» La génération spontanée, c’est terminé. Les victoires de demain se préparent. Malheureusement, nous n’avons pas de vision. Le principe d’une ligue spécialisée est déjà quelque chose de positif. Mais il faudrait que cela soit effectif et non seulement couché sur du papier. La Ligue du football des jeunes doit être autonome. Aussi bien sur le plan administratif, financier, que sportif « . Comme on peut le constater, Eugène Ekeke, ancien international de football, aujourd’hui reconverti dans l’encadrement des jeunes footballeurs est amer.
Ces critiques, acerbes, vont aussi bien à l’endroit de la tutelle qu’est la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), que des promoteurs des écoles de football et des centres de formation. Quatorze ans (1989) après ce qu’il convient de considérer comme la première école de football du Cameroun, l’Ecole de football des Brasseries, centres et écoles voient le jour à un rythme effréné. Au 03 octobre 2003, la ligue spécialisée avait recensé 280 équipes appartenant à plus de 200 écoles ou centres de formation.
Lesquels naissent, parfois, sans récépissé de déclaration, le vide juridique laissant le champ libre à un nombre de plus en plus élévé d’aventuriers et « massacreurs » d’enfants (dixit Dominique Wansi, directeur technique national adjoint) couverts sous l’appellation « d’éducateurs ». Sur 500 personnes identifiées par la direction technique nationale (Dtn) parce qu’ayant suivi une formation d’encadreurs de premier niveau, celle qui permet de s’occuper des enfants de 8 à 13 ans, très peu officient cependant dans les écoles de football ou les centres de formations. Une situation contre laquelle s’insurge Ekéké : « Beaucoup d’éducateurs ne sont pas qualifiés. Ils ne respectent pas les enfants. Pourtant, être éducateur c’est avant tout un savoir-faire et un savoir-vivre. L’éducateur doit être un artiste, un pédagogue, un psychologue et, enfin, un technicien. Pour cela, il n’est pas toujours obligé de passer par l’Injs [l’Institut national de la jeunesse et des Sports, Ndlr], mais avoir quand même acquis une formation de base en la matière. Et c’est à ce niveau qu’interviennent les anciens footballeurs. Ils ont une grande part à jouer dans la formation des jeunes ».
Table ronde
Ce qui a d’ailleurs été le sujet de la table ronde organisée par la ligue spécialisée du football des jeunes vendredi dernier à Douala. Il s’agissait pour son bureau, représenté à l’occasion par son président, Louis Marie Ondoa, et son secrétaire général, Jean-Claude Amougou, de définir, au moment du lancement de la saison 2003-2004, « Le rôle de tout un chacun et l’importance de la structuration du football des jeunes car, poursuit M. Ondoa, plus la base est solide, mieux l’édifice tient bon. Quelles que soient les intempéries! » Et comme l’ont constaté l’ensemble des pannélistes (anciens footballeurs pour la plupart reconvertis dans la formation et/ou l’encadrement des jeunes footballeurs) présents ce vendredi dans la salle de conférences de la délégation provinciale du ministère de la Jeunesse et des Sports du Littoral, notamment Dominique Wansi, Adalbert Mangamba et Michel Kaham : les plus grosses difficultés dans la formation des jeunes footballeurs sont l’escamotage des âges qui ne permet pas l’organisation de compétitions productives; et la qualité des formateurs, non qualifiés pour la plupart, qui ne prennent pas en compte le devenir scolaire des enfants.
A cela s’ajoute la difficulté propre à l’ensemble du mouvement sportif national : l’absence d’infrastructures adéquates. L’inexistence d’une réglementation appropriée et d’un cahier de charges destiné aux promoteurs du football des jeunes est telle que le travail sur le terrain, mal maîtrisé et non spécifique, est effectué indépendamment des catégories d’âges. Ainsi on trouve par exemple des éducateurs qui musclent des benjamins (10-12 ans) ou des minimes (12-15 ans), des jeunes pourtant en pleine croissance. Même si très peu évoluent avec leur âge réel. Et à ce propos, parents et/ou éducateurs sont complices de ces irrégularités. Il convient cependant de noter que cette gestion obscure du football des jeunes est tributaire du flou qu’entretient la Fécafoot tout autour de l’existence de la ligue spécialisée (ou commission nationale, c’est selon). Dans les textes de 1999 qui donnent vie à cette structure, il est stipulé que cette dernière possède une autonomie administrative, financière et sportive. Bien que l’on note de petites avancées, l’autonomie dont il est question est factice.
Ce n’est que l’année dernière que le Cameroun a connu son premier tournoi national de football des jeunes. Celui-ci a regroupé, en mai 2002 à Yaoundé, les équipes des minimes, des cadets et des juniors. Le bureau directeur de la Fécafoot avait approuvé ce projet d’une valeur de 20 millions de F Cfa, après insistance de la ligue spécialisée. Mais quelle gymnastique Ondoa et les autres ont faite pour que cet argent, débloqué au compte-gouttes, soit décaissé ! Alors que dans les livres de la Fécafoot, on voit bien inscrit dans la colonne des prévisions : 50 millions de F Cfa pour le football des jeunes. Somme dérisoire pour une structure qui brasse des milliards, et surtout, lorsqu’on scrute les retombées du sponsoring de Mtn (plus de 200 millions de F Cfa) et que l’on sait par ailleurs que dans les 250.000 dollars ( environ 165 millions de F Cfa) d’Aide au développement annuelle que la Fifa accorde aux associations nationales, une partie est destinée au football des jeunes. Seulement, plus de la moitié de cet argent est orienté vers d’autres charges.
Structuration
Bien organisé, le football des jeunes pourrait changer de physionomie en 2004, date à compter de laquelle la Fifa va le soutenir à hauteur de 60.000 dollars par an. Soutien qui s’effectuera à travers le projet Goal et qui sera destiné à l’organisation d’un (véritable) tournoi national de jeunes et à l’assurance des joueurs. L’établissement des licences aux 8000 demandeurs (à raison de 1.000 F Cfa la pièce) pourrait également constituer une autre source de financement des activités de la ligue spécialisée. Tout ceci ne saurait se faire sans que soit publié le statut particulier du football des jeunes qui attend d’être validé par le bureau directeur de la Fécafoot. Ces textes constituent en fait le guide des promoteurs des centres de formation, parce qu’à l’intérieur on retrouvera le cahier de charges et le guide des éducateurs, en chantier à la Dtn. L’organisation des compétitions sur le terrain ne sera plus qu’une question de management et de rigueur.
Bertille M. Bikoun