jeux africains, une victoire des Lionceaux qui arrive, selon le Pm, comme une petite lueur dans la longue nuit que semble traverser le football camerounais. Il se réjouit aussi de la participation prochaine des Lions Indomptables juniors à la Coupe du Monde en Colombie. Autant d’acquis qu’il faut préserver, suggère Philemon Yang, tout en continuant les réformes institutionnelles entreprises par le ministre des Sports. Le Premier ministre ajoute que dans la phase de reconstruction actuelle, il faut en communiquer le calendrier aux Camerounais, afin qu’ils n’aient pas le sentiment que la mauvaise passe s’éternise.
Toutefois, Philemon Yang regrette que le football des clubs soit négligé au Cameroun. Il affirme être un grand amateur de football, même s’il ne se rend plus au stade, parce qu’il n’y a pratiquement plus rien à voir. Et souhaite que les clubs camerounais recommencent à s’illustrer sur la scène africaine.
C’est à ce moment que la parole est passée au ministre de Sports qui affirme que le football camerounais va connaître son renouveau avec la mise en place de la ligue professionnelle de football et l’entrée en vigueur de la charte des sports dont des dispositions pertinentes vont permettre le financement du sport, la construction des infrastructures, etc. Il précise que le ministère des Sports va mettre plus de 300 millions de francs Cfa pour le fonctionnement de la ligue.
« Je t’aime, moi non plus »
La parole est alors passée à Iya Mohammed qui commence par saluer les efforts du gouvernement avant de suggérer au ministre des Sports d’aller plus loin. Comme pour se défendre de la baisse d’engouement et du niveau du football des clubs, le président de la Fécafoot fait quelques comparaisons : le Tp Mazembé a un budget de plus de 4 milliards de francs Cfa, rien à voir avec Coton sport, le meilleur club camerounais, qui se débrouille avec à peine 600 millions. Iya Mohammed suggère alors que les 300 millions de francs Cfa du ministre des Sports soient multipliés par deux ou par trois.
Pendant que Iya Mohammed s’exprime, Roger Milla ne tient plus en place. Il n’approuve point les propos du président de la Fécafoot. Pour l’ambassadeur itinérant, le problème du football n’est pas le manque de moyens, mais l’incompétence de ses dirigeants, au demeurant corrompus. Ils suggèrent que toutes ces personnes démissionnent. Avec la fougue qu’on lui connaît, Roger Milla ajoute que Iya Mohammed veut qu’on lui donne de l’argent pour qu’il aille se le partager avec ses sbires comme d’habitude. « Tout ce que vous avez déjà eu, qu’en avez-vous fait ? », s’interroge l’ancien internationale camerounais. Pour Roger Milla, le football camerounais est mal géré par l’équipe dirigeante actuelle de la Fécafoot.
La colère de Iya Mohammed monte. Jusqu’à son paroxysme. Cet homme si souvent flegmatique, peu bavard et peut-être timide, sort de ses gongs. « Pour qui tu te prends ? », demande-t-il à Milla, qui ne se laisse pas non plus démonter. S’ensuivent une passe d’arme et des échanges peu courtois que nous ne reprendrons pas ici. Sans même faire attention au Premier ministre et au ministre des Sports qui les regardent, Iya et Milla se défoulent. La violence des mots est inouïe au point que le Premier ministre met fin à ce qui aurait dû être un simple échange sur la relance du football camerounais.
Joint au téléphone hier, Roger Milla n’a pas nié les faits alors que Iya Mohammed, lui, s’est contenté de dire qu’il y a eu, au cours de cette réunion, juste « des divergences sur certains points ». Le président de la Fécafoot a ensuite quitté le Cameroun peu après l’incident.
Ce clash entre Iya et Milla n’est pas le premier. Une querelle précédente s’était achevée après une réconciliation sous les auspices du ministre des Sports. Depuis quelques jours, les deux hommes se regardent en chiens de faïence. Entre eux, c’est en permanence du « je t’aime, moi non plus ».
Jean-Bruno Tagne