La finale de football de la coupe du Cameroun, édition 2003 nous a permis de mesurer, une fois encore, le » dynamisme » de notre économie. Et pour cause. La Fédération camerounaise de football (Fécafoot) a enregistré à l’occasion de cet événement, trois gros annonceurs qui ont affiché ostensiblement leurs couleurs et leurs messages au stade Amadou Ahidjo.
Il s’agit du Pari Mutuel du Cameroun (Pmuc) avec ses chevaux, de la Société africaine des Brasseries du Cameroun (Sabc) avec ses produits, et de Mobile Telephone Network (Mtn-Cameron) avec ses papillons jaunes. Il s’agit-là d’un nombre ridicule d’annonceurs, eu égard à l’envergue de l’événement, la finale de la coupe du Cameroun étant la plus grande fête sportive nationale, et sans doute la deuxième fête du pays après la fête du 20 mai en terme de mobilisation sociale (plus de 40 000 spectateurs au stade, plusieurs millions d’auditeurs et de téléspectateurs à travers le monde), de solennité (présence somptueuse du chef de l’Etat et de tout le gouvernement), et d’éclat. C’est dire si c’est l’ensemble des opérateurs économiques nationaux qui devaient se mobiliser pour venir se vendre dans un stade plein à craquer, et avec la garantie de toucher chacun des 14 000 villages camerounais à travers la radio, la télévision, la presse écrite, ou tout simplement le téléphone arabe.
Mais que dalle ! Au stade Omnisports de Yaoundé, on a enregistré que trois entreprises. Non pas parce que le reste de la troupe n’a pas flairé le coup, ou ne dispose pas de bons managers capables de les entraîner vers ce type de communication, mais sans doute en raison de la pauvreté structurelle de nos milieux d’affaires : très peu d’entreprises viables, absence de compétition réelle entre les entreprises exerçant dans le même domaine, perspectives insuffisantes de développement. Surtout que, il faut se le dire, la déception de dimanche 28 décembre 2003 ne tient pas seulement qu’au nombre d’annonceurs présents au stade, mais davantage encore à la qualité de ces annonceurs. Le premier cité, le Pmuc fait dans le jeu de hasard considéré comme l’opium du peuple. Considération qu’il partage avec l’alcool, le produit que commercialise le deuxième cité, les Brasseries du Cameroun. Le troisième cité enfin, Mtn, fait dans le téléphone. Normal, c’est l’un des secteurs productifs qui connait dans le monde le plus grand rythme de croissance possible, et dont s’enivrent ces derniers temps, avec l’effet de la nouveauté, les Camerounais qui en ont fait depuis longtemps déjà, un troisième opium.
Posez maintenant la question à un élève du cours moyen I qui a bien assimilé la clé de lecture de son étude de texte, il vous répondra les yeux fermés et avec une voix déclamatoire comme seuls savent le faire les bons écoliers de ce niveau d’études : » les jeux, la bière et la téléphone « . Il n’aura manqué que la cigarette dont le secteur est empêtré dans ses problèmes de contrebande et de contrefaçon, pour réunir tous les éléments du puzzle d’encerclement par la distraction et l’enivrement. Mais où étaient pendant ce temps les Banques qui sont détenues au Cameroun par des multinationales occidentales et dont le dynamisme devrait se refléter à travers les crédits d’investissement accordés aux entreprises ? Où étaient toutes ses compagnies d’assurances dont on sait par ailleurs qu’elles constituent de par le monde le premier vecteur de développement économique en raison de leur forte capacité de mobilisation de l’épargne ? Où étaient ces autres entreprises sensées opérer dans la grande distribution et dont la multiplication des points de vente devrait traduire la force de consommation de notre société ?
Où était toutes ces agro-industries et autres manufactures de grandes factures dont la présence au stade aurait traduit la force productive et reproductive de notre secteur industriel ?
La seule réponse qui vaille et qui aille à cette lancinante interrogation, est bien sûr qu’ils étaient nulle part parce qu’ils n’existent nulle part, et que leurs semblables que nous croyons voir ne sont en fait que la reproduction camerounaise et contemporaines des ombres de Platon dans le mythe de la caverne. On les croit réels et grands, alors qu’ils ne sont que simulés et tout petits. Voilà la lecture qu’il faut faire du décor du stade Amadou Ahidjo le 28 décembre dernier. Voilà le reflet réel et cru de notre tissu économique à l’aube de la quatrième année du troisième millénaire.
Alphonse Ateba Noa