L’ancien champion camerounais de 800 mètres veut s’asseoir au sommet de la tour de Zurich qui sert de siège à la FIFA, la Fédération internationale de football. Après avoir survolé toutes les marches du football africain, il mise sur un vote contestataire.
Déboulonner l’indéboulonnable. S’attaquer à la statue érodée de Sepp Blatter. Imposer un dirigeant africain au football mondial. Voilà la gageure de Issa Hayatou, actuel patron de la CAF (Confédération africaine de football) et candidat au poste de président de la FIFA depuis le 16 mars dernier, au sortir d’une réunion tenue au Caire. C’est le 29 mai à Séoul, en Corée, que Hayatou et le président sortant Blatter se chamailleront pour les voix des 200 représentants des fédérations nationales de football.
L’Afrique, qui rêve toujours d’abriter un « mundial », pourra-t-elle s’enorgueillir d’avoir engendré un président de FIFA ? L’enfant de Lamido saura-t-il terrasser le vieux briscard qu’est le Suisse Blatter ?
Pour convaincre avant de vaincre, le challenger camerounais brandit ses états de service en Afrique : » J’ai pu moderniser la CAF ; je vais mettre ma longue expérience au service de la FIFA… Je vais instaurer le changement. » Des allures de langue de bois, mais ne s’agit-il pas d’être le « moins mal », autant que le meilleur ? Car des grincements de dents accompagnent la candidature suisse. On déblatère sur Blatter…
Hay’atouts
Les atouts d’Hayatou résideraient donc dans les faiblesses de son adversaire. Le président sortant de la FIFA est mêlé à une affaire de corruption. Farah Addo, le président de la Fédération somalienne de football, l’accusait récemment d’avoir acheté des voix, avant son élection, il y a quatre ans. Blatter n’arrive pas à justifier l’opacité des comptes de la FIFA, avec des pertes qui pourraient atteindre 300 millions de dollars. Il porte à son passif la faillite de ISL-ISMM, la société qui assurait le marketing des événements de la fédération internationale.
Face à lui, candide, Hayatou prône le retour de » l’amitié à la FIFA « . Magistral comme la statue du Commandeur, il oppose aux anciennes méthodes l’éthique et la « formation morale » qu’il tient de son enfance. Né dans les sables chauds du Sahel nord camerounais, Issa a été élevé suivant la rigueur propre à l’Islam. Très tôt, il imprime sa marque au sport camerounais en détenant pendant dix ans – de 1970 à 1980 – le record national du 800 mètres. En pleine gloire, il décroche, à l’Institut national de la jeunesse et des sports, un diplôme d’enseignant d’éducation physique et sportive. Son aventure dans la gestion du football commence en 1974, quand il est élu secrétaire général de la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT). Dix ans plus tard, il en devient le président. Surfant sur la popularité du foot camerounais, il prend, en 1988, la tête de la CAF. Sa fierté après 14 ans : avoir fait passer de 2 à 5 le nombre de représentants du continent à la Coupe du monde.
Course de fond
Coopté à la vice-présidence de la FIFA depuis 1992, membre de la commission sports et jeunes de cette fédération depuis 1996 et du Comité international olympique, le premier Africain à briguer la présidence de la FIFA collectionne les soutiens. Celui de l’UEFA, l’Union européenne de football, dont le président Lennart Johansson, battu il y a quatre ans, est un revanchard rival de Blatter. Logiquement, Hayatou bénéficie du soutien de la CAF qui lui a accordé son appui de principe, même si les présidents de quelques fédérations nationales disent devoir voter pour Blatter. Point d’ancrage de la candidature de Issa Hayatou en Asie : la Corée qui s’est prononcée en sa faveur, notamment en venant le soutenir au Caire.
Le tableau n’est pourtant pas angélique sous tous les angles. Et les critiques les plus douloureuses, comme de bien entendu, viennent d’abord du Cameroun natal d’Issa Hayatou. Des analystes du football camerounais lui reprochent de n’avoir pas suffisamment travaillé pour le développement du football local en Afrique. La décision de faire coïncider les coupes d’Afrique des nations avec les coupes du monde serait, de même, un bien mauvais calcul.
Mais, comme en 1988 où il était donné perdant face au Togolais Foly Ekue dans la course pour la présidence de la CAF, Issa Hayatou affirme qu’il jouera de ses qualités de coureur de fond, pour prendre Blatter… de vitesse. Bien sûr, on n’apprend pas à un vieux singe de 66 ans à faire la grimace. Le Suisse, déjà porté en triomphe par des stars footballistiques comme Beckenbauer ou Platini, espère bien faire un remake du lièvre et de la tortue. Mais dans les contes africains, c’est le lièvre qui est toujours le plus malin.