Faustin Domkeu sembla avoir compris la profondeur du mal du football camerounais. Le refus de prendre des décisions en amont ont induit les piètres résultats. La qualité de la formation s’en est trouvée perturbée. Autrefois moulin à production de talent, le football camerounais est au plus bas au moment où les centres de formation sont les plus actifs. La faute à la qualité de la formation et la dilution des talents. Il va falloir du courage pour tout remettre à plat et ressusciter. Entretien…
Que faut-il faire pour redorer l’image des Lions Indomptables ?
Il faut mener une grande réflexion. Une réflexion collective avec tous les acteurs du football, afin de poser un diagnostic pour comprendre pourquoi depuis 1994 nous ne traversons pas la phase de poule d’une coupe du monde de football. On ne doit pas tourner la page d’une phase finale de coupe du monde sans chercher à comprendre les causes de l’échec. En 2010 on s’est fait humilier du mondial sud-africain et personne ne s’est interrogée. Vous ne pouvez pas dire que rien ne fut fait.
Il y a eu le forum sur le football et les états généraux du sport Je tiens à féliciter le directeur technique de ce projet, monsieur Ama Pierrot et Joseph Antoine Bell qui ont eu l’intelligence de bien conseiller le ministre de l’époque (Michel Zoa, ndlr) de tenir un forum sur le football, dont le but était de chuter par les états généraux du sport.
Le forum était une sorte de galop d’essai sur la forme et le fond. Tous les acteurs du football étaient présents à ce forum. Au sortir, on a eu une forme de réconciliation. Vous imaginez qu’on a réussi à faire asseoir sur une même table, la génération de Tonye Mbog à la jeune génération pour plancher sur les maux qui gangrènent le football camerounais! Au terme dudit forum, plusieurs solutions ont été proposées pour l’amélioration de notre football. Mais hélas. Aucune mesure n’a été prise pour leur application.
Qu’est ce qui bloque l’application de ces décisions selon vous?
Les hommes ! Les hommes. Les hommes.
Il n’est pas possible de vivre sans les hommes…
Oui. Le problème, c’est qu’il y a un manque d’humilité et de courage des acteurs principaux du football. Je parle ici de l’autorité de tutelle (Minsep), de la Fédération… Il faut être humble. L’humilité consiste à comprendre que le football ne peut pas se jouer sans les acteurs: la grande famille. L’expression que j’utilise pour symboliser ceci est la base de l’identité. La base identitaire de la famille du football est une identité finie, facilement déterminable. Mon raisonnement est tout simple. On peut voir les entraîneurs et leur demander de désigner leurs représentants avec qui on peut discuter. On fait la même chose chez les arbitres, les journalistes sportifs…
Les journalistes sportifs n’ont pas ce problème. Ils ont une association qui les représente (AJSC)…
N’entrons pas dans ce débat. On sait bien ce qui se passe. Si vous vouliez que je parle le langage de la vérité. Vous convenez avec moi que plusieurs journalistes sportifs n’adhèrent pas à l’Association des journalistes sportifs du Cameroun. Allons dans la famille des entraineurs. Vous êtes conscient que les entraineurs sont divisés. J’ai discuté avec eux. Il y a eu l’approche Belinga et celle de Dominique Wansi. Vous le savez. C’est le même constat chez les présidents de clubs. Il y a l’approche des uns qui veulent qu’on joue les championnats de Ligue 1 et 2 à quarante deux. Les autres ne partagent pas cet avis. Chez les arbitres, il y a l’approche Assong et l’approche Wam. Quand vous allez dans l’association des footballeurs, il ne faut pas se cacher, c’est pire. On a une multitude d’associations : Synafoc, Rfc, Ufc…
Comment pouvons-nous résoudre nos problèmes quand nous sommes fragmentés ? Telle est la problématique. Il faut que quelqu’un sorte de nulle part et vienne exorciser la famille du football et dire : il faut que vous laissiez vos égos de côté et vous vous asseyiez autour d’une même table pour négocier. Si tous les acteurs s’asseyent autour d’une table et chacun s’interroge sur les causes de l’impasse, chacun évoque les différents problèmes, je pense que cela contribuerait à solutionner les maux.
En guise d’illustration, trouvez-vous normal que dans une région comme le littoral, il y ait une cinquantaine de centre de formation ? Non. On peut par exemple dire que chaque arrondissement de la région aura un centre de formation et on met tous les moyens pour son fonctionnement.
De façon succincte, on peut dire que le centre de l’arrondissement de Douala 4ème doit être basé à la Kadji sport academy (Ksa) et on voit dans quelle mesure rendre ceci possible avec les responsables du centre. On peut décider de faire de l’école de football de Brasseries, le centre de formation de l’arrondissement de Douala 3ème. Nous entrons en négociation avec les responsables de ce centre… Vous ne pouvez pas avoir dans le département du Wouri cinquante centres de formation. C’est impossible et ça n’existe nulle part. Il faut à chaque fois avoir la crème. Quand vous regardez le concours d’entrée en classe de 6ème au Lycée, il y a plus de cinq cent candidats. A la fin on ne retient que les meilleurs. C’est ceux-là qu’on doit former. Je vous dévoile ainsi quelques ébauches d’un projet que nous planifions et que devrions soumettre aux autorités. Vous ne pouvez pas avoir vingt millions de camerounais et quinze millions pensent qu’ils joueront au football. Il faut retenir les meilleurs. C’est un peu comme-ci vous voulez nous dire qu’à l’époque tout le monde pouvait être admis à l’école polytechnique ou la centrale de Paris. Pourtant tout le monde le voulait. Ce n’est pas tous les bacheliers qui sont admis au CUSS, à l’ENAM, ou à l’école polytechnique de Yaoundé…
Quand au niveau de la formation, vous avez tamisé pour ne retenir que la crème, au bout de quatre années de formation, vous obtiendrez les meilleurs. Ces meilleurs vont se familiariser avec le football amateur. Ce n’est qu’après ceci qu’on doit tirer les meilleurs pour le football professionnel. Les joueurs moyens du football professionnel iront jouer en Asie. Les plus forts iront jouer dans les meilleurs championnats européens. Nos jeunes footballeurs n’iront plus trainer dans les rues en Azerbaïdjan… Ils iront jouer directement. Car on doit les voir évoluer dans le championnat professionnel camerounais. Il y aura un meilleur championnat qui n’aura pas dix-neuf clubs. Il y aura douze ou quatorze. Quand vous suivez le cheminement développé plus haut, vous n’aurez pas plus de cinq cent joueurs de la crème. Tout le monde ne doit pas aller jouer en hexagone.
Les joueurs de la trempe de Samuel Eto’o ou Geremi Njitap, vous n’aurez pas deux toutes les générations. Ils étaient nombreux à leur époque. Vous voyez qu’ils ont marqué les esprits jusqu’à nos jours. C’est pratiquement le concept que les Brasseries ont eu. A la seule différence qu’ils allaient prospecter dans les dix provinces. C’est au cours des tournois coupe-top qu’ils ont détecté des joueurs comme les Wome Nlend, les Njitap, les Song Bahanag… Si vous pensez qu’il faille faire la centrale de Paris pour émettre une proposition pareille, considérez que j’ai fait centrale de Paris. Voici le scoop d’une proposition que nous avons mûri et travaillé. Je vous la donne parce que vous êtes Camfoot, un média sérieux qui contribue en sa manière à l’éclosion du football camerounais. Pour me résumer le développement de notre football doit partir de la base pour le sommet. Si le Premier Ministre pouvait vous lire et découvrir qu’il y a des propositions intéressantes, tant mieux.
Je vous le dis, la régénérescence du football camerounais doit passer par la formation, le football amateur, le football professionnel, le football de haut niveau au niveau national.
Entretien mené par James Kapnang