Avec le recul, on comprend mieux le discours offensif de Gianni Infantino à Rabat, à l’occasion de la journée d’étude sur les infrastructures footballistiques en Afrique ou lors du congrès de l’AIPS à Budapest. Lors de ces deux sorties médiatiques, le patron de la FIFA a tiré à boulets rouges sur la CAF et sur sa gestion. Cette virulence de ton quasi inédite est révélatrice de la colère du patron de FIFA contre la manière avec laquelle Ahmad Ahmad gère la CAF. Le rapport d’audit du cabinet PwC sur la CAF, dont quelques extraits ont été publiés par le «New York Times», révèle le «détournement de millions de dollars».
Ahmad Ahmad, qui avait promis lors de son élection en 2017 une grande opération de transparence au sein de la CAF, se retrouve dans de sales draps. Le Malgache a été entendu en juillet 2019 par l’Office central de lutte contre la corruption à Paris dans le cadre de l’affaire connue sous le nom de «Tactical Steel». De quoi s’agit-il au juste ? C’est un contrat d’un montant de 1,195 million de dollars signé par la CAF avec cette entreprise française, «Tactical Steel», afin que cette dernière fournisse des ballons, des tee-shirts et d’autres équipements sportifs lors des compétitions de la CAF. Jusque-là rien d’anormal. Seulement, la CAF avait déjà un accord de contrat de sponsoring avec la marque «Puma». Un contrat annulé par Ahmad Ahmad de manière unilatérale, sachant que le contrat avec Puma devait coûter à la CAF seulement 312.000 euros.
Certes, le patron de la CAF est sorti libre de son audition, mais cette affaire est le début des ennuis pour Ahmad Ahmad. Furieux, Infantino a placé la CAF sous la tutelle de la FIFA. Il a envoyé la secrétaire générale Fatma Samoura au Caire pour mener une mission d’audit financière de la CAF. Six mois plus tard, les conclusions de l’audit mené par le cabinet PwC est accablant si l’on en croit le «New York Times». La publication américaine a révélé des irrégularités financières qui se chiffrent en millions de dollars. Ce rapport de 55 pages dresse un bilan sombre de la gestion financière de la CAF, notamment des millions de dollars émanant de la subvention de la FIFA pour aider le football africain qui partent dans les poches de certains responsables de l’instance du football africain. Le rapport, dixit le journal américain, indique que la FIFA a remis un montant de 51 millions de dollars à la CAF entre 2015 et 2018 pour financer les projets de développement du football africain, mais 24 millions de cette somme ont été distribués sans raison valable aux responsables du football africain.
Le rapport note également que beaucoup d’opérations financières s’appuient sur des registres qui ne sont pas fiables, parce qu’ils étaient modifiés à la main. En outre, un voyage de pèlerinage à La Mecque a particulièrement interpellé les auditeurs à cause de son impertinence et des fonds qui ont été mobilisés. L’acquisition de plusieurs voitures de luxe a suscité les interrogations des experts de PwC. Ce rapport est du pain béni pour les détracteurs de l’administration Ahmad Ahmad. En attendant le congrès de la FIFA, prévu début juin à Addis Abeba, quelques têtes pourraient tomber.