Les éternels pourfendeurs de Tombi à Roko et de son équipe peuvent jubiler pour avoir obtenu enfin la tête de leur ennemi juré après plusieurs tentatives infructueuses. Non par un uppercut direct, mais à travers le rendu d’une décision de justice qui a pris du temps pour être appliquée.
Ceci dit, la décision de la FIFA nommant le comité de normalisation à la FECAFOOT était plus ou moins attendue après plusieurs recours en annulation introduites par des contestataires et la « confirmation par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) du jugement de la Chambre de Conciliation et d’Arbitrage du Comité Olympique et Sportif du Cameroun, laquelle a annulé la procédure électorale ayant mené à l’élection en 2015 de l’actuel comité exécutif de la FECAFOOT ».
Cette décision a tout de même de quoi surprendre par sa soudaineté car depuis le début de cette affaire et malgré les multiples interpellations par Abdouraman et consorts, la FIFA n’a jamais opté pour une solution radicale. L’instance faîtière du football mondial a récemment cherché l’apaisement, en vue de mieux rapprocher les deux protagonistes en vue d’un consensus. D’où la récente réunion de Conakry en Guinée qui visait à « rapprocher les différentes parties prenantes du football camerounais pour sortir enfin de l’impasse ». Confortée par cette espèce de jugement à la Salomon et le statu quo aidant, l’équipe dirigeante de la FECAFOOT croyait évoluer dès lors dans des eaux moins troubles jusqu’à la fin de son mandat prévue pour 2019. Une échéance qui correspondait comme par hasard à l’organisation de la CAN 2019 au Cameroun. Elle se jouera, hélas sans elle.
« Si dès le départ la FIFA avait pris les choses en main avec la ferme volonté de débarquer Tombi, l’affaire n’aurait pas autant trainé. Il faut savoir que le président pourtant jugé illégitime de la Fecafoot a assisté physiquement à l’élection du président de FIFA, puis du président de la CAF ainsi qu’au récent symposium de la CAF au Maroc. Jusque-là, l’entente semblait cordiale et chacun devait rester à sa place. L’actuel bras de fer entre la Fecafoot et la CAF au sujet de la tenue ou non de la prochaine CAN au Cameroun n’est pas à négliger dans l’analyse de la situation actuelle. Alors on espère que la normalisation ne prendra pas des allures de représailles», observe un dirigeant de club camerounais.
Pourquoi maintenant ?
Sans connaitre nécessairement les tenants ni les aboutissants de ce qui apparait comme un véritable coup de force, on peut tout de même, comme journaliste, énoncer quelques signaux révélateurs en évoquant le contexte et le timing dans lesquels intervient cette décision de la FIFA qui succède à d’autres décisions fortes prises auparavant. Il en est ainsi du décret présidentiel portant création, organisation et fonctionnement du comité local d’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2019 au Cameroun (11 août), de l’installation par le ministre des Sports et de l’éducation physique des 160 membres du Comité d’organisation (Cocan) intervenue à la veille de la première mission d’inspection de la CAF au Cameroun qui a été reportée sans explication valable. Par ailleurs, cette décision surgit dans un environnement pollué par des débats passionnés voire controversés, où aucun argument n’est de trop pour faire prévaloir son point de vue. On peut rappeler à ce propos les récents échanges épistolaires entre la FECAFOOT et la CAF, notamment les deux lettres du président sortant de la fédération camerounaise au sujet du changement du cahier des charges de la CAN ou sur les garanties de sécurité pour les membres de la mission d’inspection. On peut supposer que déjà en froid avec le Cameroun, la CAF n’aurait pas apprécié que des personnes « mal élus » par leur fédération se permettent de lui faire des observations, allant même jusqu’à brandir des menaces de poursuites judiciaires au cas où…
Alors quoi de mieux que de fragiliser davantage ces donneurs de leçons dont le sort ne tient qu’à un fil ! « Alors normalisation ou représailles ? », s’interroge un ancien footballeur bien au fait de certaines pratiques. Chacun peut penser ce qu’il veut mais au final les faits sont têtus.
Evidemment, la réflexion qui précède n’est qu’une grille d’analyse parmi tant d’autres. Elle ne vise pas à remettre en question la décision de la FIFA qui s’appuie sur des solides arguments juridiques confirmés par le TAS et la Chambre de conciliation et d’arbitrage du COSC. La question est de savoir pourquoi c’est maintenant qu’intervient cette décision et quel est son impact sur le processus d’organisation de la CAN 2019. Au regard des expériences passées, on peut néanmoins s’interroger sur la pertinence et l’efficacité du Comité de normalisation face aux défis urgents du football camerounais.
Jean Marie Nzekoue