Pointé d’être la tête de proue de certaines pratiques peu orthodoxes au sein de la tanière, nous avons rencontré le Team Manager des lions Indomptables. Il se dit être victime de harcèlement et de chantage depuis quelques temps et veut faire la lumière sur « l’affaire Toko Ekambi », sur ses rapports avec le sélectionneur Hugo Broos ainsi que de ses perspectives. Il veut que soit su le chantage dont il est parfois victime de la part de certains hommes de média. Entretien…
Quelle première réaction suite à la victoire des Lions indomptables samedi denier face aux Fennecs d’Algérie (2-0) ?
Je pense que cette victoire nous a fait grandement plaisir. C’est un bol d’air pour la sélection nationale et le staff ; mais aussi un honneur et une grande satisfaction pour le public qui avait hâte de revoir les Lions victorieux. Je profite de cette tribune que vous m’accordez, pour ce public qui a soutenu l’équipe jusqu’au bout. Le standing ovation accordé aux joueurs à la fin de la rencontre, témoigne de la synergie que les fans vouent à cette équipe malgré l’élimination du Cameroun de la Coupe du monde 2018.
Le deuxième buteur s’appelle Frantz Pangop, attaquant évoluant dans les rangs de l’Union Sportive de Douala, une équipe du championnat local. Est-ce que la performance de ce joueur vous a particulièrement convaincu ?
C’est vrai que je suis content pour ce jeune joueur qui a du talent et qui est voué à un bel avenir. Vous ne l’avez peut être vu jouer que pendant les quelques dix minutes qui lui ont été accordé par le coach samedi dernier. Mais si vous l’avez vu aux entraînements pendant la semaine et même pendant les deux semaines consacrées à la double confrontation contre le Nigeria, vous comprendrez qu’il vaut dix fois plus que ce qu’il a démontré samedi. Il s’est distingué par le travail et a frappé dans l’œil du coach et je pense que c’est au regard de toutes ces belles choses qu’il a montré pendant les séances d’entraînement que le sélectionneur a décidé de l’aligner. Pour la petite histoire, il a été convoqué pour pallier à l’indisponibilité de Karl Toko Ekambi pour les deux derniers matches contre le Nigeria. C’est Rigobert Song qui, sollicité par Hugo Broos pour trouver un remplaçant à Toko, a proposé Pangop. Dieu merci, il a été aligné et s’est démarqué de fort belle manière. C’est tant mieux pour sa carrière. Le coach a d’ailleurs confié l’autre jour en conférence de presse qu’il avait besoin des joueurs de cet acabit qu’il va pouvoir préparer, contribuer à son intégration et son acclimatation au sein du groupe avant de le « lâcher dans l’arène ».
Le cas Karl Toko Ekambi dont le nom ne figure pas dans la liste des 23 Lions retenus pour affronter l’Algérie, a fait couler beaucoup d’encre et de salive non sans créer une vive polémique au sein de la presse. Que s’est-il réellement passé pour que votre nom soit associé à ce scandale ?
« Scandale » est un bien gros mot quoique la tournure qu’a prise l’affaire s’apparente justement à un scandale que je trouve inutile et inopportun. Je pense sincèrement que les camerounais ignorent les missions dévolues à un Team Manager au sein d’une sélection nationale. Je le dis parce que, à écouter les gens parler de cette fonction, on a l’impression qu’il y’a trop d’amalgames et de confusion de rôles qui nous conduisent dans des situations comme celle que nous vivons aujourd’hui. Des accusations gratuites et infondées, des procès d’intention, des à priori et toutes les conséquences que cela peut charrier. Je suis le Team Manager de l’équipe ; je n’en suis pas le sélectionneur ou son adjoint. J’assume tout ce qui est administratif. Tout ce qui a trait au volet technique ne me concerne pas. Le coach l’a dit et l’a réitéré : c’est lui le seul et l’unique garant de ses choix, le patron de cette sélection. Pour ceux qui en savent quelque chose, c’est un monsieur rigoureux et presque inflexible lorsqu’il s’agit de faire le job pour lequel il a été recruté. Il n’est pas du genre à céder au chantage ou au trafic d’influence que certains esprits mal intentionnés tentent de lui imposer. Vous savez, nous sommes tenus par les délais Fifa. Au départ, le sélectionneur fait une pré-liste de 28 joueurs, la dépose à la Fédération Camerounaise de Football qui se charge de faire les convocations que j’achemine par la suite dans les clubs et aux joueurs concernés. Maintenant, lorsque la liste des 23 est arrêtée, je me charge à nouveau à informer le joueur de sa sélection ou non. C’est la même démarche que j’ai adopté avec Karl Toko Ekambi dont le nom ne figurait pas dans cette pré-liste. J’ai tenté de le joindre sans succès et c’est par l’entremise d’Adolphe Teikeu que j’ai passé l’information. Visiblement courroucé par n’avoir pas été retenu, il m’a demandé de dire au sélectionneur que ce n’est plus la peine de le convoquer parce qu’il n’est pas un objet. J’ai gardé cette réponse pour moi parce que je trouvais normale une telle réaction. Mais, confronté à l’indisponibilité de Choupo Moting dont le club a déclaré la blessure après avoir reçu la convocation, Hugo Broos me demande de rappeler Toko qui m’a jadis signifié son refus d’être convoqué en sélection. C’est alors que je me vois obligé de répercuter la réaction du joueur au coach qui l’a simplement annoncé en conférence de presse.
Si les choses se sont passées aussi simplement, d’où vient-il que l’affaire fasse un tel tollé aujourd’hui ?
C’est pour la simple raison que l’un de vos confrère journaliste a envenimé l’affaire, il a mis de l’huile sur du feu je ne sais pour quelle raison. Il a appelé le joueur pour lui demander de réagir, l’inciter à mettre en doute les propos du coach au point où la conversation privée que j’ai eu avec le concerné sur WhatsApp se retrouve sur la place publique. Maintenant, si on veut profiter de cette situation pour dire et insinuer du n’importe quoi, je dis non. Il y’a trois jours, j’ai regardé une émission télévisé sur une chaîne locale et mon image passait en boucle comme celui d’un fugitif recherché. Le présentateur et ses invités m’ont peint comme l’instigateur du marchandage des places au sein de la sélection, l’homme qui a installé les comptoirs dans la tanière. Et ça, je ne l’accepte pas parce que j’ai été un footballeur et un modèle pendant toute ma carrière. Mon rôle c’est de protéger les joueurs et non de les livrer à la vindicte populaire. Je travaille dur pour gagner mon pain quotidien et je ne souhaiterais pas que de telles salissures soient portées sur ma personne. Votre rôle à vous, journalistes, c’est de donner la bonne information et non de la biaiser pour des fins inavouées. Je ne tolère pas qu’on en vienne aujourd’hui à faire des déclarations mensongères sur ma fonction et sur ma personne. C’est mon image qui est ainsi écornée ; ce que je trouve totalement inacceptable.
Comment vous croire lorsque la thèse d’achats de place et de mercantilisme au sein de cette sélection devient de plus en plus persistante ?
Je mets n’importe quel joueur au défi ; qu’il vienne dire que le Team manager m’a demandé tel ou tel montant pour me faire convoquer en sélection nationale. S’ils sont 5, 10, 20 ou 30, qu’ils le disent haut et fort s’ils estiment que je suis à l’origine d’un tel scandale. Personne ne leur fera quoi que ce soit. Posez la question aux joueurs ; demandez-leur comment se passe les convocations et ils vous diront si c’est moi ou le sélectionneur qui en est le garant. J’ai été joueur ; je sais à quoi sont souvent soumis ces footballeurs à qui certains de vos confrères rackettent pour soi disant les faire convoquer en équipe A. Par le passé, cette vilaine pratique a prospéré et plusieurs joueurs ont été ainsi floués. Mais, depuis mon arrivée, j’ai mis fin à cela ; ça n’existe plus. J’ai verrouillé les accès et ça dérange certains qui disent qu’ils n’arrivent plus à manger. Faites une enquête et vous vous en rendrez compte. Ils sont désormais sensibilisés. Je suis surpris d’écouter des tas d’insanités sur mon sujet, au motif que je serais à l’origine d’une mafia bien huilée au sein de cette sélection. Croyez-moi, vos confrères qui sont les instigateurs d’une telle cabale, rendront compte à la Justice. J’ai saisi il y’a peu, le Conseil national de la Communication pour dénoncer les auteurs de cette campagne de salissure et ils seront punis pour avoir tenté de porter atteinte à mon honneur.
Vous faites le procès de la presse alors même que l’une de ses missions c’est de dénoncer tout ce qu’il y’a comme incongruité au sein de cette sélection. La presse est-elle devenue votre bouc émissaire ?
Je ne fais pas de procès à la presse ; je mets juste en garde certains de vos confrères qui ne font pas le boulot proprement et professionnellement mais, profite plutôt d’une quelconque affinité avec un joueur pour jouer les justiciers et lyncher injustement des honnêtes personnes qui bossent pour l’épanouissement de cette sélection. Je refuse que des gens qui défendent leur bifteck, s’autorisent à dire du n’importe quoi sur ma personne. A chaque fois, c’est la même ritournelle. Ça fait au moins deux ans que ça dure. On m’accuse d’avoir créé un lobby Bamiléké au sein des Lions indomptables ; d’influencer les choix du coach pour imposer des joueurs qui appartiennent à la même aire géographique et ethnique que moi ; d’avoir installer un comptoir pour ne sélectionner que les plus offrants…etc. Je dis Stop ! Il y’a huit mois, ce sont ces joueurs qu’on vilipende aujourd’hui, qui ont effectué le tour du Cameroun avec le trophée qu’ils ont remporté à la CAN. A cette époque, on ne parlait pas de Bamiléké. C’est la patrie qui était en jeu ; c’est l’honneur de la nation que ces jeunes défendaient. Comment se fait-il qu’on en soit aujourd’hui à porter de tels jugements sur ma personne ? Je vais vous faire une révélation, cette émission diffusée sur les antennes d’une chaîne de télévision que je respectais, a été longtemps préparé à l’avance. Au courant de la semaine, j’ai reçu à mon hôtel, des émissaires du présentateur qui me réclamaient de l’argent faute de quoi, ils noirciraient mon image et feraient des révélations fracassantes à mon sujet. Je les ai envoyé paître et ils ont mis leur menace à exécution. On a passé plus d’une heure à me trainer dans la boue sous le fallacieux prétexte que je mange seul ; je suis « chiche » ; je n’ai partagé mon argent de la CAN avec personne, Chaque fois on me rappelle qu’on a gagné la CAN, on était à la Coupe des Confédérations et que je mange seul… C’est absurde. Je vais donc le redire pour que cela soit su. Si ces personnes pensent que je dois percevoir mon salaire et le partager avec des journalistes pour sauver ma tête ; ils se trompent.
N’est-ce pas la cacophonie qui règne dans le management de cette sélection qui pousse les gens à penser que vous êtes une espèce d’agent de joueur dans la tanière ?
Je ne suis ni agent de joueur ; ni sélectionneur, ni proche des joueurs. Que les gens se mettent bien ça dans la tête. Mon rôle c’est d’acheminer les convocations aux joueurs et leurs clubs et m’assurer qu’ils les ont bien reçus et donc, qu’ils seront à la disposition du sélectionneur à temps. Posez-moi la question au sujet de la qualité des terrains d’entraînement, du standing de l’hôtel où ils dorment ; de l’avion qui les transporte ou d’autres commodités liés à l’administratif et je vous répondrais. Parce que c’est moi qui suis chargé de mettre les joueurs dans les meilleures conditions possibles. Mais, s’il s’agit du volet technique, bien vouloir vous adresser au sélectionneur qui en est le garant. Les rôles sont clairement définis. Il n’y a pas d’amalgames ; ni de cacophonie. Je puis vous rassurer que cette histoire où on m’attribue des supra pouvoirs, va s’arrêter. Je n’ai peur de personne ; je ne vais pas céder au chantage et au harcèlement permanent. Que la presse fasse son boulot ; le staff des Lions fera le leur et qu’on s’en tienne à cela.
Avec l’élimination des Lions indomptables de la voie royale vers la Coupe du monde, pensez-vous que votre poste autant que celui du sélectionneur soit menacé ?
Ecoutez, je suis un employé au service d’une hiérarchie. Je suis camerounais et j’aime le football. Je fais mon travail avec professionnalisme. Croyez-vous que ce ne soit qu’à travers ma fonction de Team Manager que je travaille pour le football ? On ne m’a pas ramassé dans la rue pour me porter à ce poste. J’ai une hiérarchie à qui je rends compte et je m’attelle à faire mon job aussi soigneusement possible sans craindre d’être débarqué d’un moment à l’autre. Cette question n’est pas à l’ordre du jour. Ma vie ne s’arrête pas à l’équipe nationale. Après cette fonction, je ne retournerai pas dans la rue contrairement à ce que d’aucuns prédisent. Je suis un homme équilibré et correct avec moi-même qui continue à bien gagner sa vie. Il faut aussi qu’on cesse de présenter cette équipe comme un volcan prêt à exploser. Il n’y a pas de problème au sein de cette sélection. Les joueurs vivent en harmonie, sont respectueux et défendent valablement les couleurs du drapeau. La pression vient toujours de l’extérieur; les problèmes viennent toujours de l’extérieur.
Quel sentiment au sujet de l’organisation par le Cameroun de la CAN2019 ?
Pourquoi devrions-nous êtres pessimistes pour estimer que le Cameroun ne peut pas abriter la CAN2019. Cela devrait être plutôt une fierté pour nous, d’avoir été le pays hôte. C’est un honneur et une marque d’estime inégalable. Je pense que nous devrions rester positifs. Nous sommes allés discuter des CAN dans d’autres pays et nous avons vu comment les gens sont accueillis, comment la fièvre du football s’empare du pays hôte. Nous devrions plutôt être unis pour porter ce prestigieux projet qui nous honore grandement. Je connais les capacités de mon pays. Nous avons les moyens de l’organiser et nous pouvons le faire. Que les gens arrêtent d’être négatifs. L’effervescence, la liesse populaire et le prestige d’abriter une CAN, n’ont pas d’égal. On doit organiser cette CAN pour le bonheur de tous les camerounais.
Entretien mené par Christou Doubena