La lourde défaite du Cameroun en match amical contre la France ne peut surprendre aucun observateur averti. Avec le cafouillage ayant précédé cette rencontre, une victoire des Lionnes aurait relevé du miracle.
Comme on pouvait s’y attendre, l’équipe féminine de football du Cameroun s’est inclinée lourdement face à celle de France le 09 octobre en match amical. Pour ceux qui savent lire les signes des temps, cette écrasante victoire ne constitue pas une surprise en soi, tant on la voyait venir et de très loin. Il est stupéfiant de constater que rien de vraiment sérieux n’a été fait pour préparer un match amical international inscrit sur les tablettes depuis 2016.
D’abord prévu à trois mois environ de la Coupe d’Afrique des nations de football féminin qui s’est tenue cette année-là au Cameroun, ce match est devenu au fil du temps un véritable serpent de mer, allant de menaces d’annulations en reprogrammations avant d’être finalement sauvé in extremis. Quant à ces multiples reports, ils relèvent pour l’instant du mystère.
Le plus intéressant c’est l’attitude diamétralement opposée des deux sélections nationales qui préparent toutes deux des compétitions majeures : la Coupe du monde 2019 pour la France et la CAN féminine 2018 pour le Cameroun. Consciente de la nécessité de parfaire la cohésion d’une équipe candidate au titre mondial, la France n’a cessé depuis lors de roder une redoutable machine en multipliant des matchs amicaux au rythme d’un match par mois contre des adversaires de poids. Pendant ce temps qu’a-t-on vu côté camerounais ? L’inertie doublée d’une désinvolture totale. On a continué à faire comme si de rien n’était, jusqu’au réveil brutal de mardi dernier au stade de Grenoble. On sait que depuis la CAN 2016 et le remplacement de l’ancien sélectionneur Enow Ngachu par Joseph Ndocko, les lionnes étaient en hibernation. Le premier regroupement remonte à un mois à peine avec leur participation au tournoi COSAFA en Afrique du Sud. Entre temps, deux longues années sont passées par pertes et profits. Pour revenir au récent match, il faut reconnaitre que l’équipe de France de football féminin est un gros calibre au plan mondial. L’écart qui sépare les « Bleuetes » (4è mondial au classement Fifa) du Cameroun (49è) est abyssal. Avant les Lionnes, d’autres sélections nationales ont enregistré cette année des sévères défaites face à la France. A l’instar de l’Allemagne («3-0), du Nigeria (8-0) ou du Mexique (4-0).
Une question d’image
Cela dit, ce n’est pas une excuse pour justifier nos énormes lacunes sur tous les plans. La question centrale est de savoir si toutes les dispositions ont été prises pour permettre aux Lionnes de mieux se préparer et s’exprimer sur le terrain le moment venu. Les responsables en charge de la gestion administrative et de l’encadrement technique ont-ils bien fait leur travail ? Il est permis d’en douter. En guise de consolation, certains diront qu’il ne s’agissait que d’un match amical. C’est oublier qu’un match au niveau international vaut son pesant d’or, qu’il soit amical ou pas. Non seulement parce que son résultat s’inscrit dans l’historique des rencontres au sommet entre les deux sélections, mais aussi parce qu’il permet de jauger la différence de niveau dans la hiérarchie mondiale. C’est pour cela que les grandes nations ne négligent aucun match amical car il y va de leur image, de leur prestige. Il n’en va pas de même pour les sélections africaines qui ont tendance de prendre tout à la légère. L’une des manifestations de l’impréparation aura été cette affaire de visas délivrés en retard. Pour un match connu longtemps à l’avance, il est affligeant de constater que des joueuses qu’à 24 heures du coup d’envoi, le sélectionneur et certaines joueuses étaient encore à Yaoundé. Il a fallu jouer contre la montre à la dernière minute pour rattraper le temps perdu mais le mal était déjà fait. Une situation rocambolesque qui ne nous honore pas.
Du professionnalisme !
Arrivées à quelques heures du match, c’est donc des Lionnes empruntées, visiblement à court de forme physique, déconcentrées et pour tout dire, démotivées qu’on a vu errer sur le terrain comme des âmes en peine. Face aux virevoltantes françaises qui ont exploité à merveille des boulevards gracieusement offerts, il n’y avait aucune vraie opposition en face. En 90 mn du temps réglementaire, les Camerounaises étaient à côté de la plaque. Aucune passe sûre, aucun duel gagné, aucun marquage à la culotte, aucun pressing haut, aucune sérénité défensive. De quoi compliquer davantage la tâche à une gardienne qui aura péché par ses sorties hasardeuses ; On peut d’ailleurs se demander pourquoi le staff technique n’a procédé à aucun réglage décisif, notamment au niveau des remplacements, alors que l’équipe prenait l’eau de toutes parts.
Maintenant que l’humiliation est consommée, quelques leçons s’imposent. D’abord le Cameroun ne doit plus accepter les matchs amicaux à n’importe quel prix. Alors que la décision la plus sage aurait été de demander un report de cette rencontre compte tenu de l’impréparation, on a préféré envoyé les filles à l’abattoir. Pour des raisons parfois bassement matérielles, certains matchs amicaux se sont même disputés en plein hiver (Angleterre-Cameroun en 1997 à Wembley ) Dans le meilleur des cas toutes les conditions de préparation doivent être remplies en vue d’une prestation honorable car il y va de l’image du Cameroun. L’improvisation demeure le grand péché du football camerounais. Or dans le football de haut niveau, il n’y a pas de miracle, les victoires sont le fruit d’une préparation minutieuse. La CAN féminine c’est dans un mois environ. Les lacunes de l’équipe camerounaise étant apparues au grand jour, les vice-championnes d’Afrique doivent se mettre immédiatement au travail pour préparer dans la sérénité cette importante échéance. En multipliant au besoin les matchs amicaux contre des adversaires de poids et en comptant sur plus de professionnalisme de la part de leurs encadreurs.
Jean Marie NZEKOUE
Auteur de « L’aventure mondiale du football africain » (L’Harmattan, Paris 2010)