Avant son premier entraînement avec les Lions Indomptables du Cameroun à Kiev, le nouveau sélectionneur du Cameroun nous a accordé une interview dans laquelle il se révèle. Sans aucun faux fuyant, il n’esquive aucune question et semble être coriace dans les duels serré. Interview…
Je suppose qu’entraîner une équipe africaine a toujours été votre rêve. Pouvez-vous nous le confirmer ?
Honnêtement, c’est une histoire qui n’a rien à voir avec mes rêves. Je n’ai jamais rêver d’entraîner une équipe africaine. En fait, je pense que c’est parce que j’ai travaillé avec beaucoup d’africains. Ça a commencé avec les africains du nord, les Tunisiens. Ensuite je suis descendu un peu plus bas sur le continent. J’étais jusqu’au Cameroun donc ça n’a rien à voir avec un rêve. C’était la situation d’un club de Bundesliga avec un petit budget qui cherchait des joueurs dans les pays avec un marché abordable. J’ai aussi travaillé avec des pays comme la Géorgie, ce qui n’a rien à voir avec l’Afrique, avec des joueurs qui se sont avérés très bons.
Je connais très bien les forces et les difficultés des joueurs africains pour avoir aidé certains à franchir le cap de la Bundesliga. Beaucoup d’équipes ne le font pas. Quand j’étais entraîneur de Fribourg, plusieurs fédérations africaines m’ont contacté pour que je devienne sélectionneur national.
Vous avez certes eu du succès et de la reconnaissance en Allemagne. Mais pourquoi avoir choisi le Cameroun ?
D’une manière globale, j’ai eu beaucoup de possibilités. A Fribourg, le projet proposé au début était fantastique. Je me suis investi à fond, j’ai eu beaucoup de plaisir dans mes fonctions. J’ai eu deux merveilleuses années au Japon. Une très belle expérience avec une autre culture. Avec mon vécu au Japon, il était pour moi logique de faire un nouveau pas dans une autre culture différente de celle de la Bundesliga.
Beaucoup de journalistes écrivent que c’est un rêve pour moi de travailler en Afrique parce que j’ai travaillé avec beaucoup de footballeurs africains. Je connais la mentalité, les forces, les faiblesses, les difficultés grâce à mon vécu avec eux. Et, je pense modestement que j’appartiens à ceux qui ont l’expérience nécessaire pour entraîner une sélection africaine. Il ne faut pas forcement avoir un grand nom en Europe pour entraîner en Afrique. La prise en compte des spécificités locales est très importante. Ça fait plus de 20 ans que je vais chaque fois à la coupe d’Afrique des nations, avec ma grande expérience sur le continent je pense pouvoir bien m’entendre et bien travailler avec les joueurs.
Quel projet avez-vous pour le Cameroun ?
Le Cameroun est dans une situation un peu délicate. Dans les années 80, 90 et 2000, le Cameroun a eu de gros succès. Il était toujours dans le top 3 des nations africaines. Une position qui a changé depuis qu’il ne participe plus aux compétitions africaines. C’est un peu comme le FC Cologne dans les années 70 avec du succès et des joueurs très en vue en équipe nationale. Ce qui a entraîné de nombreuses discussions, des luttes de clans empêchant par la même occasion une vraie politique de développement. Je pense que le Cameroun est dans une situation délicate avec son absence aux dernières CAN, la non qualification des juniors, des cadets. Personnellement, je trouve ça triste que les jeunes ne puissent plus s’exprimer sur le plan continental. C’est pour cela que s’il faut parler de projet, on peut tout simplement dire qu’il doit jouer les premiers rôles. Pour cela, l’équipe nationale senior doit avant tout servir d’exemple de succès pour la relève. Si le Cameroun ne participe ni à la CAN ni à la Coupe du monde, il sera donc difficile d’établir un grand projet puisque les jeunes vont partir du pays à 16 ans, 17 ans. Ce qui n’est pas bon pour le développement. Il est certain que la base doit se développer mais, l’équipe nationale doit tout faire pour servir d’exemple.
Avant votre nomination, il y a eu beaucoup de rumeurs, des non dits et surtout la concurrence française de Raymond Domenech et Antoine Kombouaré…
Honnêtement, je ne ‘attendais pas à être nommé puisque d’après ce que j’ai entendu, il y avait plus de 80 postulants sur cet appel à candidature international. Après il y a eu la short list avec je crois trois français. Ce qui est un peu normal quand on voit le nombre de français engagé dans les pays francophones. J’étais vraiment surpris même si j’avais aussi un bon pré sentiment. Toujours est-il que j’étais très content d’aller en entretien à Paris où j’étais seul, sans agent, sans interprète. J’ai parlé en Français en Anglais et c’était super d’entendre après deux heures d’entretien que c’était intéressant. C’est comme ça que ça a été avec moi. Et s’il faut être honnête avec moi même, je pensais qu’avec la concurrence, ce serait un français. En même temps je savais au fond de moi que les entraîneurs allemands sont demandés grâce à notre politique de développement que nous avons engagé à Fribourg au lendemain de la mauvaise coupe d’Europe des Allemands.
Et pourtant, beaucoup disent que vous êtes un pur produit de l’équipementier Puma…
Je trouve vraiment dommage ce genre de chose. Je ne vais naturellement pas me disputer avec qui que ce soit sur ce genre de spéculation. Tout ce que je peux dire c’est que Puma est certainement l’un des principaux équipementiers qui s’engagent et investissent dans le football africain. Que Puma s’intéresse aux entraineurs de Bundesliga qui ont le plus travaillé avec les africains, que Puma s’intéresse à ceux qui ont plusieurs fois participé aux compétitions africaines, que Puma s’intéresse à ceux là qui postulent dans un pays où ils sont engagés, que Puma s’intéresse à un moment donné à ceux qui peuvent apporter le succès où ils sont n’est que normal. C’est une opinion personnelle qui n’a rien à voir avec ce que les gens racontent. Ce n’est pas négatif que quelqu’un qui investi économiquement s’intéresse à ce qui peut amener les résultats. Je ne veux pas jouer les enseignants mais je trouve ça complètement enfantin. Cette discussion est triste. J’ai même lu quelque part Puma contre le quai d’Orsay. Je ne veux pas critiquer mais, ça fait vraiment école maternelle. Je veux uniquement me concentrer sur le terrain et je ne veux entendre nulle part que Finke a critiqué qui que ce soit parce que mon travail c’est sur le terrain. Le football est un langage universel. Je serais riche parce que je vais partager et recevoir sur le plan culturel, sportif et sur le plan des relations humaines. C’est ça qui me fait plaisir dans ce métier.
Connaissez-vous déjà vos adjoints ? Je veux dire l’équipe avec laquelle vous allez travailler dans votre staff ?
Je ne peux pas encore le révéler publiquement puisqu’il y a quelques petites choses à régler. Comme je l’ai dit pendant l’entretien de Paris, je veux en premier quelqu’un que je connais depuis longtemps, quelqu’un à qui je fais entièrement confiance, quelqu’un qui va faire exactement ce que je demande, quelqu’un qui est techniquement compétent. C’est pour cela que Tanko est ici. Pour les autres, la fédération va me faire des propositions, on va s’asseoir, je vais regarder tout ça calmement. Pour l’instant je travaille avec une équipe et s’il faut faire des changements, ce sera dans le sens de l’amélioration pour un travail d’ensemble, le développement d’un team spirit dans lequel l’entraîneur et son staff sont partie prenante. Je trouve normal que si un entraîneur étranger est nommé, qu’un entraîneur local soit dans le staff pour un vrai travail d’équipe qui profite à tout le monde. Je pense qu’avec le niveau actuel du football allemand, il est important de travailler main dans la main.
Interview réalisé par Stéphane Nando